Enfant violent : d’où vient cette agressivité et comment la gérer au quotidien ?

Dans la cour de récré ou entre les murs du foyer familial, certain.e.s enfants mordent, frappent, griffent, crient et répondent furieusement. Si jusqu’à trois ans, les pointes d’agressivité sont assez courantes, voire constructives, elles deviennent anormales lorsqu’elles se suspendent dans le temps. Mais contrairement aux idées reçues, l’enfant violent.e est loin d’être le produit fini d’une éducation laxiste. Cette rage démesurée est en fait la couverture d’un profond mal-être. Alors, comment canaliser la violence de cet.te enfant qui semble avoir été piqué.e par le diable ? La réponse réside dans le calme et le dialogue. 

Enfant violent.e : comment reconnaître les limites de l’agressivité ?

En deçà de cinq ans, un.e enfant peut se montrer particulièrement agressif.ve. Il n’est donc pas rare qu’iel plante ses crocs dans les bras de ses comparses ou qu’iel réplique aux chamailleries à coup de pelle en plastique. Si à la vue de ce comportement impétueux, le mot « violent » revient tout de suite à la hâte, en réalité il est assez inapproprié. En période de bas âge, l’enfant ne connaît pas encore toutes les formalités du langage.

Son champ d’expression se limite donc à des gestes, brusques et peu diplomates. Avant cinq ans, les enfants n’en ont que faire de la courtoisie et du tact. Iels utilisent la méthode « bulldozer » pour arriver à leur fin puisque c’est leur seul moyen de traduire un besoin. Certes, d’un œil adulte, ces actes sonnent un peu plus barbares.

Pourtant même s’ils restent contestables, ils font partie du « package » petite enfance. Si un.e enfant prend ses camarades ou ses parents pour un punching-ball, c’est souvent le signe d’une frustration ou d’un trop-plein émotionnel. Évidemment, pas question de laisser l’enfant devenir une réplique miniature d’un.e catcheur.se. Bien que, dans le fond, l’enfant ne pense pas à mal, l’autorité parentale fait foi.

L’enfant violent.e, au-delà de 5 ans

À partir de trois ans, l’enfant s’éveille. Iel acquiert des clés de langage qui lui permettent de poser des mots sur ses ressentis. Au lieu de se rouler par terre et arracher les cheveux de ses camarades pour obtenir un jouet, iel va préférer une approche plus pédagogue et raisonnée. La violence n’est plus physique, mais verbale. À l’âge de cinq ans, l’enfant se perfectionne dans l’art de la sociabilisation.

En étant au contact des autres, iel s’imprègne de valeurs humaines qui le responsabilisent. Iel prend conscience de la proportion de ses gestes et possède un sens de la culpabilité plus prononcé. C’est comme si une zone blanche de son cerveau s’était soudainement allumée. Si l’enfant continue à être violent.e après cinq ans, c’est qu’il y a une vis dans les rouages psychologiques. Et attention, il ne s’agit pas de petits caprices épisodiques, mais de vrais relents de férocité. L’enfant est lui/elle-même piégé.e dans une violence qui lui est hors de portée.

Enfant violent.e : quelle est l’origine du mal ?

Dans l’esprit collectif, l’enfant violent.e est injustement réduit à l’étiquette de « petit monstre mal élevé ». Pourtant, cette agressivité quasi maladive est un langage codé qui vaut autant qu’un appel à l’aide. L’enfant violent.e n’est pas une caricature lilliputienne de Lucifer et encore moins un.e génie du mal. Sous ce masque à corne se cache une souffrance plus profonde et subtile.

Les spécialistes parlent d’ailleurs plus de « comportements violents » que « d’enfants violents ». Cette nuance est importante puisqu’elle évite d’emprisonner les enfants dans des « cases ». Un.e enfant qui cogne, qui frappe ou s’auto-torture ne le fait pas par pur plaisir sadique ou par vengeance, mais pour se défendre d’une réalité trop crue. C’est un bouclier de survie mental. Cette violence, abréviation d’émotions écorchées à vif, trouve cependant plusieurs sources.

Le mimétisme

L’enfant violent calque les gestes enragés qu’iel voit au domicile ou dans la fiction. Même si les scientifiques se contredisent, une étude réalisée par The American Psychological Association démontre un lien entre l’usage de jeux vidéo violents et l’augmentation de cognitions agressives chez l’enfant. Iel pense donc qu’en venir aux mains et aux coups fait figure de norme. 

Le manque d’attention

L’enfant peut aussi agir violemment en réponse à une dette affective. Si l’enfant s’en remet au grade de « chat noir » de la famille et que ses parents le laissent sur le banc de touche, iel aura tendance à vouloir attirer les regards, par les moyens les plus extrêmes. Pour lui/elle, taper revient à dire « j’existe ».

Les bouleversements familiaux

Naissance, dispute, divorce, déménagement, nouveau conjoint… ces événements « marquants » troublent « l’harmonie familiale », déplaçant ainsi tous les repères de l’enfant. Même si l’on pense que les enfants sont pleins de ressources et qu’iels s’adaptent facilement, certaines situations s’apparentent à des tsunamis pour eux/elles.

Ce qui paraît « futile » aux yeux des parents prend une tournure très stressante chez les enfants. La violence est donc une façon déguisée de manifester leur contrariété. C’est surtout valable dans les conflits. Selon des études canadiennes, les enfants du divorce sont plus susceptibles d’avoir un comportement agressif, impulsif et antisocial.

La maltraitance

Selon le psychanalyste Jacques Dayan « les actes de maltraitance peuvent provoquer un traumatisme psychique qui engendre un syndrome de répétition ». C’est un cercle vicieux. Si l’enfant est battu.e, iel aura tendance à lui/elle-même user de la violence pour extérioriser sa propre douleur.

Cet héritage empoisonné n’est pas obligatoire. Cependant, la violence peut faire office de « décharge émotionnelle » lorsque les mots sont trop durs à poser.

Comment canaliser la violence de l’enfant sans heurts ?

L’enfant violent.e est loin d’être une cause perdue ou irrattrapable. Encore une fois, cette violence reste la façade d’un grand séisme intérieur. Les parents, les proches, les enseignant.e.s sont donc la pierre angulaire de la « guérison ». Pour éviter que cette haine ne s’enlise trop, voici quelques pistes bienveillantes.

1 – Poser des mots ou une image sur la violence

Inutile d’incriminer l’enfant violent.e. Ses gestes « destructeurs » sont « délibérés ». Avant d’en venir à la conclusion précoce de « cancre indocile » et de s’en remettre au fâcheux « copié de lignes », mieux vaut l’aider à identifier ses émotions.

En général, l’enfant violent.e est totalement aveuglé.e par l’ampleur de ses actes. C’est un peu comme s’iel était tenu.e par des ficelles démoniaques. Pour qu’iel puisse se débarrasser de ce monstre intérieur, un travail de pédagogie s’impose.

Le parent peut ainsi expliquer la violence en s’appuyant sur des supports « intermédiaires » comme le film d’animation « VICE VERSA » ou les cahiers d’activité Filliozat autour de la colère. Dans le même registre ludique, les jeux de rôle permettent eux aussi de placer l’enfant en situation et ainsi de dérouler le fil de l’empathie. La compréhension des émotions est la clé de la libération.

2 – Éviter la réponse en miroir

Réprimer la violence dans les cris et les fessées est plutôt contre-productif. Cette réaction ne fait que banaliser la violence. Les enfants prennent les adultes en modèle. Ce sont leur « figure référente ».

Si le parent, excédé, lève la main sur l’enfant ou le réprimande à coup de « vas dans ta chambre », il pensera que c’est la règle et l’appliquera à son tour dans d’autres circonstances.

Pas question non plus de faire diversion, comportement « déviant » qui agit comme une bombe à retardement. Il est préférable de rester calme et pondéré. Dans ce cas, avoir le contrôle sur soi est quasiment indispensable. Plutôt que de faire le procès de l’enfant, il vaut mieux dialoguer et mesurer ses propos. Un câlin, antithèse même de la violence, peut parfois suffire à apaiser les âmes.

3 – Bannir les étiquettes

Ranger d’office les enfants violent.e.s dans la catégorie des « méchant.e.s » ou des « intenables » gangrène un peu plus le mal-être de l’enfant, déjà à son apogée. Les étiquettes stigmatisent. Elles font croire à l’enfant que c’est un cas « désespéré » et le cantonnent à une image très réductrice de lui/elle-même.

Les « tu es agressif.ve » et les « tu vas finir sans ami.e » font chuter drastiquement l’estime de l’enfant. Comme l’explique Anne-Claire Kleindienst, psychologue clinicienne, à cause des étiquettes « l’enfant devient ce qu’on pense qu’il est ».

4 – Utiliser des méthodes d’éducation positive

Si à l’époque, les enfants étaient puni.e.s à coup de règles sur les doigts et de bonnet d’âne, aujourd’hui l’éducation positive met ces pratiques « fortes » au placard au profit de tactiques plus sages et altruistes.

Pour réagir face à un.e enfant violent.e, il y a par exemple la méthode de l’ascenseur qui consiste à aider les enfants à verbaliser ce qui les traverse dans une situation de débordement émotionnel. Il y a également la méthode S.A.V.E, acronyme qui signifie stopper, accueillir, valider, encourager.

Les enfants ne naissent pas violent.e.s, iels le deviennent. Dès 2 ans les enfants passent près de 3h sur les écrans. Le chiffre grimpe à 6h45 entre 13 ans et 18 ans. Ce monde virtuel qui échappe souvent au contrôle parental est imbibé de violence. Selon des recherches sociologiques, c’est par ce biais que les enfants sont exposé.e.s à environ 1500 épisodes de violence par an. Pas étonnant donc que l’agressivité se cloître si tôt dans les petits corps. Pour limiter la « casse digitale », la rédaction suggère un guide de bonnes pratiques spécial « sevrage d’écran »

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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