Certains enfants semblent dotés d’un super-pouvoir émotionnel. À 5 ans à peine, ils savent mettre des mots sur ce qu’ils ressentent, se calmer sans l’aide d’un adulte et faire preuve d’une empathie surprenante. Derrière cette aisance émotionnelle se cache rarement un simple « bon caractère ». Elle résulte bien souvent de gestes simples, mais constants, posés au quotidien par leurs parents. C’est ce que montre le travail de Reem Raouda, coach certifiée en parentalité, qui a étudié plus de 200 familles. Ce que ces enfants ont en commun ? Des routines émotionnelles mises en place dès le plus jeune âge, souvent invisibles à l’œil nu, mais profondément structurantes.
1. L’émotion, c’est pas tabou
Première habitude des familles où l’émotion coule (presque) de source : on en parle. Tous les jours, plusieurs fois par jour. Ce n’est pas un sujet réservé aux gros chagrins ou aux colères XXL. C’est un langage du quotidien. On dit « je suis stressé par ma réunion », « je me sens joyeux aujourd’hui », « tu as l’air frustré »… Et l’enfant apprend, en douceur, à faire pareil.
Reem Raouda, coach en parentalité qui a accompagné plus de 200 familles, l’affirme : « Nommer les émotions, c’est leur enlever leur pouvoir de débordement ». Parce que oui, un enfant qui met des mots sur ce qu’il ressent, c’est un enfant qui ne subit plus ses émotions comme des vagues géantes mais qui commence à apprendre à les surfer. Et honnêtement, c’est plus utile qu’un cours de judo.
2. Accueillir sans effacer
On a tous ce réflexe : « Allez, c’est pas grave », « Tu vas voir, ça passe vite », « Regarde un dessin animé pour te changer les idées ». Sauf que ça, ce n’est pas accueillir l’émotion… c’est lui coller un couvercle dessus.
Les parents qui misent sur l’intelligence émotionnelle font tout l’inverse : ils laissent l’émotion exister. Ils s’assoient, posent une main sur l’épaule, regardent dans les yeux, respirent calmement. Ils ne cherchent pas à « réparer » ou à distraire, mais à accompagner. Cette co-régulation est un super outil pour montrer à l’enfant qu’il peut traverser une tempête émotionnelle… et en ressortir plus fort.
3. De vrais moments ensemble (sans téléphone)
On ne parle pas ici d’organiser un atelier pâte à sel à chaque goûter. Non, les moments qui comptent, ce sont souvent les plus simples : une histoire racontée sans scroller entre deux phrases, une balade en tenant la main, un jeu de société sans chrono. Ces petits moments de qualité créent une bulle de sécurité affective. Et c’est dans cette bulle que l’enfant apprend qu’il peut être lui-même, parler de ce qui l’agite, poser ses émotions sans craindre d’être jugé. C’est la base d’une estime de soi solide, cette armure invisible qui aide à rester debout même quand la journée a été compliquée.
4. Conflit = occasion d’apprendre
Un enfant tape, crie, mord ? Ce n’est jamais gratuit. Ce n’est pas le signe qu’il est « méchant » ou « mal élevé ». C’est le signe qu’une émotion n’a pas trouvé sa sortie. Les parents « coachs émotionnels » ne punissent pas sur-le-champ. Ils questionnent, explorent, ouvrent la discussion : « Qu’est-ce qui s’est passé ? », « Qu’as-tu ressenti à ce moment-là ? », « Comment aurais-tu pu réagir autrement ? ».
Ce n’est pas de la laxisme, c’est de l’éducation active. Et ça permet à l’enfant de comprendre qu’il n’y a pas de honte à ressentir… mais qu’il y a mille façons de l’exprimer. On transforme l’erreur en opportunité, et on arme son enfant pour la prochaine fois.
5. Une routine émotionnelle, comme un câlin quotidien
Enfin, ces familles ont souvent un petit rituel pour faire de la place aux émotions : un « moment cœur » à la fin de la journée, une question rituelle à table (« Qu’est-ce qui t’a fait plaisir aujourd’hui ? »), ou un temps calme où chacun partage s’il le souhaite. Ces instants récurrents permettent à l’enfant de savoir qu’il sera écouté. Pas jugé. Pas interrompu. Juste entendu. Et cette prévisibilité émotionnelle, ça vaut de l’or pour apaiser un cerveau en pleine construction.
Bonus : adopter la posture de coach
Le psychologue John Gottman appelle cela le « coaching émotionnel ». L’idée ? Le parent devient un guide. Il ne minimise pas, il ne dramatise pas. Il reste disponible, curieux, à l’écoute. Et il aide son enfant à lire sa propre carte intérieure. Les résultats ? Des enfants qui, à terme, sont plus empathiques, plus stables émotionnellement, et mieux armés pour gérer les hauts et les bas de la vie. Le genre d’ado qui ne claque pas systématiquement les portes et le genre d’adulte qu’on aime avoir dans son équipe au boulot.
Des enfants plus calmes, ça ne tient pas du hasard. C’est le fruit d’une culture familiale où l’émotion a sa place, tous les jours, sans honte ni pression. Ce ne sont pas des recettes miracles, mais des gestes simples : parler, écouter, accueillir, connecter. Et surtout, répéter. Parce que les petites routines bienveillantes, à la longue, construisent des fondations solides. Et ça, c’est le plus beau des super-pouvoirs.