Faire croire au père Noël : bénéfique ou pas pour les enfants ?

Le père Noël, instigateur de la magie des fêtes, fait scintiller les yeux des enfants comme des boules à facettes. Ce personnage folklorique règne du haut de son traîneau depuis les années 1700. C’est surtout l’idole incontournable des bambins, qui revêtent alors leur plus belle auréole dès qu’ils le croisent sur l’estrade des supermarchés. Les enfants vouent un véritable culte à barbe blanche. Sauf que sur fond d’inflation, certains parents décident de couper court au conte de fées.

Pendant toutes ces années, c’est tonton qui supervisait la distribution des cadeaux derrière un costume grossier. Une vérité qui blesse le cœur mou des plus petit.e.s. Ce délicieux mensonge en botte fourrée serait-il donc si essentiel pour la construction des enfants ? Spoiler : faire croire au père Noël a du bon. 

Faire croire au père Noël pour développer l’imaginaire de l’enfant

« Dis maman, combien de rennes il a sur son traîneau le père Noël ?”, « Est-ce que le père Noël met le GPS pour arriver à notre maison ?”, « Qu’est-ce qu’il fait le reste de l’année le père Noël ?”. Pendant les Fêtes de fin d’année, les enfants tentent de percer le mystère qui entoure cet homme rouge de Laponie. Cette interro surprise force les parents à dérouler le fil de l’invention au maximum. Les enfants, sagement assis.es en tailleurs au coin du feu, boivent ces histoires avec une admiration sans pareil. Lutins, traîneaux, cadeaux… tout ce qui découle du père Noël incite à l’extase.

Si certain.e.s voient le père Noël comme la pire des arnaques, ce personnage truculent est pourtant saturé de bienfaits. Ce mensonge qui fait exception à la règle laisse entrevoir un monde imaginaire fabuleux dans lequel chaque enfant se projette différemment. Faire croire au père Noël, c’est slalomer autour de cette innocence fugace.

En effet, cet univers enchanteur truffé de rennes volants et d’autres créatures chimériques ralentit la chute dans la vie des « grand.e.s ». Quand on sait que 49 % des enfants expriment un stress quotidien, imaginer qu’un être si dévoué existe est réconfortant à souhait. D’ailleurs, jusqu’à 5 ans, les enfants peinent à distinguer clairement le « réel » du « fictif », faute d’intelligence sociale. C’est cette ambiguïté qui fait le charme du mythe.

« Un.e enfant qui a eu sa part de féerie sera a priori un.e adulte bien dans sa vie. Plus grand.e, iel pensera que tout est possible et se permettra de croire en ses rêves », détaille la psychanalyste Valérie Sengler au média Le Point

Une façon d’initier son enfant au « don »

Le père Noël est aussi un excellent relai de « bonnes manières ». Ce bonhomme, au-delà de distribuer des papillotes dans les rues, sert de « role model » au même titre que les super-héros. Pour faire simple, c’est une figure d’autorité en version améliorée (et beaucoup plus cool).

Le père Noël donne sans rien attendre en retour. Il conjugue altruisme, respect et générosité. Même si c’est « pour de faux », cette représentation encourage les enfants à se réapproprier ces règles de « savoir-vivre ». Le père Noël est bien plus qu’un vieux monsieur en tenue kitsch, il enseigne des valeurs fortes « ni vu ni connu ».

En prime, les enfants découvrent à travers lui la notion du « don de soi ». Fini l’égoïsme et les crises de nerfs à base de « c’est à moi », les bambins se laissent aller à cet art du partage sans broncher. Ça en devient presque ludique. Lorsque les enfants déposent un verre de lait (végétal ou non) et quelques cookies au pied du sapin, ce n’est pas pour jouer les fayot.e.s, mais par empathie.

Dite trop brutalement, la vérité peut entacher la confiance de l’enfant

Comme le rappelle la psychanalyste Valérie Sengler, « à partir de 8 ans, un.e enfant commence à avoir une pensée concrète et à se demander si les choses sont possibles ou non”. L’enfant commence à comprendre pourquoi cet oncle s’éclipse toujours au moment du déballage. Il.elle n’hésitera pas non plus à guetter depuis le trou de la serrure pour glaner la vérité.

Cependant, dire cash « le père Noël n’a jamais existé », sans que l’enfant n’ait rien demandé, est assez brutal. Selon une étude parue dans le Lancet Psychiatry, le mensonge du père Noël peut même salir la relation de confiance entre parent et enfant. C’est surtout le cas si l’ambiance est déjà conflictuelle au sein du foyer.

C’est également possible si l’enfant découvre le « pot aux roses » dans la cour de récré. Il.elle se sentira en quelque sorte « trahi » par ses parents. Le conte magique vire alors doucement au remake de « Pierre et le loup ». D’où l’importance de prendre des gants au moment de la redoutable révélation.

Si l’enfant a des doutes sur le père Noël, comment répondre ?

Faire croire au père Noël, c’est aussi assumer le « SAV ». Si l’enfant pose la question tant attendu « est-ce que le père Noël existe ? », mieux vaut user de sous-entendus et de messages subliminaux pour lui répondre. Sinon, bonjour le choc émotionnel.

Plutôt que de se lancer dans un argumentaire lunaire, il est plus judicieux de demander à l’enfant ce qu’il en pense. C’est une façon de prendre la température et de savoir où il.elle en est avec cette croyance. L’enfant a besoin d’être rassuré.e. Ce n’est pas parce que le père Noël est une pure invention qu’il faut s’empêcher de rêver. La magie de Noël ne se décline pas uniquement à travers un manteau de velours et un chapeau à pompon.

« Les parents peuvent notamment encourager la croyance de leurs enfants en les aidant à écrire des lettres. Il est possible d’expliquer aux petit.e.s que le père Noël est une histoire, que ce bon géant n’a ni parents ni enfants, qu’il ne meurt pas… », préconise la psychanalyste Valérie Sengler

Faire croire au père Noël : pourquoi les parents de la Gen Z y renoncent ?

En 2021, le hashtag #SantaIsntReal (le père Noël n’est pas réel) a cumulé près de 14 millions de vues sur TikTok. Une nouvelle génération de parents semble en vouloir à ce monsieur au « oh, oh, oh » bien pendu.

Ses chefs d’accusation ? Le père Noël serait coupable d’un stress monstrueux chez les enfants. Cet homme barbu, sympathique, mais intrusif, obligerait les enfants à toujours « montrer patte blanche » selon ces parents de la Gen Z qui ont alors décidé d’enfreindre le mythe.

Cette tendance de fond inspirée de la parentalité positive se répand comme une traînée de poudre. D’après les témoignages laissés sur les réseaux sociaux, faire croire au père Noël serait contre-productif. L’enfant se sentirait épié.e en permanence par cet être, finalement assez secret.

D’autres parents dérogent à cette tradition, non pas par choix, mais par contrainte budgétaire. Début décembre, une mère de famille créait l’émoi général sur la toile avec une confidence bouleversante. Trop pauvre pour acheter des cadeaux à ses enfants, la jeune écossaise a préféré leur dire la vérité. Le père Noël est aussi une victime collatérale de l’inflation.

Faire croire au père Noël dépend du bon vouloir de chaque parent. D’ailleurs, de nombreux.ses enfants ont une peur bleue de ce personnage star. Certes, cette croyance est une petite Madeleine de Proust, mais elle n’est pas obligatoire. Ça n’a aucune incidence (ou presque) sur sa construction personnelle. 

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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