Être infirmière n’est pas de tout repos. Grosses journées, multitâche, efforts physiques et mentales… depuis plusieurs années le personnel hospitalier n’en finit plus de hurler son ras-le-bol et ses souffrances. Marie-Ève Chaput fait justement partie de ces infirmières accaparées par son travail. Un métier qu’elle pratique avec amour mais qui lui impose des sacrifices dans sa vie de famille. Maman de deux enfants, elle leur livre aujourd’hui une lettre pleine d’excuses et leur explique pourquoi d’autres personnes ont tant besoin d’elle…
« Maman s’excuse d’être infirmière.
Je m’excuse mes cocos d’avoir choisi un métier ingrat, celui d’infirmière.
Je suis désolée de ne pas être là un samedi sur deux lors de ton cours de karaté. Je m’excuse de pas pouvoir t’accompagner à la fête de ton ami la fin de semaine prochaine. Cette année, je ne serai pas là pour l’annuel brunch de Noël chez mamie et grand-papa, par contre nous allons fêter le Nouvel An tous ensemble.
Je m’excuse de pas paniquer quand tu tombes, j’ai vu bien pire. Je m’excuse pour la semaine passée, je t’avais dit que c’était moi qui allais chercher ta petite sœur et toi à la garderie, mais j’ai dû rester à l’hôpital pour un autre 8h de travail. Est-ce que c’était mon choix ? Bien sûr que non. J’aurais préféré pouvoir vous donner votre bain, lire une histoire et vous border.
L’autre jour je t’avais dit que nous allions faire du shopping ensemble pour des nouvelles chaussures après mon travail, mais je suis restée 1h de plus à l’hôpital pour tenir la main d’un patient qui allait décéder sous peu, il n’avait pas de famille je ne pouvais pas le laisser seul…
Désolée, lorsque je suis rentrée, les magasins étaient fermés. Mais ce soir-là, j’ai vite compris que ce n’était pas si important que ça des nouveaux souliers, à la place nous avons fait une cabane dans le sous-sol et nous avons regardé un film.
Quand papa te borde le soir, maman tient la main d’une personne en fin de vie qui n’a pas de famille. Quand tu fais ton karaté pour te défouler et t’amuser, maman donne l’anti-douleur de son patient qui souffre… qui souffre presque autant que quand papa a une grippe. Quand tu vas être chez mamie à Noël pour le brunch, il se peut que maman soit en train de souhaiter « Joyeux Noël » à des gens qui fêtent leur dernier.
Je me suis excusée, maintenant laisse-moi te remercier et te montrer l’envers du décor pas toujours si laid.
Je te remercie de la part de nombreux patients avec qui tu sens que tu partages ta maman. Je vais toujours rester votre maman à toi et ta petite sœur. Maman a seulement deux enfants, mais beaucoup de patients et comme je les appelle dans ma tête, beaucoup de grands-parents. Tout aussi important les uns que les autres.
Sache que je leur parle souvent de vous, plusieurs ont même vu vos photos. Lorsque j’étais enceinte de ta petite sœur, ils me demandaient des nouvelles, plusieurs avaient fait des prévisions concernant le sexe du bébé. Quand est venu le temps de partir en congé de maternité, il y a même eu une famille qui est venue me dire « au revoir » en versant une petite larme. Sachant fort probablement que je n’aurais pas la chance de revenir de mon congé à temps pour dire « adieu » à leur mère. Quelques-uns étaient au courant que tu te faisais opérer sous peu. Ils m’ont demandé de tes nouvelles, je leur en ai donné.
Il y a même une dame qui t’a destiné une de ses prières du soir, la veille de ton intervention. Tu dois t’être demandé pourquoi à la St-Valentin tu m’as aidée à faire plein de belles cartes sans savoir à qui elles étaient destinées. Eh bien c’était pour mes patients.
Tu te souviens du bonnet pour nouveau-né tricoté en laine jaune qui se trouve dans ta boite à souvenir avec tous plein de trucs de quand tu étais bébé ? Eh bien c’est une dame dont maman s’occupait qui te l’a fait. Un soir je suis rentrée à la maison avec les yeux pleins d’eau tu te souviens ? Eh bien, merci d’être venu me donner un câlin, maman venait de perdre cette charmante dame.
Je suis peut-être moins présente à tes yeux, mais sache que quand je ne suis pas là, j’essaie de donner du bonheur à des gens qui en ont besoin.
Maman a beaucoup de défauts, mais une des choses qu’elle croit qu’elle fait bien, c’est son métier. J’espère te transmettre à ta sœur et toi l’amour et le respect des autres. J’ai un amour profond pour mes patients. Sache que quand je soigne des minis je pense qu’à une chose, la chance immense que j’ai d’avoir deux enfants en santé.
Marie-Ève C. »
Un texte fort et touchant qui en dit long sur ce métier d’infirmière, aussi admirable et précieux qu’exigeant.
Lettre partagée par Marie-Ève Chaput sur le blog québécois Agatha, spécialisé dans l’enfance et la parentalité.