Vous avez sûrement vécu cette scène : vous appelez votre fille, votre neveu ou une collègue plus jeune, et vous tombez sur une sonnerie qui résonne… avant de finir sur la messagerie vocale. Pourtant, à peine quelques minutes plus tard, vous recevez un SMS ou un message sur les réseaux sociaux, comme si de rien n’était ! Qu’il s’agisse d’un réflexe de « digital native » ou d’une évolution des codes de communication, un constat s’impose : de moins en moins de jeunes répondent aux appels téléphoniques.
Et ce phénomène ne se cantonne pas seulement à la sphère privée. Comme l’explique Le Point, les entreprises constatent également une baisse flagrante du nombre d’appels entrants répondus par la génération Z (les moins de 25 ans). Les raisons sont multiples, allant de l’angoisse de l’appel non planifié à la préférence pour des échanges écrits et plus « contrôlables ». D’autres études, notamment menées par l’Institut Pew Research aux États-Unis, soulignent que les 15-29 ans privilégient largement les applications de messagerie instantanée.
1. Un univers ultra-connecté, mais surtout asynchrone
Les jeunes ont grandi dans un univers fait de smartphones, de réseaux sociaux et de communications instantanées. Le message écrit (WhatsApp, Instagram, Snapchat ou encore iMessage) est souvent considéré comme moins intrusif et plus rapide. Contrairement à un appel, un texto ou un DM (direct message) peut être lu et traité quand on le souhaite, sans obligation de stopper net l’activité en cours.
Selon une étude BVA, près de 75 % des 18-24 ans disent préférer gérer leurs communications sans la pression du direct. L’appel téléphonique est donc perçu comme une rupture brutale dans le quotidien.
2. L’angoisse du « coup de fil »
La peur de l’imprévu et de « ne pas savoir quoi dire » contribue grandement à ce désamour pour la conversation vocale. Une fois le combiné décroché, il faut gérer un flot de questions, de remarques ou de réactions en temps réel.
- Pas de temps pour réfléchir : Au téléphone, la spontanéité est de mise, ce qui peut être intimidant pour une génération habituée à peser ses mots dans ses textos ou ses mails.
- Appréhension de l’intrusion : Parler de vive voix implique de dévoiler son ton, ses émotions, voire son environnement immédiat.
La sociologue américaine Patricia Greenfield évoque même une « phobie sociale de l’appel vocal », renforcée par des années de communication textuelle.
3. Des codes sociaux qui évoluent
Dans les années 80 et 90, téléphoner était un signe d’autonomie et d’émancipation. On guettait le fameux coup de fil ou l’appel sur le téléphone fixe familial. Aujourd’hui, l’appel est presque devenu « solennel » : on l’utilise pour des annonces importantes ou des urgences. Tout ce qui relève de la conversation légère ou de l’organisation logistique se fait désormais par écrit.
D’ailleurs, selon un sondage Ifop de 2024, 63 % des moins de 30 ans associent le téléphone à des situations « urgentes » ou « officielles ». Résultat : décrocher, c’est parfois la dernière option envisagée.
4. Le confort du « mute »
Les jeunes sont maîtres dans l’art de la « communication multitâche » : ils vérifient un message tout en écoutant un podcast ou en regardant une série. Répondre à un appel demande d’interrompre totalement ce que l’on fait. Pire, s’il s’agit d’un appel vidéo, on se retrouve en face-à-face numérique sans y avoir forcément consenti ni préparé (hello, la tenue pas forcément présentable !).
Le mode silencieux (ou « mute ») est alors leur meilleur allié : on trie les messages et les notifications quand bon nous semble, sans se sentir submergé par des sonneries intempestives.
5. Quelques clés pour renouer avec l’appel… ou s’y adapter
- Planifier l’appel : Avant de décrocher ou de composer un numéro, prévenez par SMS ou chat. Cela laisse à l’autre le temps de se préparer mentalement et d’être dans de bonnes conditions (un espace calme, un moment propice).
- Respecter les préférences : Au lieu d’insister pour une discussion vocale, essayez d’abord les canaux écrits. Vous constaterez souvent que les jeunes ne sont pas opposés à l’idée de communiquer… ils ont juste leurs modes de fonctionnement.
- Échanger sur les motivations : Expliquez pourquoi vous souhaitez parler de vive voix (besoin de rapidité, d’émotions ou d’explications plus nuancées). Souvent, cela suscite plus de bienveillance et de compréhension.
- Varier les formes de contact : Si l’appel s’avère nécessaire (annonce familiale importante, entretien professionnel, etc.), n’hésitez pas à alterner avec des messages écrits pour préciser le contexte ou envoyer des compléments d’information.
Le fait que les jeunes ne décrochent plus le téléphone peut déstabiliser, surtout pour celles et ceux qui ont grandi avec la sonnerie comme principal vecteur de communication.
Pourtant, ce n’est pas un manque d’intérêt : c’est avant tout le reflet d’une génération habituée à des échanges rapides, asynchrones et contrôlés. À l’ère du numérique, s’adapter à ces nouveaux codes de communication devient essentiel, tant dans la sphère familiale que professionnelle.
Et si, au fond, nous pouvions toutes et tous en tirer un bénéfice ? Apprendre à mieux planifier nos appels, à être plus concis, ou à alterner voix et écrit de façon plus équilibrée… Autant de bonnes pratiques qui pourraient alléger la pression liée au téléphone et favoriser une communication plus sereine, pour chaque génération. Après tout, la clé d’une bonne conversation réside avant tout dans la capacité à s’écouter mutuellement, qu’elle se fasse par SMS ou au bout du fil !