Maltraitance dans les crèches : comment réagir en tant que parents ?

En France, un.e enfant meurt tous les cinq jours sous les coups d’un parent. Cela représente entre 60 et 70 enfants par an. C’est une situation intolérable qui laisse transparaître un problème plus grand, systémique : celui des maltraitances sur les enfants. Au-delà des violences domestiques, iels sont des victimes dans les institutions mêmes qui sont censées les protéger. C’est ce que dénonce un récent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur l’accueil des enfants dans les crèches. Elle nous rappelle qu’il est urgent de réagir, en tant que parent et témoin, aux maltraitances dans les crèches.

Le rapport alarmant de l’IGAS

Le 11 avril 2023, l’IGAS alertait dans ses conclusions sur les «  des carences dans la sécurisation affective et dans l’éveil des tout-petits  ». Pour le contexte, cette enquête a été impulsée par la mort d’un nourrisson de 11 mois après un empoisonnement dans une crèche de Lyon. L’inspection s’est donc chargée d’évaluer plus de 36 établissements français. Ajoutons à cela un questionnaire auquel plus de 5275 directeur.rice.s, 12 545 salarié.e.s et 27 671 parents ont répondu.

De celui-ci ressortent des témoignages particulièrement alarmants. On y parle d’enfants oublié.e.s sur des toilettes, privé.e.s d’eau pour moins changer les couches , interdit.e.s de sieste car les établissements sont dépourvus de lits, obligé.e.s à manger en pinçant leur nez pour leur faire ouvrir la bouche… On lit aussi des constatations d’insultes, d’humiliations ou même de violences physiques. L’étude de l’IGAS dresse donc un constat glacial au point de pousser le gouvernement à mettre en place des mesures drastiques. Le ministre des Solidarités, Jean-Christophe Combe, a promis d’agir rapidement.

Qu’est-ce que la maltraitance de l’enfant ?

Il n’y a pas une forme unique de maltraitance infantile. Selon la loi, on peut diviser ces violences en quatre types : physiques, psychologiques, sexuelles et les négligences lourdes. Qui plus est, on parle aussi du harcèlement et de l’exposition à des violences conjugales en ce qui concerne les enfants.

La maltraitance infantile en quelques chiffres

Selon Enfance et Partage, on compte 143 000 enfants témoins chaque année de violences conjugales, dont 42 % ont moins de 6 ans. Ajoutons à cela plus de 50 000 plaintes pour violences physiques sur enfant et 20 000 pour agressions sexuelles déposées par an.

Le dernier rapport de la CIIVISE nous apprend que 81 % des violences sexuelles sur mineur.e.s sont causées par un.e membre de la famille. Aussi, l’Unicef, annonce qu’un enfant sur cinq, soit près de 3 millions d’enfants, vit sous le seuil de pauvreté en France.

Qui protège les enfants ?

En termes de légalité, la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) est claire. Proclamée par l’ONU le 20 novembre 1989 et ratifiée par la France en 1990, elle se sert de ses 54 articles pour énoncer les droits fondamentaux de l’enfant.

Parmi eux, se trouve celui qui les protège « de la violence, de la maltraitance et de toute forme d’abus et d’exploitation ». S’en suit leur droit « d’être soigné, protégé des maladies, d’avoir une alimentation suffisante et équilibrée ». Quelques gestes qui contreviendraient à ces lois seraient donc passibles de sanctions.

Comment reconnaître un.e enfant victime de violences ?

L’Observatoire Décentralisé de l’Action Sociale et la Haute Autorité de Santé rappellent que :

« la maltraitance est définie par le non-respect des droits et des besoins fondamentaux des enfants (santé ; sécurité ; moralité ; éducation ; développement physique, affectif, intellectuel et social). »

Hélas, à moins d’être un.e témoin direct.e d’une scène de maltraitance envers un.e enfant, (à la crèche, à son domicile…) ou de constater des marques sur son corps, il est difficile de repérer le danger. Le psychologue Nicolas Garin précise au média Parents :

« Les plus petit.e.s ne sont pas capables de verbaliser leur souffrance et de prendre conscience que leur parent, qui est leur éducateur.rice et leur modèle par définition, n’agit pas comme iel devrait pour le.a garder en sécurité. »

Cela peut s’appliquer tant à propos des parents que des violences dans les crèches. Pour protéger votre enfant de ces éventuelles violences, vous pouvez apprendre à repérer quelques signes alertant.

Les violences physiques

Ce sont les plus faciles à repérer puisqu’elles laissent généralement des traces visibles sur le corps de l’enfant. Si vous craignez que votre enfant soit victime de maltraitance à la crèche, vous pouvez aisément voir des bleus, bosses, blessures ou encore des brûlures.

Qui plus est, un.e enfant qui a subi des maltraitances physiques peut refuser de se rendre à la crèche. Iel peut être effrayé.e par la garderie ou d’autres adultes et montrer des changements de comportements à la garderie ou à l’école.

Les violences verbales, psychologiques et morales

Les violences psychologiques sont infiniment plus dures à repérer sans la verbalisation des petit.e.s. Cependant, les injures, les humiliations, les dénigrements ou encore l’exclusion sont des maltraitances graves parfois relevées à la crèche. Dans ce cas, la victime peut à nouveau présenter des changements de comportement (fuite ou recherche accrue de l’affection des parents par exemple). Ses attitudes sont exacerbées et parfois même inversées.

Par exemple, un.e enfant habituellement extraverti.e et assertif.ve peut devenir anormalement passif.ve. Aussi, les maltraitances verbales à la crèche peuvent déclencher des gestes dangereux pour elleux-mêmes. Cela a aussi des répercussions sur la verve des petit.e.s, iels communiquent de moins en moins. Parfois même, iels développent des troubles de la parole. Enfin, ces enfants victimes peuvent se plaindre de maux de tête ou de ventre sans cause médicale. Iels peuvent perdre l’appétit et présenter des troubles du sommeil.

Les violences sexuelles

Il n’est pas rare de constater la maltraitance sexuelle grâce aux paroles ou aux dessins des enfants. Des symptômes viennent généralement confirmer cette intuition. En premier lieu, nous trouvons des douleurs, des saignements, des ecchymoses ou des démangeaisons situées sur les parties génitales. Puis, nous notons des difficultés à marcher ou à s’asseoir. Des difficultés d’attention et une détérioration des relations avec ses camarades surviennent aussi dans le cas des violences sexuelles, de même que la nécessité de solitude.

Enfin, il arrive que les enfants victimes de cette maltraitance fassent preuve d’une certaine curiosité à propos de la sexualité. Iels vont alors démontrer des connaissances ou des comportements sexuels qui ne sont pas de leur âge. Cependant, la majeure partie des enfants victimes d’abus sexuels ne font l’objet d’aucune constatation physique ni d’aucune plainte.

La négligence des besoins essentiels

C’est la forme de maltraitante dans les crèches la plus relevée dans le rapport de l’ISAG. On parle ici du manque d’accès à la nourriture, à l’hygiène, aux soins, aux médicaments, etc.

Ces négligences ont pour incidence directe la faim constante, l’hygiène défectueuse, le port d’habits inadaptés, la fatigue, la somnolence, le manque d’attention, une régression dans la propreté, des TCA, de mauvais résultats scolaires ou encore le vol.

Que faire en cas de maltraitance infantile ?

Même après avoir constaté ces violences, il n’est pas toujours évident de savoir comment réagir. En 2015, l’association Enfant Bleu publiait une étude dans montrant que « 80 % des Français.es déclarent ne pas avoir parlé des maltraitances vécues au moment des faits ». Toujours selon cette étude, parmi les 45 % de Français.es qui soupçonnent un cas de maltraitance dans leur entourage, 39 % s’adresseraient directement aux parents de l’enfant.

Hélas, cette personne est susceptible d’être l’agresseur.se. L’association recommande plutôt de s’adresser à l’enfant si vous en êtes proche. Vous pouvez lui faire comprendre qu’iel peut vous faire confiance et se confier. D’autres bons gestes sont importants à adopter face à un.e enfant en danger.

Enfant maltraité.e, signalement d’un.e enfant battu

Si vous constatez que votre enfant est maltraité.e à la crèche, vous pouvez d’abord vous adresser à la protection de l’enfance de votre département. Le premier pas est celui de briser le silence qui règne, ne serait-ce que pour protéger les autres enfants. Suite à votre plainte, le département décidera d’évaluer la véracité des faits dans une enquête.

Quels numéros appeler ?

Le gouvernement français a mis en place différents numéros, que la maltraitance émane d’un.e employé.e de la crèche ou d’un parent.

  • Le premier numéro à retenir est le 119. Il est à composer si vous êtes témoin d’une situation de violence envers un.e enfant. Dans le cadre de violence sexuelle ou de maltraitance grave, il est plutôt recommandé de s’adresser par courrier, au/à la procureur.e de la République. Ce signalement peut être anonyme, quelle qu’en soit la forme.
  • Vous pouvez également contacter Stop Maltraitance au 0800 05 12 34 (il s’agit du numéro vert anonyme et gratuit de l’association Enfance et Partage, du lundi 10h au vendredi 18h).
  • Et Allô Parents Bébé au 0800 00 34 56 en cas de prévention. Il s’adresse aux futurs parents et parents d’enfants de 0 à 3 ans pour apporter une aide à la parentalité.

Sachez que la non-dénonciation d’une situation de maltraitance et de mauvais traitement peut être punie de 3 ans de prison et de 45 000 € d’amende. Aussi, toute fausse dénonciation est passible de 5 ans de prison et de 45 000 € d’amende.

Si vous suspectez des maltraitances portées à l’encontre de votre enfant à la crèche ou chez le.a nounou, écoutez votre instinct. Vous pouvez aussi faire usage de l’application AlerterPourSauver.org lancée récemment par Enfant Bleu. Elle permet à tout.e enfant maltraité.e ainsi qu’aux témoins de trouver rapidement de l’aide.

Charlotte Vrignaud
Charlotte Vrignaud
En tant que journaliste spécialisée dans les médias et la culture, mon quotidien est une aventure passionnante au cœur de l'évolution culturelle et médiatique de notre époque. Mon rôle consiste à décrypter et à partager les tendances émergentes, les innovations et les récits captivants qui façonnent notre société.
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