« Malgré toutes mes rêveries à propos de mon enfant, je savais qu’il y aurait une constante. Il aurait la peau brune, comme moi« . Cette certitude a volé en éclat lorsque Quiana Glide, jeune maman noire, a donné naissance à une petite fille à la peau blanche. Le 10 mars dernier, elle a décidé de s’exprimer dans les colonnes de Huffingtonpost.com afin de raconter le racisme qu’elle subit chaque jour. Un témoignage qui nous a profondément touchés.
« Je savais que mon enfant ne serait pas aux prises avec les mêmes problèmes que moi »
Mariée à un homme blanc, Quiana Glide et le futur papa sont vite tombés d’accord sur la façon d’élever leur enfant à naître : en faire une petite fille forte et heureuse. Elle adorerait forcément la lecture. Et la maman veillerait à ce qu’elle se sente à l’aise avec des cheveux afros naturels :
« Avec ces objectifs à l’esprit, j’étais ravie de me dandiner, enceinte, dans les rayons pour enfants proposant des vêtements aux couleurs vives. J’ai aussi vu des livres sur les cheveux noirs. Ils m’auraient d’ailleurs été bien utiles en grandissant. Je luttais souvent pour m’imposer « un standard de beauté blanc » (…). Alors que nous ajoutions ces livres dans la bibliothèque de notre bébé, je me sentais heureuse. Car je savais que mon enfant ne serait pas aux prises avec les mêmes problèmes que moi. »
Alors que le terme de la grossesse approche, Quiana Glide se met à suivre des familles métisses sur les réseaux sociaux. Elle regarde parfois des photos issues d’une union mixte et essaye d’imaginer à quoi pourra ressembler sa fille. Et lorsqu’elle accueille enfin sa petite Luna, elle se dit que sa peau va s’assombrir quelques jours après la naissance :
« La plupart des noirs que je connais ont changé de teint lorsqu’ils étaient bébé. Mais au fil des semaines, des mois, ça ne s’est pas produit. La Luna de mes rêves à la peau brune et aux cheveux crépus n’existait pas. La vraie Luna a la peau pâle, des yeux gris-noisette et des cheveux bruns blonds légèrement bouclés. »
« Les regards persistants sont devenus monnaie courante »
Lorsque la petite est née, la mère de la jeune maman lui a dit que « si elle voulait un bébé noir, elle aurait dû épouser un homme noir« . Ce à quoi Quiana Glide a répondu qu’elle avait épousé un homme qu’elle aime, un homme qui l’aime. Mais cela ne parvient tout de même pas à soulager sa tourmente :
« J’ai regardé Luna et j’ai vu mon mari. Je ne me voyais pas dans mon enfant. Je me suis sentie altérée dans ma propre maison. Un sentiment que j’ai pourtant combattu toute ma vie » (…). Dans une famille de femmes noires entêtées et affirmées, je n’étais rien de tout cela. j’ai toujours été calme et sensible (…). Peu à peu, je me suis ouvert à ma couleur, à aimer mon identité et une grande partie de moi. »
Quiana Glide pensait que ce « combat » était derrière elle. Jusqu’à la naissance de Luna. Habitante d’un quartier libéral, elle décrit les relations interraciales comme « courantes ». En revanche, une femme noire et un bébé blanc le sont moins. Ainsi donc, elle commence à subir regards amusés et commentaires sarcastiques. Un jour, un homme noir leur lance même un commentaire insultant. Même si Quiana Glide et son mari décident de ne pas réagir, c’est difficile pour la jeune maman :
« Chacune de mes sorties extérieures avec ma fille faisait naître un sentiment d’angoisse. Les regards persistants sont devenus monnaie courante. Je me suis même surprise à dire « maman t’aime » avec un accent particulier sur le mot « maman ». Je suis la maman de Luna. Et je veux que les gens que je croise sachent qu’elle a grandi en moi, même si elle ne me ressemble pas ».
« J’en ai presque pleuré »
Un jour, la jeune maman, sa mère et la petite Luna décident d’aller faire quelques courses en grande surface. Alors qu’elles positionnent Luna dans le cadi, un homme blanc, âgé, ne cesse de les fixer. Dans le magasin, elles arpentent les rayons, et ce même homme continue de les fixer, comme s’il les surveillaient. Peu habituée à ce genre de comportement, la grand-mère veut aller lui dire deux mots :
« Je me suis mise à parler à ma mère, à lui raconter. C’est notre réalité depuis la naissance de Luna. Et cela m’a fait mal au coeur. Fort heureusement, ma fille est loin d’être aussi étonnée par ce genre de choses. Elle regarde le monde avec l’oeil vif et optimiste que seuls les bébés peuvent avoir. Lorsqu’on la regarde, mon mari et moi voyons le bébé le plus intelligent, le drôle et le plus joli du monde. »
Quiana Glide sait qu’un jour, elle devra avoir une conversation avec sa fille sur son identité et la couleur de sa peau :
« Nous attaquerons ce problème de front. En lui disant qu’elle est à la fois noire et blanche. Qu’elle peut être les deux et qu’il n’y a pas de honte à avoir ».
Pour terminer, la jeune maman raconte qu’en fouillant dans une vieille boîte contenant des photos d’elle bébé, elle s’est en fait rendu compte de la ressemblance frappante entre sa fille et elle :
« J’en ai presque pleuré. Cette petite fille est ma fille ! Il n’y a aucun doute ! Jusqu’aux joues potelées et l’écart entre ses dents. J’ai pris Luna et l’ai serré contre moi. Je l’ai vu. Pour la première fois, je me suis vue chez ma fille. Le visage de Luna est mon visage ».
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