La difficulté d’être devenue mère, ou l’ultime tabou

Les langues ont beau se délier, le mythe de la mère parfaite et totalement épanouie dans son rôle de maman pèse encore lourd sur les épaules des femmes. Car nombreuses sont celles qui déchantent lorsqu’elles découvrent l’envers du décor de la maternité. La difficulté d’être devenue mère, les errances, la détresse voire même les regrets restent ainsi des sujets encore honteux dont il ne faut surtout pas parler, enfonçant alors un peu plus les mères dans un gouffre de solitude.

Des difficultés passées sous silence

On dit souvent que donner la vie est la plus magique des choses. Et cela peut être tout à fait vrai. On évite pourtant de crier trop fort que cela peut aussi être l’une des plus difficiles. Car les difficultés que rencontrent certaines femmes une fois devenues mères restent encore largement taboues.

Certes, les futures mamans savent bien que la grossesse peut réserver son lot de mauvaises surprises, que l’accouchement est un moment difficile et que certaines femmes souffrent de dépression post-partum. Mais d’autres difficultés sont étrangement passées sous silence.

En témoigne la censure de cette publicité pour des produits post-partum mettant en scène une jeune maman venant de donner la vie. On la découvre se levant la nuit, épuisée, portant des couches pour les saignements et visiblement gênée pour uriner alors que son bébé pleure dans la pièce d’à côté. Une vision bien moins glamour mais aussi bien plus réaliste de la maternité ! De quoi dédramatiser cette situation, déculpabiliser toutes celles qui doivent en passer par là et les aider à se sentir moins seules. Une avancée majeure dans le traitement médiatique de la maternité, donc. Seulement voilà, la pub a finalement été jugée trop crue pour être diffusée le soir des Oscars 2020. Elle est donc passée à la trappe…

Les médias ne semblent ainsi pas encore prêts à briser le tabou de ce qu’avoir donné la vie implique. Ils préfèrent à ce genre de représentations réalistes des images plus consensuelles. Kate Middleton s’affichant tout sourire devant les journalistes quelques heures seulement après avoir accouché par exemple.

L’écart entre la représentation de la maternité dans les médias et la réalité de la chose peut alors être d’une grande violence pour les jeunes mamans qui découvrent l’envers du décor sans y avoir été toujours bien préparées.

Une détresse et des regrets inaudibles

Les médias ne sont pas les seuls à ne pas parler librement de certains aspects de la maternité. Les femmes elles-mêmes n’osent pas toujours communiquer sur le sujet. Doit-on leur en vouloir quand le mythe de la mère parfaite pèse encore lourd sur leurs épaules ?

La maternité est ainsi toujours présentée comme la chose la plus naturelle et évidente du monde. C’est dans notre ADN, dit-on. Il n’est alors pas toujours facile d’avouer ses propres difficultés, ses doutes et ses errances face à ça. Certaines peuvent ainsi avoir honte de ne pas vivre leur rôle de maman comme allant de soi.

Elles vont alors passer leurs difficultés physiques et émotionnelles sous silence, leur détresse étant quoiqu’il arrive inaudible pour la société. Être mère est le rôle d’une vie. C’est la plus belle chose qui soit. Pas question alors de se plaindre des « quelques sacrifices » que cela exige. L’amour de l’enfant doit transcender. Et celles qui se risquent à parler de leur souffrance sont rapidement rappelées à l’ordre. On les décrit volontiers comme des personnes faibles, immatures, égocentrées, égoïstes, geignardes qui ne connaissent pas leur chance quand d’autres femmes rêveraient d’enfanter mais ne peuvent pas…

Comment dans ces conditions trouver le courage de briser l’ultime tabou : celui de regretter d’avoir eu des enfants ? Si certaines mamans s’épanouissent pleinement dans leur rôle malgré les difficultés, pour d’autres, c’est la douche froide. Et avouer ce secret est tout simplement impossible. En témoigne l’enquête de la sociologue Orna Donath « Le regret d’être mère » donnant la parole aux femmes regrettant d’avoir fait le choix de donner la vie, qui a suscité de violentes réactions à sa sortie.

Les réseaux sociaux, entre libération de la parole et culpabilisation

Les réseaux sociaux se présentent aujourd’hui comme un support d’information et de communication à double tranchant. D’un côté, ils diffusent eux aussi largement le mythe de la mère parfaite qui pèse sur les épaules des femmes. On y découvre ainsi des mamans nageant dans le bonheur, rayonnantes, avec une silhouette retrouvée en quelques semaines pour ne pas dire en quelques jours seulement après l’accouchement.

De l’autre, ils sont aussi un formidable outil de libération de la parole, outil dont de nombreuses mamans n’hésitent pas à se saisir. Dernièrement, c’est le mannequin Ashley Graham qui parlait de la difficulté d’être devenue mère sur Instagram. On la voyait ainsi en sous-vêtements post-partum se confier sans détour sur ses premiers jours de maman.

View this post on Instagram

@ashleygraham dévoile la réalité d'un corps après l'accouchement. ?⁠ ⁠ Un mois après son accouchement, le mannequin a posté ce selfie sur son compte Instagram. Elle écrit : « Levez la main si vous ne saviez pas que vous changeriez aussi vos propres couches ! Après toutes ces années dans la mode, je n'aurais jamais pu deviner que les sous-vêtements jetables seraient mon vêtement préféré mais nous y sommes ! ⁠ Personne ne parle de la récupération et de la guérison (oui même les parties intimes en désordre) que traversent les nouvelles mamans. Je voulais vous montrer que ce n'est pas seulement des arcs-en-ciel et des papillons ! Ça a été difficile (…) C’est impensable les obstacles auxquels nous sommes toujours confrontées pour parler de ce que les femmes traversent réellement. Tout ce qu'elle m'a envoyé m'a sauvé la vie. »⁠ ⁠ Un message honnête pour faire sauter les tabous autour du corps post-accouchement. Ashley Graham avait d'ailleurs déjà brisé le tabou sur le corps des femmes enceintes en publiant une photographie d’elle nue, sans rien cacher de ses vergetures. ✊⁠ .⁠ .⁠ .⁠ #thebodyoptimist #bodypositive #bodyacceptance #women #womenbody #postpartum #accouchement ⁠#onveutduvrai⁠

A post shared by The Body Optimist (@thebodyoptimist) on

En France aussi les initiatives pour libérer la parole se multiplient. On pense notamment à ces fantastiques comptes Instagram que sont « Parent épuisé », « Bordel de mères » ou encore « Je n’aime pas être enceinte ». La maternité décomplexée a aussi ses podcasts, Matrescence et Mome_podcast en tête.

On retrouve enfin sur Twitter le hashtag #MonPostPartum qui libère la parole sur l’après accouchement.

Des espaces de discussion plus que jamais nécessaires qui n’ont aucunement pour objectif de dissuader les femmes de devenir mères ou de les dégoûter de la maternité. Seulement de briser le tabou qui existe autour de la difficulté d’être devenue mère pour que plus jamais aucune femme n’ait honte, ne se sente seule face à ses difficultés ou ne s’engage sur le chemin de la maternité sans savoir dans quoi elle met les pieds.

Envie de bébé, grossesse, accouchement, parentalité… On en parle sur notre forum.

 

Une : illustration de @badass.blue

Carole Guidon
Carole Guidon
Les rondeurs ne sont pas synonymes de laideur. Le corps gros n'est pas forcément un fardeau. Moi-même, je suis une jeune fille ronde et épanouie qui s'assume. J'aime la vie et les plaisirs simples. Et j'ai à cœur de militer au quotidien contre la grossophobie qui gangrène notre société. Derrière chaque corps se cache une histoire, heureuse ou douloureuse, mais toujours unique, qu'on gagnerait à accueillir avec respect et humilité.
Vous aimerez aussi

9 erreurs à éviter quand vous achetez des vêtements pour vos enfants

Acheter des vêtements pour vos enfants semble être une mission simple à première vue : une taille par-ci,...

Comment une heure de plus le matin transforme la journée des parents

Quand on est parent, chaque minute de la journée semble précieuse, entre les responsabilités familiales, professionnelles et personnelles....

17 phrases magiques que tout parent doit connaître pour renforcer l’estime de soi des enfants

L’estime de soi est comme un muscle : elle se construit, se renforce, et parfois, elle a besoin...

Parentalité et doubles standards : pourquoi ce que les pères font paraît toujours génial, mais normal chez les mères ?

Être parent, c’est une série d’improvisations sans fin, un peu comme un spectacle où il n’y aurait pas...

Un cours sur le consentement pour les enfants : l’initiative inspirante d’une enseignante à Montpellier

Dans une démarche pédagogique novatrice, une enseignante de Montpellier a intégré un cours sur le consentement dans son...

8 clichés sur les mères célibataires à laisser aux oubliettes

Être une maman solo, c'est comme être la star d'un film dont personne n'a lu le script. Entre...