Difficile de se construire lorsqu’on a été victime d’une mère dite « toxique », qu’elle ait été violente physiquement ou psychologiquement. À l’heure où l’on parle partout de détox du corps, on oublie souvent celle de l’esprit ; non moins importante pour « guérir ». Les traumatismes émotionnels laissés par une mère toxique peuvent particulièrement être tenaces et lourds à porter. On fait le point avec les psychanalystes et autrices Virginie Megglé et Doris-Louise Haineault, la psychiatre et psychanalyste Marie Lion-Julin, ainsi qu’avec l’autrice Toni Maguire.
Une lourde emprise maternelle
Je l’adore, elle me pourrit la vie, on se déchire… Au cours de notre enfance, nous avons été nombreux.ses à avoir pensé cela de notre mère. Que ce soit sur internet, où nous sommes des millions à nous raconter chaque jour, dans un journal intime caché précieusement sous notre lit, ou encore dans des livres parus en librairie ; c’est un fait : l’écriture ouvre la fenêtre vers l’évasion. Et si justement, en cas de « conflit » mère-enfant, l’écriture se présentait telle une pommade cicatrisante ? Un remède pour faire taire les démons du passé ?
Parce que oui, qui a dit que les relations mères-enfant étaient simples et épanouissantes ? Une maman peut en effet être une sainte femme… ou une véritable harpie. Pour cette dernière, l’arrivée d’un.e enfant est un rayon de soleil. L’affection maternelle, peut malheureusement, au dépend de l’enfant – généralement une fille – qui cherche seulement à être aimé.e et protégé.e, devenir excessive, voire plus toxique que constructrice.
« Un parent toxique, c’est une personne manipulatrice incapable d’offrir un véritable soutien à son enfant. Le parent responsable, qui est dans 95 % des cas la mère, invente chez son enfant des problèmes de santé physiques ou émotionnels », nous précise Virginie Megglé, psychanalyste et autrice du livre « Aimer ses parents même quand on en a souffert » (Solar, 2015)
Avoir l’amour de celle qui nous a élevé.e.s, se compléter mutuellement, n’est-ce pourtant pas le souhait de tou.te.s les enfants ? Oui, mais voilà, si d’extérieur cet amour maternel semble parfait, il est en réalité destructeur. Au sein du foyer, une lourde emprise maternelle s’exerce.
Selon la psychanalyste Doris-Louise Haineault le comportement de ces « surmères » s’explique souvent par une absence d’affection dans leur enfance, un besoin de reconnaissance perpétuel.
Comment faire pour se libérer de ce lourd passé ?
Bien que le corps médical ait connaissance de cette pathologie dérivée du nom du baron de Münchhausen, elle demeure peu reconnue, car très difficilement détectable.
« L’enfant subit quotidiennement un lavage de cerveau. Iel est incapable d’admettre la dangerosité de sa mère. Et pour cause, ces mères sont des manipulatrices insoupçonnées. Elles souffrent en réalité du syndrome de Münchhausen par procuration (SMP). C’est sans doute la forme de maltraitance la plus complexe connue à ce jour », nous détaille Doris-Louise Haineault, également autrice de « Fusion mère-filles S’en sortir ou y laisser sa peau » (PUF, 2006)
Face à un comportement si pervers, comment peut-on se reconstruire ? Devenue psychiatre, Julie Gregory a trouvé la force d’écrire « pour que les médecins, les professionnel.le.s de la santé et le public ne puissent plus jamais ignorer l’existence de cette sombre maladie ». Dans son livre « Ma mère, mon Bourreau » (L’Archipel, 2006), elle livre un témoignage poignant sur son enfance construite autour des mensonges de ses supposées maladies inventées par sa mère. Jusqu’à sa majorité, Julie passe ainsi ses journées entre les murs aseptisés des hôpitaux frôlant même une opération à cœur ouvert.
Alors, la guérison serait-elle au bout du crayon ? Pour Marie Lion-Julin, psychiatre et psychanalyste spécialisée depuis une quinzaine d’années dans les relations mères et filles c’est certain.
« Pour ces enfants de parents toxiques qui ont subi des dommages psychologiques importants, l’écriture permet de se libérer doucement de toutes les émotions liées à des expériences traumatisantes », nous explique-t-elle
Mère toxique : écrire pour se libérer de son emprise
Tandis que certain.e.s se sont tourné.e.s vers la psychothérapie, d’autres par crainte de dévoiler leurs pensées les plus intimes devant un.e inconnu.e ont trouvé une alternative : écrire. La psychanalyste Virginie Megglé le préconise notamment à ses patient.e.s :
« Il faut écrire tout d’abord pour soi. Certaines victimes de mères toxiques parviennent ensuite à publier un livre. C’est tout aussi bénéfique, voire plus, mais c’est une étape supplémentaire à franchir. Il faut être prêt.e à être en quelque sorte jugé.e par les lecteur.rice.s et beaucoup ne le sont pas. Écrire simplement pour soi est déjà une belle étape pour se libérer du mal provoqué par une mère toxique »
L’écriture une sauveuse d’âme
Tout comme Julie Gregory dans son livre « Ma mère, mon bourreau », Toni Maguire, autrice de « Ne le dis pas à maman » partage l’idée que l’écriture peut être un véritable « remède » pour les personnes qui étant enfant ont subi les ravages d’une mère toxique.
« Tout le monde devrait écrire, même des futilités de tous les jours. Aujourd’hui, la seule chose pour laquelle je remercie ma mère, c’est d’ailleurs de m’avoir donné cet amour des livres. Dans mon enfance, les livres sont devenus mes amis et me permettaient de m’échapper de la cruauté du monde réel. Quelques années plus tard, l’écriture personnelle m’a aidée. J’avais volontairement fait un dur travail sur moi-même pour laisser mon passé derrière moi, écrire a donc été difficile au début, mais tellement salvateur au final ! »
L’écriture peut ainsi permettre de prendre du recul sur cette relation maternelle toxique. Ce travail d’écriture peut s’opérer seul.e chez soi, ou avec l’aide d’un.e spécialiste. Un.e psychologue ou un.e psychanalyste peut notamment éclairer votre lanterne et vous épauler dans la dure épreuve qui consiste à s’éloigner de votre mère, sans culpabilité.
Enfant d’une mère toxique : ne plus culpabiliser
Il est parfois difficile d’admettre que sa mère est toxique (syndrome de Stockholm). Cela remet en effet en question le symbole de modèle du parent aux yeux de l’enfant.
Souvent, les enfants de parents toxiques s’interdisent ainsi de le dire aux autres, voire de le penser, au nom du respect. Problème : en refusant de blâmer sa mère, l’enfant se retrouve à rejeter la faute sur sa propre personne. Un poids (très) difficile à supporter pendant toute une vie.
« Les relations au sein de la famille sont très complexes. Tout peut très bien se passer et du jour au lendemain tout bascule, ce fut le cas pour moi. C’est peut-être difficile à croire pour une personne qui a lu mon histoire à travers mon livre, mais encore aujourd’hui j’ai le souvenir de moment heureux passé en famille. Jusqu’à l’âge de 5-6 ans, je n’avais aucune raison de ne pas aimer ma mère puisque c’était la personne qui me donnait le plus d’affection, qui m’apprenait à lire et qui me nourrissait. Et en tant qu’enfant je n’avais absolument pas les capacités de penser que ma mère puisse être toxique envers moi », nous confie Toni Maguire
Vous l’aurez compris, une mère toxique même si elle est en apparence adorable, empêche en réalité son enfant de s’épanouir. Elle exerce une lourde emprise et son comportement peut provoquer de la culpabilité chez l’enfant. Hier enfant sous emprise psychologique, aujourd’hui en tant qu’adulte exorcisez vos démons grâce à l’écriture.