Parler politique avec ses enfants : bon ou mauvais pour leur éducation ?

En ce moment, la politique rythme l’actualité. Les représentant.e.s des partis en lice se succèdent sur les plateaux TV, les caméras sont braquées dans les bureaux de vote et les expert.e.s y vont de leur propre pronostic à l’approche du deuxième tour des législatives. Les médias bousculent leur programme habituel pour aborder ce que tout le monde décrit comme « un moment historique ». Ce qui n’a pas échappé à l’esprit averti des enfants. Les petites têtes blondes, adeptes du « pourquoi », se posent aussi des questions. D’autant plus lorsque les repas de famille se muent en débats grandeur nature. Mais faut-il parler politique avec vos enfants ou les laisser en dehors de ces sujets houleux ? Comment ouvrir la conversation sans prendre position ni déteindre sur leurs convictions ? 

Les avantages de parler politique avec vos enfants

Depuis qu’Emmanuel Macron a dissout l’Assemblée nationale, la politique monopolise les écrans noirs des télévisions et s’immisce au milieu de la dinde dominicale. Impossible de passer à côté de cette saga politique aux multiples rebondissements, à moins de vivre reclus dans une grotte au fin fond du Vercors. Même les enfants commencent à s’y intéresser. Loin d’être crédules, iels captent bien plus d’informations que vous ne pouvez l’imaginer. Iels accompagnent les parents jusqu’aux urnes, croisent les affiches de campagne sur le chemin de l’école et entendent des noms revenir en boucle au gré du zapping.

Vos enfants, de nature curieuse, ne tardent pas à comprendre la situation, sans forcément saisir tous les enjeux. Iels vont peut-être bientôt solliciter vos lumières pour percer le mystère de ces hommes en cravate et de ces femmes en costard qui se livrent à des joutes verbales sur petit écran. La question « ça sert à quoi de voter ? » est presque aussi périlleuse que le fameux « comment on fait les bébés ?« . Alors mieux vaut préparer votre réponse d’avance pour éviter de bégayer ou de sortir le joker « c’est un truc d’adultes, tu comprendras plus tard ».

Parler politique avec ses enfants n’est pas forcément instinctif. Vous avez peut-être tendance à vouloir préserver vos bambin.e.s et à repousser la réalité le plus tard possible. Pourtant, ce dialogue est important, au même titre que celui que vous tenez sur la mort ou la sexualité. Pour se construire, les enfants doivent apprendre les rouages de la société démocratique. Et pas question d’attendre que les minces cours d’éducation civique du collège s’en chargent à votre place.

Développement de l’esprit critique

Dès la cour de récré, les enfants bataillent pour faire valoir leurs idées, que ce soit autour d’un ballon ou d’une feuille Diddle. Cependant, iels sont souvent influencé.e.s par leur camarade et renoncent parfois à leurs convictions pour s’intégrer au groupe. Parler politique avec vos enfants permet d’affûter leurs réflexions, de développer leur sens critique et de perfectionner leur capacité d’argumentation. Évidemment, le but n’est pas de leur imposer votre choix ou de faire de la propagande pour votre parti de cœur, mais d’évoquer toutes les opinions politiques. Votre enfant doit pouvoir analyser les différents points de vue et se faire son propre avis, en autonomie.

Meilleure compréhension de la société

Vos enfants n’évoluent pas dans le monde des Bisounours. Même si leur insouciance les garde loin de la face obscure de la société, il convient de leur expliquer honnêtement comment le pays est régi. Dans leur imaginaire, c’est le père Noël qui fait la pluie et le beau temps sur Terre. Alors, l’idée n’est pas de faire un cours magistral sur la République, simplement d’éclaircir le rôle du président et d’expliquer l’impact de l’enveloppe que vous glissez dans l’urne. Parler politique avec vos enfants permet de muscler leur devoir de citoyenneté. C’est également un bon moyen d’aborder d’autres sujets parallèles, comme l’éducation, la santé, le logement, la justice sociale ou l’environnement.

Renforcement des valeurs familiales

Parler politique avec vos enfants est également une occasion de montrer votre ouverture d’esprit et d’insister sur la tolérance des idées. Dans les foyers français, le sujet vient sur la table assez naturellement. Selon une étude IFOP de 2022, 70 % des parents en discuteraient avec leurs enfants. En abordant le sujet, vous créez ainsi un environnement propice à la discussion et vous encouragez des échanges constructifs. Ces conversations franches et neutres soudent la famille mine de rien.

À quel âge pouvez-vous commencer à en discuter ?

En général, les enfants se penchent sur la politique aux alentours de 8 ans. Cependant, iels ne vont pas vous demander le programme de Jordan Bardella ou les projets économiques du Front Populaire. Ce ne sont pas des énarques en herbes, loin de là. Au début, les questions des enfants sont assez candides et plutôt naïves. « Ça veut dire quoi voter à gauche ou à droite ? ». « Il sert à quoi le président ? ». « Pourquoi les hommes en cravate se disputent à la TV ? ». Leurs interrogations sont spontanées et sans détour. Toutefois, ne forcez pas la conversation. Ne troquez pas les dessins animés de votre enfant contre un débat enflammé sur une chaîne d’actu en continu. C’est le meilleur moyen de le dégoûter à tout jamais.

Il est préférable d’attendre que votre enfant vous tire le gilet et vous en parle de lui-même. Denis Langlois, avocat et écrivain à l’origine du livre éclairant « La Politique expliquée aux enfants (et aux autres)« , affirme « qu’à partir de 10 ans, il est possible et surtout fructueux d’aborder les questions politiques avec ses enfants ». Si votre enfant n’y fait pas de cas et se montre hermétique au sujet, prenez des chemins détournés : puisez dans l’actualité. Grèves des écoles, manifestations, mouvements sociaux… n’hésitez pas à vous appuyer sur des exemples concrets.

Comment aborder le sujet avec vos enfants ?

Pour parler politique avec vos enfants, évitez les formules alambiquées, les explications trop techniques et essayez à toute force de ne pas tomber dans le discours ultra militant. Pas question d’évangéliser un parti plus qu’un autre ou de retourner le cerveau de votre enfant avec vos idéologies. Vous devez prendre du recul et vous mettre dans la peau d’un.e instit. Utilisez un vocabulaire simple, accessible à votre enfant. Parler de coalition, de réformes ou de référendum relève du charabia pour votre bambin.

Ce qui compte c’est que vous soyez pédagogue et clair. Appuyez-vous sur des exemples de la vie courante pour « vulgariser » au mieux les concepts politiques comme le vote, la retraite, la démocratie, etc. Toutefois, veillez à ne pas employer un langage trop simpliste ou des métaphores à base de dragon ou de créatures féériques. Si les mots vous manquent ou si vous avez un trou sur une question, munissez-vous de livres éducatifs. Ce sont de sacrés coups de pouce. « La politique expliquée aux enfants«  illustré par Plantu ou « Le Petit Livre pour comprendre la Démocratie«  ont tout intérêt de rejoindre la bibliothèque du bas âge à côté de Martine et Trotro.

Dire pour qui vous votez, pas une nécessité

Parler politique avec ses enfants est un acte citoyen, à condition de ne pas distiller vos croyances et de rester impartial.e. Dire quel bulletin vous allez glisser dans l’enveloppe est censé être confidentiel, même entre les murs de votre foyer. C’est toujours un peu compliqué d’être totalement neutre dans ce genre de conversation. D’ailleurs, selon les estimations, deux tiers des enfants finiront du même bord politique que leurs parents. Un moment ou un autre, vos opinions politiques déteignent sur votre progéniture.

« Il faut au contraire être complètement honnête avec soi-même et présenter les différentes voies possibles. Le but de l’éducation, c’est avant tout de rendre ses enfants libres », préconise Denis Langlois

Au lieu de dire pour qui vous allez voter derrière l’isoloir, exposez toutes les listes à vos enfants, même celles qui vous suscitent des haut-le-cœur. N’essayez pas de les endoctriner ou de plaider la cause d’un parti. Demandez-leur plutôt « pourquoi penses-tu que ce candidat propose cette politique ? ».

Dimanche prochain se tiendra le deuxième tour des élections législatives, une ultime séance qui peut tout faire basculer. Ne laissez pas vos enfants dans le flou et impliquez-les dans cette action civique. Dites-leur que leur avenir en dépend !

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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