Qui n’a jamais regardé son smartphone en plein milieu d’un repas de famille, en réunion au bureau ou encore lorsqu’une scène de film traîne en longueur ? Si ces attitudes vous semblent anodines, sachez qu’à long terme, elles nuisent gravement à votre entourage, surtout familiale. Ce phénomène porte même un nom : le phubbing. Il s’agit de la contraction des mots anglais « phone » (téléphone) et snubbing (snober). On vous dit tout sur cette tendance qui ne va malheureusement pas en s’arrangeant…
Phubbing : la peur de manquer quelque chose
Selon une étude du Pew Internet Project parue en avril 2019, 67 % des sondés admettent regarder leur smartphone pour voir si elles n’ont rien reçu, même en l’absence de notifications. Et cela n’est pas étonnant, car le téléphone portable est devenu ni plus ni moins qu’un prolongement de notre main.
Les personnes sujettes à cette « irrésistible attraction » sont victimes de nomophobie. En d’autres termes, la peur d’être séparé.e de son smartphone et de manquer quelque chose (FOMO ou fear of missing out, en anglais). Vanessa Lalo, psychologue clinicienne spécialisée dans les usages numériques, explique à BFMTV :
« Ce n’est pas conscient : le plus souvent, sortir son smartphone, on le fait machinalement. Mais aujourd’hui, si vous en avez un dans la poche, vous avez l’obligation d’y répondre. Sinon, vous êtes un mauvais ami, un mauvais conjoint, vous êtes un mauvais salarié, vous êtes un mauvais humain. On n’est pas dans l’impolitesse : le smartphone permet d’être connecté, mais c’est un cordon ombilical permanent. »
Et ce comportement nuit gravement à nos interactions sociales. Qui n’a jamais vu un couple d’amoureux au restaurant regarder son téléphone, chacun de son côté de la table ? C’est malheureux, mais nous devons désormais faire attention et résister à l’envie de regarder notre téléphone lorsqu’il vibre ou sonne. Pour l’anecdote, nous touchons notre smartphone environ 300 fois par jour :
« Il est tellement intégré dans nos vies qu’on ne considère même plus ça comme une action. C’est le prolongement de notre main, de notre regard. On ne le sent pas comme une rupture par rapport à l’autre, mais comme si on entendait du bruit dehors ou qu’on regardait par la fenêtre. »
Si bien que la psychologue s’inquiète pour l’avenir :
« On est devenu intolérant à la frustration. Est-ce qu’un jour il ne va pas falloir tenir des discussions à la façon de YouTube : pas plus de trois minutes, pour garder l’attention de votre interlocuteur ? Avec une barre de progression en dessous ? ».
Malheureusement, les adultes ne sont pas les seules victimes de ce fléau. Nous touchons aussi des personnes bien plus innocentes…
Le syndrome du parent mort
Il y a un aspect du phubbing que l’on aborde moins. Et c’est celui des parents. Et plus particulièrement ceux de la génération Y, que l’on appelle aussi les « enfants du numérique ». On les repère facilement dans la rue : ils poussent leur poussette avec les écouteurs vissés aux oreilles ou sont attablés au restaurant, l’enfant sur les genoux, et le portable dans les mains.
Les psychologue et psychanalyste Marilyn Corcos et Brigitte Bergmann ont décidé de lancer l’alerte sur Lemonde.fr après avoir observé des symptômes de détresse grave chez les tout petits :
« Nous savons depuis longtemps que les bébés sont des êtres profondément sociables, qui se construisent dans l’échange avec leur environnement. Ils ont besoin du contact humain, affectif et vivant de leur entourage pour grandir et apprendre. L’énergie qui circule dans les échanges bébé-adultes favorise ses aptitudes créatives, enrichit ses capacités relationnelles, construit son langage et accroît ses compétences intellectuelles. Bien sûr, les jeunes parents ont l’envie de bien faire, mais l’attachement compulsif au portable agit comme un écran venant opacifier la rencontre avec l’enfant. »
Et de préciser :
« Quand l’adulte disparaît régulièrement derrière son téléphone, il se détourne du tout-petit, qui ressent une multiplicité de “lâchages”. Ces pertes évoquent ce que le psychanalyste André Green a conceptualisé sous le titre de “complexe de la mère morte” – nous dirions aujourd’hui le “complexe du parent mort” –, qui décrit les effets délétères de l’absence psychique du parent quand, absorbé par sa propre dépression, il devient indisponible à son enfant. Les retours que nous avons eus des pédiatres ou des jeunes parents concernés nous font penser que nous avons touché un point sensible et juste. »
Cette hyperconnexion parentale est donc extrêmement nocive. Mais que devrions-nous faire ? Cesser totalement de nous servir de notre smartphone avant qu’il ne nous rende sociopathes ? Une détox numérique contre le phubbing s’impose !
Et notre première action pourrait être de mettre notre smartphone en silencieux et de ne pas l’utiliser lorsque nous interagissons avec d’autres êtres humains… Prêt.e à tenter le coup ? On vous attend pour en discuter plus amplement sur le forum !