L’arrivée des règles est une étape aussi attendue qu’appréhendée par les jeunes, et par les parents… Comment préparer son ado aux premières règles, l’informer et le.a rassurer sans pourtant l’oppresser ? Voici quelques conseils pour lever le tabou.
Un tabou entretenu malgré tout
Certains parents sont mal à l’aise, anxieux.ses à l’idée d’aborder ce sujet. Si vous-même peinez aujourd’hui à parler des premières règles avec votre ado, cela tient sûrement d’un tabou individuellement et socialement intériorisé. En effet, les règles ont toujours été traitées comme un sujet dont on ne parle pas. En 2024, la stigmatisation et la désinformation liées aux menstruations engendrent malheureusement toujours une certaine honte à en parler ou même à les vivre.
Dans certaines communautés, les personnes menstruées doivent même se retirer le temps de leurs règles. Mais dans les années 1970, une nouvelle vague d’éducation est arrivée. Grâce à Dolto, le dialogue avec les enfants devient la norme.
« Les règles peuvent être un tabou, car elles ont un caractère sexué : elles symbolisent l’avènement de la femme. Pour les générations précédentes, il était hors de question d’en parler, elles suscitaient un véritable sentiment de honte », explique la gynécologue Danièle Flaumenbaum au média Psychologies
Nous pouvons constater aujourd’hui que les règles ne sont plus un phénomène méconnu chez les ados. De fait, les jeunes ont de nombreuses sources d’informations : sensibilisations de la primaire au lycée, discussions avec ses pairs, réseaux sociaux ou encore produits de la pop culture (films, livres).
Alors même que le tabou sur les règles et la sexualité semble se lever, cela reste une illusion. Par exemple, les pubs ne cessent de nous offrir une image édulcorée des menstruations : liquides bleus, verts ou roses foisonnent sur les serviettes hygiéniques. Mais alors, comment préparer son ado aux premières règles et l’informer convenablement ?
Choisir le bon moment
Une étude de l’INSERM en 2007 montre que de plus en plus d’adolescent.e.s vivent une puberté précoce dès 8-10 ans. À titre d’exemple, en 1970, l’âge des premières règles environnait les 16 ans alors que la moyenne actuelle est de 12,2 ans. Cela s’explique par une amélioration de l’hygiène de vie.
Partant de là, la gynécologue Danièle Flaumenbaum considère que parler des premières règles à l’adolescence ne suffit plus. Afin de les normaliser au possible, le mieux serait de les mentionner dès la petite enfance (entre 3 et 6 ans).
« En les nommant tôt, elles s’inscrivent dans la mémoire des petit.e.s qui pourront préparer sereinement leur arrivée. Il est aussi plus facile d’informer l’enfant lorsqu’iel est petit.e que plus tard, lorsqu’iel est adolescent.e et supporte mal l’intrusion »
Bien sûr, cela ne signifie pas qu’il faut tout raconter dans les moindres détails à votre enfant. Il s’agit simplement d’énoncer leur nom pour qu’il n’apparaisse pas comme par enchantement une décennie plus tard.
Réussir à ne pas en faire un tabou
L’objectif ultime pour dialoguer avec votre ado à propos des premières règles est de ne surtout pas en faire un tabou. Pour cela, vous pouvez tout simplement lui raconter ce qui vous arrive (ou à votre conjoint.e) tous les mois. Lui expliquer que ce n’est pas anormal et qu’elles feront aussi sûrement partie de leur vie plus tard.
Au début, rien ne vous obliger à entrer dans les détails, ils viendront au fur et à mesure du temps. Tout ce qui compte, c’est que l’arrivée des règles ne soit pas une surprise dans la vie de votre enfant.
« Le non-dit est dangereux, car il mène à l’incompréhension et à la fantasmagorie. Il est essentiel que l’enfant prenne possession de son corps pour pouvoir en comprendre le fonctionnement », explique la gynécologue
Pour continuer à casser le tabou, vous pouvez évoquer les différents moyens de protection qui existent. Par là, vous dédramatisez tout ! En connaissant toutes ses options (serviette, tampon, cup, culotte menstruelle, protections lavables, etc.), votre ado sera tranquille à l’arrivée de ses premières règles. Enfin, vous pouvez en profiter pour lui conseiller de glisser une protection dans son sac au cas où !
Trouver les bons mots
L’une des principales préoccupations des parents lorsqu’il s’agit de parler des premières règles avec son ado est de trouver les mots adaptés. Le plus simple est d’utiliser la simplicité et la franchise pour éviter l’écueil du dégoût.
La psychologue Catherine Blanc conseille de ne pas présenter les règles comme un empêchement. Les règles ne sont pas un handicap, elles ne sont pas sales et on peut continuer de faire plein de choses lorsqu’elles sont là. La psychologue recommande de privilégier une lecture positive en ne les idéalisant pas. Parler des douleurs, de la fatigue ou des baisses de moral qui attendront peut-être votre ado lui permettra de ne pas se considérer comme anormal.e.
Enfin, restez à l’écoute. Si votre ado ne vous pose pas de questions ou ne semble pas intéressé.e par les premières règles, inutile d’insister. Les occasions d’en discuter ne manqueront pas.
Un petit détour par la biologie
Pour dissiper les mythes autour des menstruations et accompagner votre enfant dans la découverte de son corps, vous pouvez lui expliquer ce qui provoque les règles dans le corps. Au cours de chaque ovulation, la muqueuse utérine (couche interne de l’utérus) s’épaissit pour accueillir un éventuel ovule fécondé. Si la fécondation n’a pas lieu, cette couche (appelée endomètre) se détruit spontanément et s’expulse. Ce sont les règles.
Vous pouvez aussi préciser à votre ado que les premières règles ne sont pas forcement régulières, elles peuvent même être absentes les premiers mois. Le temps fera son affaire et le cycle se régularisera en même temps que ses hormones se stabiliseront et que l’équilibre de son corps se mettra en place.
Expliquer comment son corps va changer
Expliquer à votre ado les changements du corps que provoquent les premières règles peut l’aider à décomplexer. L’arrivée des règles désigne une entrée dans la puberté durant laquelle la silhouette de l’enfant se modifie. Les jambes s’allongent, des seins peuvent se former, les hanches s’élargissent et la pilosité physique augmente, notamment au niveau des parties intimes.
Il peut aussi être bon de parler des douleurs qui peuvent survenir. En plus de la gêne occasionnée par les saignements, les personnes menstruées ressentent parfois des douleurs dans les reins ou l’abdomen. D’autres ont des nausées, des migraines ou encore les seins très sensibles. Ces phénomènes varient d’un corps à l’autre, il est aussi possible de n’en ressentir aucun.
Enfin, n’oubliez pas d’encourager votre enfant à échanger autour de ces douleurs. D’une part, pour l’aider à les apaiser (bouillotte à grains de chanvre, de lin, médicaments, etc.), d’autre part pour s’assurer qu’iel ne présente pas de signes d’une pathologie (endométriose, syndrome des ovaires polykystiques, etc.).
Aborder le sujet de la grossesse, de la sexualité et des maladies
L’arrivée des règles est socialement perçue comme le passage de l’enfance à l’âge adulte. Dans la mesure où les règles sont le signe qu’un corps peut accueillir une grossesse. Or, nous l’avons vu, les règles arrivent aujourd’hui tôt dans la vie des enfants. Alors que les règles arrivent en moyenne à 12,2 ans, l’âge médian du premier rapport sexuel en France est de 17 ans.
Alors, si votre ado a ses premières règles, rien ne vous oblige à lui parler de sexualité. Il s’agit d’une autre discussion que vous pourrez avoir plus tard. Bien sûr, en lui expliquant ce qu’il se passe dans son corps, vous aborderez sûrement le sujet de la grossesse. Pour autant, ce n’est pas nécessairement une raison pour lui parler de contraception et de maladies sexuellement transmissibles. À moins bien sûr qu’iel vous le demande.
Demander du renfort (si besoin)
Dans le cas des couples parentaux hétérosexuels, ce n’est pas forcément à la mère de prendre entièrement en charge ces discussions. Les deux parents sont les bienvenus pour échanger à ce sujet. Même si une personne concernée est certainement plus à même d’aborder le sujet, si un.e seul.e des membres du couple parental en parle, cela pourra être perçu par l’enfant comme un tabou pour l’autre parent.
Il est aussi possible que vous ne disposiez pas de l’intimité suffisante avec votre enfant pour aborder ce sujet. Alors, vous pouvez demander de l’aide autour de vous. D’autres personnes, menstruées ou non, sauront peut-être trouver les bons mots et mettre à l’aise votre ado. Enfin, vous pouvez demander à un.e gynécologue ou un.e médecin généraliste de parler de ses premières règles à votre ado.
Si malgré tout, vous vous sentez mal à l’aise avec ce sujet, vous avez aussi la possibilité de vous procurer un livre adapté à son âge et le lire ensemble. Cela vous offrira l’occasion de passer un temps privilégié avec votre ado.