Projection parentale : comment l’éviter pour permettre à son enfant de se développer librement ?

Lorsque nous devenons parents, nous souhaitons, bien sûr, le meilleur pour notre enfant. Nous voulons qu’iel soit heureux.se, se trouve une passion, s’épanouisse et ne manque jamais de rien. Hélas, sous couvert des meilleures intentions, il se peut que nous dépassions parfois le cadre de l’accompagnement avec notre bambin. En voulant à tout prix lui offrir le meilleur, selon nous, nous pouvons tomber dans l’écueil de la projection parentale et empêcher notre enfant de se développer librement.

Qu’est-ce donc que la projection parentale ?

On parle de projection parentale lorsqu’un parent, ou les deux, ont des désirs et bien précis pour la vie de leur enfant. Cette belle intention les pousse alors à projeter sur elleux leurs attentes en leur demandant de les remplir et les accomplir. Ceci alors même que ces ambitions ne sont pas nécessairement les leurs. Finalement, ces parents en viennent à projeter sur leur enfant « un moi idéal ».

Ce phénomène concerne différents lieux de la vie, il peut s’appliquer à la personnalité, aux goûts ou encore aux loisirs extrascolaires. Mais bien souvent, la projection parentale touche la vie scolaire puis professionnelle des enfants. La psychologue et clinicienne Aline Nativel Id Hammou explique dans son livre « La charge mentale des enfants«  qu’elle constate que ces parents ont souvent du mal à accepter que des choses leur échappent.

L’imagerie populaire des films, séries et livres participe largement d’une représentation négative de la projection parentale. En vérité, elle est absolument normale dans le processus de parentalité, il s’agit même d’une base importante de la filiation. La projection parentale est une preuve de l’investissement et de l’intérêt que l’on porte à son enfant. Elle est inévitable, car nous avons tou.te.s envie d’une certaine ressemblance, d’une cohérence de notre enfant avec ce que nous sommes. C’est alors qu’elle devient débordante, étouffante, que la projection parentale est un écueil.

Mais d’où vient la projection parentale ?

L’intention première, et explicite, de la projection parentale réside dans le désir pour son enfant qu’iel ait au moins une vie à la hauteur de la sienne. Mais ce n’est pas la seule motivation à ce phénomène, il prend aussi largement ses racines dans une nécessité de valorisation personnelle et de compensation, voire de réparation.

L’effet miroir ou la valorisation personnelle

Vouloir pour son enfant ce que l’on considère comme étant le meilleur, c’est aussi vouloir afficher sa « haute » valeur dans la société. En quelques sortes, la réussite de l’enfant projette sur ses parents leurs compétences en tant que telles. L’effet miroir concerne principalement les familles au statut social important.

On exige alors de l’enfant de maintenir ce rang atteint par ses prédécesseur.e.s. Aline Nativel Id Hammou explique que cela fait la preuve de leur propre niveau intellectuel cognitif. Alors, en plus de nourrir le narcissisme (au sens psychologique) de ses parents, l’enfant devient un faire-valoir de sa famille.

La projection au service de la réparation d’une histoire parentale

Bien souvent, la projection parentale vient d’un ardent désir des parents de ne pas répéter, voire de compenser, ce qu’iels ont vécu enfants. Tout ce qu’iels estiment avoir raté, manqué, été privé.e.s doit être prodigué à l’enfant.

Alors, on impose à l’enfant une version perfectionnée de ce qu’iels auraient voulu être, au point souvent de le.a contrôler totalement. L’idée est de réécrire son histoire à travers son enfant, pour toucher un semblant de réparation voire de rédemption. Devenir parent est souvent un moment charnière de notre vie où nous faisons le point sur notre propre cheminement. C’est une bonne chose de réaliser ces manquements et faiblesses de notre histoire, mais les projeter sur notre enfant a des effets pernicieux.

Pourquoi faut-il éviter les projections parentales ?

Nous le rappelons, les projections parentales sont un phénomène normal qui n’altère pas la vie de l’enfant tant qu’elles sont mesurées. Lorsqu’elles se meuvent en un surinvestissement, elles deviennent préjudiciables à bien des égards.

Choyer l’estime de soi de son enfant

La projection excessive transforme les attentes des parents en un lourd poids à porter pour l’enfant. Sans surprise, ces exigences sont si fortes que si iel n’arrive pas à les combler, son estime de soi est immanquablement altérée… En effet, l’enfant aura intégré que sa valeur et sa confiance en soi se tirent dans ses réussites, ses exploits. Alors, chaque échec le.a ramène à l’idée qu’iel ne peut être aimé.e pour ce qu’iel est, mais plutôt pour ce qu’iel fait.

Qui plus est, parce que l’enfant intègre que sa mission est de réparer l’histoire de ses parents, dès que sa mission n’est pas accomplie, un grand sentiment de culpabilité vient entraver son bien-être. La projection parentale peut provoquer de l’anxiété chez l’enfant, voire même des troubles dépressifs.

Quand l’enfant se crée un « moi » biaisé

Si elle est trop poussée, la projection parentale entravera sans doute la construction du moi de l’enfant. C’est-à-dire que les intentions et les attentes des parents sont si présentes que l’enfant en vient à les intégrer comme siennes. Il n’y a plus de place pour le développement de son identité propre, de ses goûts, sa personnalité, ses ambitions, ses envies…

Iel n’aura pour référence que les standards de ses parents et se conformera donc inconsciemment à ceux-ci, parfois au point de devenir des « people pleaser ». Alors, l’enfant est privé.e de sa propre identité, de son futur potentiel et ne sait même pas qui iel est sans l’influence de ses parents.

Un phénomène qui altère les relations avec les parents

Les enfants ne sont pas réellement en mesure de constater l’influence de la projection parentale sur leur vie. Mais en grandissant, cela peut arriver. Les portes s’ouvrent alors sur de possibles conflits. Par chance, il arrive que des enfants soient capables de rejeter et se défaire de ce phénomène, mais cela ne manque pas de déplaire aux parents.

Par ailleurs, même sans s’éloigner de ces schémas imposés, un ressentiment germe dans l’esprit des enfants et fait naître en elleux le fort désir de quitter le foyer et de rompre les relations avec les parents.

Comment éviter de se projeter sur ses enfants ?

« On ne fait pas des enfants pour soi »

C’est un adage très connu qui prend tout son sens dans le champ de la projection parentale. Il est important de se rappeler qu’un.e enfant ne nous appartient pas, de même qu’iel n’est pas là pour combler nos propres désirs. Il faut donc accepter l’idée que certaines choses nous échappent, et donc comprendre la différence entre encourager et imposer. Ainsi, aussi fort soit votre désir de transmission, il ne faut pas effacer la personnalité de son enfant pour autant.

D’ailleurs, personne ne sait mieux que votre enfant ce qu’iel aime ou non. En vérité, vous ne savez pas nécessairement ce qui est bon pour lui/elle, l’affirmer revient à projeter vos propres envies en occultant les siennes. Cette nuance est la preuve d’une confusion entre besoin et désirs. En tant que parents, votre rôle est de répondre aux besoins primaires de votre enfant en le.a laissant créer ses propres désirs. Pour trouver un juste-milieu, la thérapeute Annick Pochet a une recommandation :

« Le tout est de savoir réviser nos attentes, les adapter à la personnalité, aux aspirations, aux capacités de l’enfant. »

S’essayer à l’auto-test parental

Pour améliorer autant que possible l’équilibre familial, vous pouvez effectuer une auto-évaluation parentale. Elle vous amènera à vous questionner sur votre sentiment en tant que parent, sur les valeurs que vous voulez transmettre et par quelle méthode, sur vos exigences et vos désirs de communion au sein du foyer. Si vous avez un.e partenaire éducatif.ve, il sera bénéfique de partager ce processus de réflexion avec lui/elle. Puis vous pourrez également échanger à ce propos avec votre enfant afin de vous assurer de votre objectivité et de la viabilité de votre projet parental. Dans ce cadre, vous vous rendrez peut-être compte que vous exercez une forme de pression excessive sur votre enfant.

Aussi, il existe autant de forme de parentalité qu’il y a de parents. La psychologie a établi tout un panel de modes éducatifs différents, libre à vous de piocher ce qui vous convient dans chacun d’entre eux. Si vous vous considérez comme trop contrôlant.e, il peut être intéressant pour vous de tendre vers un rôle de parent méduse. Ce type de parentalité est réputé pour la souplesse éducative qu’il prône dans la sphère des loisirs et des activités extrascolaires. C’est un premier pas pour lâcher du lest et se rapprocher des désirs de son enfant.

Accompagner son enfant sur le chemin de la vie et du bonheur n’est pas une tâche aisée. Bien qu’il s’agisse d’un des plus beaux rôles au monde pour certain.e.s, il n’existe pas de recette du « parent parfait ». Alors, vous devrez composer avec le temps, évoluer, vous remettre en question et apprendre à écouter réellement votre enfant pour être certain.e de ne pas exercer de projection parentale trop forte. Car finalement, les enfants sont les meilleur.e.s éducateur.rice.s des parents.

Charlotte Vrignaud
Charlotte Vrignaud
En tant que journaliste spécialisée dans les médias et la culture, mon quotidien est une aventure passionnante au cœur de l'évolution culturelle et médiatique de notre époque. Mon rôle consiste à décrypter et à partager les tendances émergentes, les innovations et les récits captivants qui façonnent notre société.
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