Si le rôle de père au foyer refroidit encore la gent masculine, Samuel Clot, lui, n’a pas hésité une seconde à l’accepter. Pour lui, s’occuper de son fils à plein temps est loin d’être une corvée, c’est une chance. Le jeune homme de 27 ans a d’ailleurs raccroché ses études de médecine pour se consacrer pleinement à son enfant. Ce quotidien, en contact rapproché avec son fils, lui a apporté des enseignements bien plus puissants que ce qui s’apprend sur les bancs de l’école. Ce disciple de la parentalité positive a d’ailleurs conquis la toile avec ses vidéos où il donne du relief à l’éducation bienveillante. Dans le sillage de son compte à portée pédagogique, Samuel a également inscrit son histoire singulière entre les lignes de son livre, fraîchement publié aux éditions Hachette. Pour l’occasion, nous nous sommes entretenues avec cet homme moderne qui va à contresens des traditions.
Un livre pour tirer un portrait plus juste du père au foyer
Selon une étude portée par Harris Interactive, 65 % des hommes se disent prêts à devenir « père au foyer ». Pourtant, dans la réalité, ils sont très peu nombreux à prendre cette décision. Ceux qui plébiscitent ce choix de vie sont d’ailleurs vus comme des « ovni » de la société. Dans l’imaginaire collectif, le père au foyer est un homme « sans ambitions », qui se la coule douce devant la télé et qui fait le strict minimum avec son enfant. Une image dégradante et stéréotypée que Samuel Clot repeint avec plus de véracité dans son livre « Père au foyer : comment la parentalité positive a changé ma vie ».
Cet ex-rugbyman à la carrure imposante était prédestiné à une carrière de « médecin », mais l’arrivée de son enfant est venue bousculer son parcours tout tracé. Marié à l’âge de 20 ans avec Léa, son premier et unique amour, plus connue sous le pseudo « Je ne suis pas Jolie » sur Instagram, il devient père à seulement 21 ans. La naissance de son fils est une véritable révélation. Au plus profond de lui, il le sait : il veut plaquer ses études et la stabilité qui va avec pour profiter de ce si beau cadeau que lui offre la vie. En bonne posture financière, il s’estime « privilégié » de pouvoir se dédier à son fils, Gaspard.
Un témoignage éclairant à mettre entre toutes les mains
Il passe alors trois années consécutives à s’occuper de lui et à alimenter un compte Instagram où il partage son expérience personnelle. Le succès est immédiat et les internautes se réjouissent de voir un papa éduquer son fils dans un climat respectueux. Suivi par 170 000 abonné.e.s, il n’a pas la prétention de dire qu’il est expert en la matière, au contraire, son intention est tout autre. « Je trouvais que ça manquait d’incarnation. Il n’y avait pas vraiment de représentation du père au foyer, alors j’ai pris les devants », explique-t-il.
Mais puisque les vidéos Instagram ont une durée limitée de 90 secondes, difficile de brosser toutes les facettes de cette fonction parentale, conjuguée au masculin. Son ouvrage, publié aux éditions Hachette, est donc plus qu’une extension de son compte Instagram, c’est un témoignage accompagné de réflexions plus intimes.
« Il y a des freins sociaux, de l’auto-censure. L’homme ne s’autorise pas ce choix-là, on l’imagine toujours comme le pourvoyeur financier du foyer, la figure d’autorité. C’est plus le père Fouettard que le père câlin. Je voulais changer cette vision-là en racontant mon propre vécu », évoque-t-il
Élever son fils dans un environnement sain, une priorité
Partisan de la parentalité positive, Samuel lève également sa plume pour défendre ce modèle parental, régulièrement décrié et confondu, à tort, avec du laxisme. Formé à l’éducation Montessori, il prône une approche plus empathique et raisonnée que le « classique » système de domination. Bien loin de se résoudre au chantage ou aux autres formes de manipulation, il considère son enfant comme son égal.
« Est-ce que l’enfant est encore cet objet qu’on déplace ou qu’on façonne comme on veut à la Frankenstein ou est-ce qu’on l’aborde comme un être libre, qu’on accompagne ? », questionne-t-il
Ce parti-pris éducatif est venu naturellement. Doté d’une certaine sagesse d’esprit et d’une grande maturité, Samuel a su s’émanciper de cette culture de la peur. D’ailleurs, il le dit lui-même « mon pire cauchemar serait que mon fils me craigne ». Le créateur de contenu a grandi dans une famille pourvoyeuse d’amour, mais il a aussi connu la réalité, très commune, du « parent-flic ». Il n’a pas choisi ce mode d’éducation en opposition à ce qu’il a vécu, mais plutôt parce que c’était le plus « évident » à ses yeux. Sa famille a d’ailleurs bien accueilli cette « façon de faire » et, par ricochet, en a tiré des leçons.
Tandis que les anciennes générations ramenaient l’ordre à coup de martinet, de punitions, de cris et de menaces, Samuel, lui, chasse la violence hors de ses murs et trouve des alternatives plus douces. Il plébiscite le dialogue, les temps calmes et les méthodes de respiration. Au lieu d’aller directement dans la confrontation, il donne le choix de la réflexion à son enfant. Même si la plupart des détracteurs pensent que cette méthode est trop « pacifiste », Samuel, lui, estime que c’est une solution à certains maux de la société.
« Quand tu choisis de respecter ton enfant et de le considérer comme ton semblable, tu te rends compte que tu pourrais changer beaucoup de choses dans le monde », confirme-t-il
Être père au foyer, un enseignement constant
Samuel s’est coupé de la vie étudiante alors qu’il était en troisième année de médecine. Mais si c’était à refaire, il ne changerait rien au script. Cette expérience de père au foyer lui a transmis des valeurs plus précieuses que n’importe quel cours magistral. Il n’a peut-être pas de diplôme en poche ni de blouse blanche sur les épaules, mais il s’est perpétuellement enrichi dans le regard de son fils.
« J’ai toujours été un gros gaillard, le costaud du groupe, je me basais sur ça pour asseoir une opinion. Mais maintenant je suis plus dans le dialogue, dans l’empathie et ça désarçonne », confie-t-il
Gaspard, qui a encore cette insouciance intacte, a été son meilleur professeur. Il a ravivé chez lui, cette fraîcheur et cette honnêteté primitive, si caractéristique des enfants. Indirectement, il lui a permis d’être plus clair avec les autres et d’exprimer ses ressentis plutôt que de les enfouir. Gaspard a grandement contribué à son développement personnel. Plus qu’un « projet de vie » comme beaucoup l’imaginent, cet enfant a acté une vraie renaissance.
« Moi je ne prépare pas mon fils au monde adulte, je prépare le monde adulte à l’arrivée de mon fils. C’est ma responsabilité en tant que père de faire bouger les lignes », conclut-il
Entre les pages de son livre et sur la toile, Samuel Clot redéfinit les contours de la parentalité. En plus de donner de la crédibilité à l’éducation bienveillante, il délivre les mentalités de cette vision caricaturale du père au foyer. Il a tout d’un modèle d’inspiration.