Sous son nom onirique qui évoque les contes aquatiques à l’image de « La Petite Sirène », la sirénomélie cache une anomalie qui ressemble plus à un cauchemar qu’à une féérie pour les parents. À la sortie du ventre de la mère, le nourrisson a les deux jambes soudées comme une queue de sirène, d’où son appellation. Cette curiosité anatomique très rare est aussi inquiétante que spectaculaire. La sirénomélie, qui métamorphose l’enfant en créature mi-humaine, mi-poisson, n’est pas si anodine et douce qu’elle le laisse sous-entendre. Elle met en péril la vie de l’enfant et plonge les parents dans une angoisse monstre. Voici ce que vous devez savoir sur la sirénomélie.
Qu’est-ce que la sirénomélie, ce syndrome impressionnant ?
Les sirènes, ces fées des eaux à la beauté magnétique, trempent dans notre imaginaire. Elles suscitent une admiration collective et déchaînent les légendes. Qui n’a jamais rêvé d’enfiler une queue de poisson pour flirter avec la grande bleue ou de se glisser dans la peau (ou plutôt les écailles) d’Ariel ? Si ces nymphes aquatiques ne semblent appartenir qu’à la fiction et aux histoires magiques, certains bébés leur ressemblent trait pour trait. Les enfants atteints de sirénomélie arrivent au monde avec les deux jambes collées qui ne forment qu’un seul et même membre. Ils se confondent alors avec ces créatures hybrides légendaires dont Triton était le père. C’est comme si un sort ou plutôt une malédiction s’était jeté sur le berceau du nouveau-né.
Contrairement à la jeune Ariel dans « La Petite Sirène », les bébés en proie à la sirénomélie connaissent rarement un « happy end ». En mai dernier, deux parents indiens ont perdu leur enfant seulement 15 minutes après sa naissance. L’enfant venait à peine de pousser son premier souffle qu’il rendait déjà son dernier soupir. Le bébé, qui pesait un frêle 1,45 kg, avait les jambes fusionnées et pas de parties génitales. La sirénomélie, syndrome méconnu du grand public, provoque un véritable tsunami dans la vie des parents et emporte tous leurs projets d’avenir. Aucun adjectif n’est assez fort pour qualifier cette malformation, qui semble relever du paranormal.
Ce syndrome, qui transforme les jambes en une nageoire unique, est très isolé. Dans les maternités, c’est une exception. Selon les estimations, il y aurait une prévalence de 1 pour 100 000 naissances vivantes. Les bébés porteurs de sirénomélie s’éteignent d’ailleurs bien souvent dans le ventre de la mère. Les chiffres en attestent : 50 % meurent in utero. La sirénomélie s’accompagne d’autres malformations. Les nourrissons sont susceptibles de naître sans coccyx ni de vésicule biliaire.
Des explications encore floues pour la classe scientifique
La sirénomélie, évoquée dès 1542, déconcerte encore à la classe scientifique et laisse flotter d’innombrables points d’interrogation. À ce jour, aucune étude scientifique n’a réussi à définir précisément les causes de la sirénomélie. Cette malformation reste un mystère non élucidé, une singularité de la nature. Cependant, pas question de dévier vers des théories loufoques et irrationnelles. Même si les spécialistes nagent encore en eaux troubles, ils ont évoqué quelques pistes.
Anomalies chromosomiques, exposition à des substances toxiques telles que des médicaments ou des polluants ou anomalies d’ordre vasculaire… voilà autant d’hypothèses dressées par le corps scientifique pour « justifier » l’apparition de cette queue faite de chair et d’os. À l’inverse de la princesse à la chevelure rousse et au corps nacré, l’histoire des bébés atteints de sirénomélie ne se conclut pas sur un « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ».
Une espérance de vie drastiquement réduite
Les bébés atteints de sirénomélie qui ont réussi à souffler leurs bougies et à traverser les âges malgré cette malformation se comptent sur les doigts d’une main et ont tout de miraculés. Seuls trois bébés ont survécu, non sans difficulté. C’est le cas de Tiffany Yorks, qui détient, à ce jour, le record de longévité.
Peu de temps après sa naissance, elle a quitté la couveuse pour rejoindre la table d’opération. Grâce au travail admirable des chirurgiens, elle a pu retrouver l’usage quasi total de ses jambes. Cependant, la majorité du temps, elle se déplaçait en fauteuil, faute d’équilibre et de force. Décédée prématurément à l’âge de 27 ans, elle a longtemps brassé de l’espoir et servi de modèle d’inspiration.
La sirénomélie, anomalie encore mal comprise, transforme les étincelles en torrents de larmes dans les yeux des parents. Toutefois, grâce aux progrès médicaux, ces enfants pourront peut-être écumer la vie plus longtemps.