Il est là, entre deux mondes. Trop jeune pour avoir été le pionnier, trop vieux pour être le chouchou. L’enfant du milieu, souvent en équilibre instable entre l’aîné studieux et le benjamin « déluré », n’a pas toujours la reconnaissance qu’il mérite. Et pourtant, c’est peut-être lui, le véritable ciment de la fratrie. Celui qui tisse les liens, calme les tensions, fait des compromis tout en affirmant sa singularité. Longtemps considéré comme le « grand oublié » des théories familiales, l’enfant dit du milieu revient aujourd’hui sur le devant de la scène. Et pas pour faire de la figuration.
Redonner ses lettres de noblesse à l’enfant du milieu
On a tous déjà entendu ce type de remarque en famille : « Toi, t’es le petit, on te gâte toujours ! », ou « Toi, t’es l’aînée, tu dois montrer l’exemple ! ». Et pendant ce temps, le cadet, coincé au milieu, lève les yeux au ciel, à moitié oublié entre deux bouchées de gratin. Cliché ? Pas tellement, car cela cache une part de vérité.
Ce rôle d’enfant « intermédiaire » peut parfois donner l’impression de n’être ni là ni ailleurs. Pas assez grand pour être le leader, pas assez petit pour être le protégé. Ce statut d’entre-deux n’est toutefois pas une fatalité. Il est même, selon certaines études récentes, une sacrée opportunité.
Une étude qui remet les pendules au milieu
C’est au Canada que deux chercheurs, Kibeom Lee et Michael Ashton, ont décidé de creuser la question. Leur étude, basée sur plus de 785 000 participants, utilise le modèle HEXACO, un outil psychologique qui évalue 6 grands traits de personnalité, dont l’honnêteté, l’humilité et l’agréabilité. Et surprise : les enfants dits du milieu y brillent.
Ils obtiennent les meilleurs scores en Honnêteté-Humilité et en Agréabilité. Traduction ? Ils sont souvent plus modestes, plus coopératifs, plus doux. En somme, des personnalités calmes et équilibrées, au service du bien commun. On est loin du stéréotype de l’enfant « transparent ».
La diplomatie, ça s’apprend tôt
Pourquoi cette tendance chez les enfants du milieu ? La réponse est aussi simple que lumineuse : parce qu’ils y sont entraînés. Depuis leur plus jeune âge, ils doivent composer. Naviguer entre les attentes élevées posées sur l’aîné, et les privilèges accordés au benjamin. Pour se faire une place, pas question de crier plus fort. Il faut négocier, adapter, cohabiter. En somme, développer une intelligence sociale à toute épreuve.
Vivre à mi-chemin entre deux tempéraments pousse l’enfant du milieu à développer des qualités de médiateur, de pacificateur. Une compétence précieuse dans la vie adulte, que ce soit en amitié, au travail ou en couple.
Une fratrie, un terrain d’entraînement à la vie
Ce qui ressort aussi de l’étude de Kibeom Lee et Michael Ashton, c’est que plus la famille est nombreuse, plus ces qualités de coopération se renforcent. La logique est imparable : plus il y a de monde, plus il faut partager, attendre son tour, négocier la télécommande ou encore le dernier yaourt au chocolat. C’est presque une école de la démocratie, version pyjama et chamailleries dans le salon.
Et si le rang de naissance ne suffit pas à prédire avec certitude la personnalité, il n’est pas non plus sans effet. Il façonne une partie de notre manière d’interagir avec les autres. Pas de recette magique, donc, mais des tendances qui valent le détour.
Et les autres enfants ?
Pas de jaloux : l’étude n’oublie pas les aînés, ni les benjamins, ni les enfants uniques. Les aînés, par exemple, se distinguent par leur curiosité intellectuelle et leur côté plus consciencieux. Logique, ils ont souvent endossé tôt des responsabilités. Les benjamins, eux, s’en sortent bien côté créativité et sociabilité, renforcées par le regard bienveillant (ou surprotecteur) des aînés et des parents. Quant aux enfants uniques, souvent soupçonnés d’égoïsme, ils démontrent une belle ouverture à l’expérience et une capacité d’adaptation dans un monde d’adultes.
Longtemps relégué au second plan, l’enfant du milieu mérite mieux que cette étiquette d’enfant « lambda ». Il est souvent celui qui observe, comprend, relie. Alors non, il n’est pas « le moins remarquable » de la fratrie. Il est simplement celui qui a appris à briller autrement. Parents, retenez ceci : chaque enfant mérite sa place, son moment de lumière, et surtout, d’être vu pour ce qu’il est, au-delà de son rang dans la fratrie.