Syndrome de couvade : voici pourquoi les pères peuvent aussi ressentir des symptômes de grossesse

Les pères s’investissent de plus en plus dans la grossesse de leur partenaire. Certains sont même tellement concernés qu’ils vivent, « par procuration », les chamboulements corporels et hormonaux ordinairement constatés chez la femme enceinte. Ventre qui gonfle, saute d’humeur, nausée intempestive… tous ces effets secondaires, qui indiquent la présence d’un petit être, se transposent étrangement sur les pères en devenir. Un phénomène aussi spectaculaire que curieux, plus communément appelé « syndrome de couvade ». Le père n’est plus seulement un observateur précieux, il endure la grossesse à la première personne. Mais comment expliquer ce mimétisme déconcertant ?

Syndrome de couvade, un phénomène de plus en plus courant

Si auparavant, les pères regardaient la grossesse de leur femme de loin, sans vraiment en prendre parti, désormais ce sont de fervents soutiens. Certains prennent ce rôle tellement à cœur qu’ils finissent par ressentir très concrètement tous les soubresauts de la grossesse. Un duplicata qui se joue surtout dans la tête. Malgré son caractère assez insolite, le syndrome de couvade est plutôt répandu.

Cette décalcomanie qui semble relever du prank ou de la vilaine moquerie concerne près de 30 % des papas selon les chiffres. Même si le syndrome de couvade prête à rire, il est souvent renié par les principaux concernés. L’idée d’une possible lueur de « maternité » tape fort sur l’égo de ces messieurs, qui préfèrent généralement se contenter d’en être les spectateurs privilégiés. Pourtant, le syndrome de couvade n’a rien de péjoratif.

Dans certaines cultures, c’était même un « passage obligé », un rituel incontournable. Ce constat a été tiré en 1865 par l’anthropologue Edward Burnett Tylor. Selon le spécialiste, de nombreuses régions du globe incitaient les hommes à « pénétrer dans le monde des femmes » et à se distancer de leur condition masculine. Ils avaient même droit à quelques faveurs : ne pas porter de charge lourde, éviter de prendre les armes et bénéficier d’une période de repos, équivalente au congé prénatal actuel.

En résumé, les futurs pères avaient le devoir de se raccorder sur les ressentis de leur femme enceinte. D’après ces croyances, cette « fusion » était cruciale pour la santé du bébé. Ainsi, au lieu de seconder sa compagne, porteuse de vie, le père était censé exprimer une compassion palpable pour elle.

Comment se définit le syndrome de couvade ?

Le syndrome de couvade rappelle les comportements primitifs de certains animaux, notamment des êtres à plumes. Dans la nature, il n’est pas rare de voir un couple d’oiseaux protéger ses œufs en devenir. Le mâle, lui aussi, se prête à cet exercice qui relève de l’instinct plus que du genre. Il s’y adonne souvent par intermittence, lorsque sa dulcinée part à la chasse aux victuailles. Mais chez les humains, c’est un autre mécanisme qui s’enclenche. Les hommes qui traversent le syndrome de couvade reflètent avec exactitude les symptômes « bruts » de la grossesse.

Ce phénomène, qui intrigue encore la classe scientifique, n’est pas aussi simple à déchiffrer qu’un rhume qui s’attrape dans un nuage de bactéries. Toutefois, ces messieurs peuvent se rassurer, cette « grossesse contagieuse » trouve principalement sa source dans un bouleversement hormonal. L’ocytocine et la prolactine connaissent un pic chez les hommes. Ces hormones sont étroitement liées à la création d’un lien immuable entre les parents. Elles débloquent une empathie profonde chez les hommes. En clair, c’est comme s’ils étaient reliés par Bluetooth à leur femme.

Mais ce n’est pas tout. Contrairement aux impressions, le syndrome de couvade n’est pas une farce du cerveau ou une modeste illusion corporelle. D’après les spécialistes, la bascule se joue aussi au niveau psychique. D’ailleurs cette grossesse « jumelée » convoque les mêmes sensations qu’à l’adolescence, intense période de « découverte de soi ». Les pères traversent un nouveau voyage identitaire qui peut prendre l’allure d’une bataille intérieure.

« Il y a un conflit qui permet au futur papa et à la future maman de chercher à changer les choses dans leurs vies. (…) C’est un moment où les adultes prennent position par rapport à des événements qu’ils ont vécus, plus ou moins en tant que victimes, pour devenir acteurs de leur existence », explique Roberte Laporal, auteure du livre « La couvade ou le père bouleversé » à TF1

Les causes de cette grossesse nerveuse vécue au masculin

Même si le syndrome de couvade semble émaner d’une nouvelle fiction, il est bien sérieux. Au-delà de son côté comique, il renferme plusieurs messages cachés sur les émotions et les appréhensions du futur père. En manifestant des signes, parfois très troublants de la grossesse, son organisme parle à sa place. Bien loin d’être délirant, le syndrome de couvade n’est pas seulement un plagiat corporel, il est même riche de sens. Voici ce qu’il peut retranscrire :

  • Empathie et lien avec la partenaire. La grossesse est une période de bouleversements physiques et émotionnels pour la femme enceinte, et les pères peuvent ressentir le besoin de partager cette expérience avec elle. Leur désir de se rapprocher de leur partenaire et de la soutenir émotionnellement peut transparaître à travers des symptômes similaires. C’est une sorte de réciprocité « rassurante ».
  • Stress et anxiété. La grossesse peut susciter des craintes chez les futurs parents. Les pères peuvent ressentir une pression accrue en tant que fournisseurs et protecteurs de la famille. Les pères, régulièrement effacés de ces neuf mois de « pousse », compensent par mimétisme.
  • Rôle parental anticipé. La grossesse est un échauffement symbolique pour le rôle parental à venir. Les pères peuvent se projeter mentalement dans leur nouvelle responsabilité de père. Cela peut entraîner une sensibilisation accrue aux changements et aux symptômes liés à la grossesse. Ils peuvent ainsi ressentir des symptômes de grossesse par anticipation.

Comment identifier le syndrome de couvade ?

Le syndrome de couvade est plutôt facile à déceler. Même si certains signes sont plus visibles que d’autres, il agit par ricochet sur l’apparence et le comportement du père. Il devient une réplique conforme de sa femme, à quelques détails près. Il gagne en bedaine, pour imiter le ventre rond de sa compagne. Il a donc tendance à grignoter plus souvent et à surestimer son appétit. Il peut avoir des envies soudaines de fraise ou de chocolat. Des sursauts alimentaires ordinairement observés chez les femmes enceintes.

Le papa peut également endurer les parties moins joyeuses de la grossesse, comme les douleurs digestives, les maux de dos, les nausées et les troubles de l’humeur. En général, le syndrome de couvade est plus intense au premier et/ou au dernier trimestre de grossesse, deux phases décisives. Selon la spécialiste Roberte Laporal, cette expérience en réalité augmentée permet aux pères d’aller vers la douceur et d’accueillir bébé dans la paix. Toutefois, le syndrome de couvade est aussi susceptible d’être une démonstration « abstraite » d’un mal-être plus lointain ou d’une blessure non résolue.

Aussi inoffensif soit-il, le syndrome de couvade redore le lien énigmatique qui unit un père à son enfant. Ce clonage physique, qui s’apparente à un coup des forces occultes, prouve que le papa cherche aussi à prendre sa place. Plus qu’un assistant, il devient alors un double émotionnel.  

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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