À l’inverse du parent hélicoptère qui plane au-dessus de son enfant de façon presque intrusive, le parent méduse baigne dans une éducation flexible et relâchée. Comme ces invertébrés électriques, le parent méduse a une attitude plutôt flegmatique dans son approche avec l’enfant. Aux antipodes des modèles « classiques » qui revendiquent fermeté et respect, celui-ci est « sans règles », ni cadre précis.
Le parent méduse a d’ailleurs le « oui » facile. Ce type de parentalité aux accents anarchistes déchire les avis. Certain.e.s y voient une forme de souplesse éducative tandis que d’autres l’interprètent comme un laxisme radical. Alors que faut-il penser du parent méduse ? Éclairage sur ce courant parental qui fait des vagues.
Quelles sont les caractéristiques du parent méduse ?
Contrairement au parent tigre qui montre les crocs dès que l’enfant transgresse les règles, le parent méduse, lui, est assez évasif sur l’éducation. À la différence des autres types de parentalité, plus assidus et consistants, celui-ci se veut libre et élastique. Selon plusieurs sources dont un blog pour maman, le parent méduse serait né en réponse à la surcharge d’activités imposée aux enfants.
Un parent méduse estime ainsi que les enfants d’aujourd’hui sont surstimulés et poussés à la performance dès le plus jeune âge. Et il n’a pas totalement tort. Selon un rapport de 2018 réalisé par le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, 56 % des enfants de 3 à 10 ans pratiquent chaque semaine au moins une activité extrascolaire. Un déluge de hobbies dont les enfants se passeraient bien à coup de thermomètre sur le radiateur. Souvent ces activités sont un moyen détourné pour rattraper les envies manquées des parents. C’est donc plus un « transfert » de passion qu’autre chose.
Le parent méduse se refuse donc à l’idée de sculpter un emploi du temps de ministre à son enfant. Au lieu de courir entre les cours de judo, l’atelier peinture et la leçon de piano, le parent méduse assouvit les vraies envies de l’enfant, quitte à basculer dans le désordre. En résumé, il se soulève contre la dictature de « l’enfant prodige » et le culte de la compétition avec une éducation « sans limites ». Entre les lignes de The Guardian, l’auteure Emma Brockes étaye un portrait-robot du parent méduse « sans os, diaphane et infiniment flexible ».
Une autonomie prononcée le plus tôt possible
Aux antipodes du parent tondeuse qui surprotège l’enfant en rasant chaque obstacle sur son passage, le parent méduse pousse l’enfant à s’auto-suffire, à cultiver son libre arbitre. Pas question pour autant que l’enfant se convertisse en mini Robinson Crusoë. L’idée est d’habituer l’enfant à prendre des décisions, à affirmer ses choix et à se complaire dans sa propre compagnie. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le parent méduse ne se désinvestit pas de la relation, il entraîne l’enfant au contrôle de soi.
Une très grande écoute de l’enfant
Ce qui fait aussi la particularité de ce courant parental, c’est son écoute soignée envers l’enfant. Il redonne de la légitimité et du sens à sa parole. Qu’il s’agisse de plaintes, de caprices ou de petits bobos, le parent méduse nage dans l’empathie radicale. Qu’importe si l’enfant veut jouer à la console pendant des heures ou s’il souhaite s’enfiler tout le paquet de chips devant Oggy et les cafards, le parent méduse aura toujours l’accord au bout des lèvres.
« Les parents permissifs se précipitent souvent dans le sol, se comportant comme une sorte de martyr parental, afin de faire passer leurs enfants en premier et d’éviter toute discipline qui rend leurs enfants malheureux.ses ou en colère », explique Sarah Ockwell-Smith, experte en parentalité et auteur de « The Gentle Parenting Book » au média Fatherly
Si cet intérêt avisé aspire à muscler le bonheur de l’enfant et à modeler une certaine confiance, il peut aussi virer au chaos total. En faisant l’apologie du « oui », le parent méduse prend le risque de perdre cette fameuse autorité « parentale » et de se faire mener à la baguette par l’enfant. Certes, ce modèle se veut bienveillant et non-violent, mais parfois il frôle la négligence.
Pas de sanctions ni de confrontations
Exit les copies de lignes, les menaces au martinet et les corvées forcées, le parent méduse boycotte en effet les punitions et toutes les autres approches « sévères ». Pacifiste sur les bords, le parent méduse ne restreint jamais l’enfant. Ses instructions sont assez floues et laissent donc peu de place aux confrontations.
Les cris et les pleurs trouvent toujours gain de cause. Puisque l’enfant a tous les droits, les accrocs n’ont même pas lieu d’être, cela va de soi. Cette réaction passive, à la lisière de la paresse, est généralement le fruit d’un traumatisme hérité d’une enfance rude.
« Souvent, les parents méduses ont été élevé.e.s par des parents autoritaires stricts et sont déterminé.e.s à faire les choses différemment avec leurs enfants. Iels sont désireux.ses d’éviter de contrarier ou de blesser leurs enfants de quelque manière que ce soit », complète Sarah Ockwell-Smith
Ce modèle proche du « laisser-aller » est-il bénéfique ?
Accusé de laxisme et de débauche « organisée », le parent méduse est très controversé. Même si ce type de parentalité part avec de bonnes attentions, il peut se révéler nocif pour la construction de l’enfant. Les règles, imposées avec tact et raisons, rassurent l’enfant. En laissant l’enfant livré à lui/elle-même, le parent méduse ne fait que renforcer ce sentiment d’hostilité. Sans repères, l’enfant risque de grandir avec un stress latent et une peur démesurée de l’adversité.
En parallèle, ce schéma de « tous les possibles » détériore les liens sociaux de l’enfant. En buvant ce credo qui scande « amen à tout », les enfants des parents méduses seront régulièrement retranché.e.s dans leur frustration. Le « non », énoncé par le.a maître.sse ou les petit.e.s camarades sera vécu comme une insulte à l’égo. Selon les spécialistes de Psychology Today, les enfants des parents méduses réagiront avec plus d’amertume et de fureur. Les rapports avec les autres seront donc synonymes de rancœur démesurée.
« Si les enfants n’ont jamais eu à apprendre à gérer la frustration, la colère ou la déception, alors, à l’adolescence et à l’âge adulte, iels sont plus susceptibles de manquer de compétences en matière de régulation des émotions et de contrôle des impulsions », complète Sarah Ockwell-Smith.
Le parent « dauphin », un compromis plus sain
Pour que le parent méduse puisse s’épanouir dans les eaux troubles de la parentalité, il doit se réincarner en parent dauphin, une variante plus équilibrée. Modèle parental de référence selon les spécialistes, le parent dauphin concilie approche structurée et douceur d’esprit. Un savant mélange pour mieux jauger le côté « permissif » du parent méduse. Puisque même si ce type de parentalité « décomplexé » est à prendre avec des pincettes, il n’est pas totalement « médiocre ».
Il peut s’appliquer à certains domaines comme les activités extrascolaires. C’est d’ailleurs ce que revendique Emma Brockes, elle-même adhérente à cette parentalité. La journaliste britannique suggère d’appréhender ce modèle avec modération. Elle explique « on parle bien d’identifier les passions de nos enfants. Cependant, il s’agit aussi d’investissements précoces dans le capital humain ». Autrement dit, la meilleure formule réside dans l’équation lâcher-prise et discipline.
Le parent méduse vient s’ajouter à la longue liste des parentalités aux échos animaliers. Même si cette éducation vaporeuse reste discutable, elle émane aussi d’une volonté salutaire : lutter contre le burn-out des enfants. Selon de récentes statistiques, 13 % d’enfants et adolescent.e.s présentent au moins un trouble psychique en France.