Si vous êtes du genre à faire des blagues à table, à répondre aux questions existentielles de vos enfants avec une touche d’absurde ou à inventer des chansons farfelues en pleine séance de rangement, vous êtes peut-être en train de leur offrir un bien plus grand cadeau que vous ne l’imaginez. Et ce n’est pas nous qui le disons, mais une étude sérieuse publiée en juillet 2024 dans la revue PLOS ONE. Cette recherche explore une question que l’on se pose rarement : quel rôle joue l’humour dans la parentalité ? Et surprise : le style d’humour que vous utilisez à la maison pourrait bien en dire long sur votre manière d’éduquer, de soutenir et de connecter avec vos enfants.
Une étude qui ne manque pas d’esprit
Cette enquête inédite a été menée auprès de 1 500 adultes vivant avec au moins un enfant de moins de 18 ans. À travers un questionnaire, les chercheurs ont exploré la relation entre les différents types d’humour utilisés par les parents et leur style éducatif.
Le but n’était pas de juger qui est le plus drôle, ni de mesurer l’effet exact sur les enfants (même si on a tous entendu un « papa arrête tes blagues » qui en dit long), mais bien de comprendre les liens subtils entre humour, valeurs et parentalité. Car l’humour n’est pas qu’un petit plus sympathique du quotidien. C’est un outil puissant, un révélateur de posture éducative… et parfois un miroir de nos propres automatismes.
Rire, oui, mais comment ?
L’étude distingue plusieurs grands types d’humour, et vous vous reconnaîtrez peut-être dans l’un ou plusieurs d’entre eux :
- Humour affiliatif : celui qui crée du lien, qui fait rire ensemble, qui met tout le monde à l’aise.
- Humour autodérisoire : rire de soi avec légèreté, et montrer qu’on n’a pas peur de se tromper.
- Humour absurde : jouer avec le non-sens, faire des blagues loufoques, inventer des situations invraisemblables.
- Humour agressif : moqueries, sarcasmes, petites piques qui, sous couvert de drôlerie, peuvent blesser.
- Humour noir ou sarcastique : plus cynique, souvent incompris ou mal perçu par les enfants.
Le résultat ? Les parents adeptes d’un humour affiliatif ou autodérisoire adoptent souvent une parentalité bienveillante : plus à l’écoute, plus soucieuse des émotions de l’enfant, plus dans le dialogue. Ces types d’humour nourrissent la complicité, renforcent le lien et créent un climat émotionnel positif à la maison.
À l’inverse, les styles d’humour plus critiques – moqueur, sarcastique, voire agressif – sont davantage associés à une parentalité autoritaire ou distante. Moins de place pour l’écoute, plus de rigidité, et un humour qui peut parfois cacher un malaise ou une volonté de contrôle.
L’humour, reflet de vos valeurs éducatives
Ce que cette étude met en lumière, c’est que l’humour que vous utilisez avec vos enfants est rarement neutre. Ce n’est pas juste une blague pour détendre l’atmosphère ou un jeu de mots rigolo : c’est une façon de vous positionner dans la relation.
Utilisez-vous l’humour pour détendre les conflits, ou pour affirmer votre autorité ? Pour créer un terrain commun, ou pour imposer votre vision ? L’humour peut faire rire, oui – mais il peut aussi exclure, blesser, ridiculiser ou, au contraire, apaiser, valoriser, sécuriser. Et les enfants, eux, sentent tout cela. Même s’ils ne le formulent pas avec des mots, ils perçoivent parfaitement la charge émotionnelle et relationnelle derrière vos plaisanteries.
Un rire qui construit (ou déconstruit)
L’humour bienveillant n’a pas seulement pour vertu de rendre les dimanches après-midi plus légers. Il enseigne des compétences émotionnelles clés : la capacité à relativiser, à s’exprimer sans violence, à accueillir ses particularités avec douceur.
Faire preuve d’autodérision, par exemple, c’est montrer à votre enfant qu’on peut rire de soi sans se rabaisser. C’est lui apprendre à avoir confiance, même dans ses maladresses. C’est body positif, émotionnellement sain, et fondamentalement humain.
Et puis, soyons honnêtes : quoi de plus précieux que ces éclats de rire complices à l’heure du coucher, ces fous rires inattendus dans la voiture, ces petites phrases absurdes qui deviennent des private jokes de famille ? Ce sont ces moments-là, parfois plus que les discours ou les règles, qui tissent les souvenirs heureux et durables.
Un sujet à creuser
Cette étude ouvre la voie à des recherches passionnantes. Elle rappelle aussi que l’humour n’est pas un luxe dans la parentalité, mais un langage éducatif à part entière. Les chercheurs appellent ainsi désormais à inclure davantage les enfants dans les futures études, pour comprendre comment ils vivent ces différentes formes d’humour.
Vous l’aurez compris, être drôle, c’est une vraie compétence parentale. Pas besoin de faire du stand-up à chaque repas, ni d’être une génie du calembour. Savoir rire avec ses enfants, plutôt que d’eux ; savoir désamorcer un conflit par l’humour sans blesser ; savoir transformer une tension en jeu… c’est une forme d’intelligence relationnelle dont vos enfants vous remercieront, plus tard, d’avoir été les témoins – et les complices.