Les cancers, notamment celui du sein, pourraient tuer 5,5 millions de femmes en 2030 contre 3,5 millions en 2012. Un scénario tragique qui pourrait être évité. Pour qu’elles gardent la vie sauve et qu’elles aient des chances de s’en sortir, nul besoin de technologies avancées ou d’intelligence artificielle. Ce qu’il faut, avant tout, c’est une approche médicale plus « féministe ». C’est ce que soulève l’étude édifiante de The Lancet. Face au cancer, femmes et hommes ne sont pas égaux. À cause de ce système de santé qui favorise un genre plus qu’un autre, les patientes finissent par se faire emporter par la maladie, faute de soins de qualité ou de diagnostic précoce.
Des biais sexistes qui contaminent (aussi) le système médical
Le sexisme peut s’avérer fatal pour les femmes et leur coûter la vie. Du moins, c’est ce que tente de démontrer une étude publiée dans les colonnes de la revue scientifique The Lancet. Richement documentée, elle condense les travaux de spécialistes de 185 pays et fait appel à des experts en épidémiologie, oncologie, prévention, études de genres, droits humains, économie… Et le bilan ne présage rien de bon pour la gent féminine.
Le cancer est l’une des trois causes les plus fréquentes de décès chez les femmes, après les maladies cardiovasculaires. Pourtant, ça pourrait être différent et moins tragique si le système médical n’avait pas le sexisme en cathéter. Comme le souligne cette étude d’utilité publique, 800 000 vies pourraient être épargnées. Mais pour y arriver, il faudrait que le milieu médical subisse quelques transformations et arrête de faire du favoritisme.
Les scientifiques sont clairs, le patriarcat « infuse les soins, la recherche et l’élaboration des politiques en matière de cancer ». Il attaque le système de santé jusqu’à la moelle. Les inégalités, présentes dans la société, se déportent derrière les murs des hôpitaux et ont des « effets négatifs » sur la manière dont les femmes sont prises en charge. Dépistages tardifs, soins bâclés ou pas optimisés… autant de manquements qui conduisent les femmes au tombeau.
Les femmes, trop souvent réduites à leur appareil génital
Autre ombre au tableau : la prévention se focalise presque uniquement sur les cancers dits « féminins ». Les campagnes s’attardent presque toujours sur les cancers qui se nichent dans l’intimité ou autour du sein de ces mesdames comme si les autres parties de leur corps étaient sans danger. Certes, ce sont les cancers les plus répandus chez les femmes, mais il y a aussi d’autres zones à risques. En témoigne le combat éprouvant de la princesse de Galles, Kate Middleton, contre le cancer colorectal.
Mais la santé reproductive des femmes monopolise toute l’attention dans le discours médical. Une vision assez réductrice, voire totalement dégradante de la femme, inlassablement renvoyée à son rôle de mère ou de génitrice. Ce qui compte ce n’est pas tant de la guérir, mais de préserver sa fertilité et sa fonction nourricière. Du moins, c’est le message qui se lit en toile de fond.
« À l’échelle mondiale, la santé des femmes est souvent axée sur la santé reproductive et maternelle, conformément à des définitions antiféministes de la valeur et du rôle des femmes dans la société, alors que le cancer reste totalement sous-représenté », s’inquiète Ophira Ginsburg, coprésidente de la commission.
Peu de femmes leaders donc peu de moyens déployer pour leur santé
Dans le monde, seules 17 femmes sont à la tête du pouvoir sur 151 chefs d’État élus. Dans le domaine médical, les femmes sont aussi rares à prendre des décisions. Ce sont les petites mains qui assurent les soins, pas les « donneuses d’ordre ». En France, 3 femmes sur 47 sont doyennes de facultés de médecine et 3 femmes sur 11 sont cheffes de pôle à l’hôpital.
Comme le pointe l’étude, avec un nombre si faible de femmes leaders, la prise en charge reste au point mort et la santé des femmes reste un « non-sujet ». Chercheuses, doctoresses, oncologues féminines… elles sont les mieux placées pour faire bouger les lignes et améliorer l’expérience des femmes qui font face au cancer. D’où l’urgence de leur laisser investir des postes à responsabilités.
« Que les soins aient été pensés pour et par les hommes pendant des décennies en médecine n’est malheureusement pas une nouveauté, et cette inégalité n’est pas propre aux cancers », souligne le Dr Gérald Kierzek, directeur médical de Doctissimo
Pour que le cancer ne marque pas l’ultime chapitre de la vie d’une femme, mais n’en soit qu’un épisode douloureux, The Lancet prescrit des changements de fond dans l’enceinte médicale. Elle conseille surtout de tendre vers une approche « féministe » et de prendre en compte les spécificités de chaque genre.