En ce mois imprégné d’une couleur rose symbolique, la sensibilisation au cancer du sein est à son apogée. Cancer classé parmi les plus fréquents chez la femme, il emporte avec lui une partie de féminité. Cette bête noire qui se niche dans la poitrine peut cependant prendre plusieurs formes. Et le triple négatif est particulièrement redouté. Virulent et difficile à détecter, il jette surtout son dévolu sur les femmes de moins de 40 ans, non-ménopausées. Son arrivée précoce complique le diagnostic. En effet, la mammographie n’est obligatoire qu’à partir de 50 ans, les jeunes femmes doivent donc redoubler de vigilance. Éclairage.
Le triple négatif, un cancer plus fréquent chez les jeunes femmes
Sous l’égide d’Octobre Rose, les cancers du sein se mettent à nu pour encourager les femmes à l’auto-palpation et au dépistage. Cette campagne de sensibilisation à portée mondiale permet d’ausculter ce fléau perpétuel dans les moindres détails. C’est un rendez-vous immanquable pour glaner de précieuses informations qui peut parfois nous sauver des eaux tortueuses de la maladie.
Pourtant, malgré ces rappels d’utilité publique, moins de 50 % des femmes entre 50 et 74 ans ont effectué une mammographie sur la période 2020-2021 selon Santé Publique France. Le chiffre est en baisse par rapport aux années précédentes. Et chez les femmes de moins de 40 ans, c’est une zone blanche. Si dans 80 % des cas, le cancer du sein se développe chez les femmes séniores, les jeunes ne sont pas épargnées.
Le triple négatif en témoigne. Ce type de cancer, qui porte la menace jusque dans son appellation, touche principalement les femmes de moins de 40 ans, d’origine asiatique ou africaine. Il représente environ 15 % des cancers du sein. Privées de dépistage systématique, les jeunes femmes partent avec un handicap supplémentaire. Un vrai problème puisque lorsque le triple négatif s’installe sur la durée, il se déporte sur tout le corps et devient difficile à traiter.
Pourquoi le triple négatif est-il plus à craindre ?
Le triple négatif est l’un des cancers les plus rugissants. Il est singulier, car il se matérialise par l’absence de trois marqueurs spécifiques sur les cellules tumorales. À savoir les récepteurs aux oestrogènes, à la progestérone et au facteur de croissance épidermique humain.
Ce qu’il faut retenir de ce jargon médical c’est que le triple négatif est une sous-catégorie de cancer au profil clinique redoutable. Il est plus sujet aux métastases et se révèle très résistant aux traitements habituels tels que la chimiothérapie. Après l’administration d’un premier traitement spécifique, les récidives se déploient dans les 3 à 5 années suivantes. Preuve d’une puissance démesurée.
Existe-t-il des causes aggravantes ?
De manière générale, il n’existe pas un facteur de risques, mais plusieurs. Dans 15 % des cas, le triple négatif est héréditaire. Il résulte en grande partie d’une mutation des gènes BRCA1 ou BRCA2, qui agissent alors de façon très préjudiciable sur les ovaires ou les seins.
En 2013, Angelina Jolie avouait avoir subi une double mastectomie, car elle était justement porteuse de cette particularité génétique qui peut parfois s’avérer fatale. Lésions, antécédents d’irradiation thoracique, puberté précoce, mode de vie excessif… d’autres risques communs à la plupart des cancers du sein entrent aussi en jeu.
Le dépistage précoce, une question de survie ?
D’après une étude américaine menée par l’hôpital de Seattle, les cas de cancer du sein avancé augmentent de plus de 2 % par an chez les 25-39 ans. Une pente inclinée d’autant plus dangereuse puisque cette tranche d’âge ne bénéficie pas de la même attention que les séniors.
Prise en charge chaotique, désintérêt médical, minimisation du problème… sans dépistage immédiat, la maladie prend ses aises et cette entrevue manquée retarde doucement les chances de guérison. Or, pour le triple négatif, chaque minute compte.
Sa propagation est si rapide, qu’il ne laisse aucun temps mort à l’organisme. D’où l’urgence de le déceler le plus tôt possible. Si 60 % des femmes diagnostiquées à un stade précoce s’en tirent presque indemnes, dès que les métastases élisent domicile, la survie ne dépasse pas les 14 mois.
Que ce soit une douleur minime, une grosseur ou une gêne, dès que les seins présentent une anomalie, la consultation est un passage obligé. D’autant que le triple négatif ne se confirme que par l’intermédiaire d’une biopsie.
Les traitements médicaux, sur la voie du progrès
Les traitements classiques à l’instar de la radiothérapie, de la chirurgie et de la chimiothérapie ont rarement porté leur fruit sur le triple négatif, un monstre inépuisable. Mais grâce aux avancées scientifiques, cet adversaire intérieur jusqu’alors insaisissable devient plus docile.
En ce sens, depuis novembre 2021, une thérapie prometteuse du nom de Trodelvy est disponible sur le sol français. Ce traitement qui combine anticorps et chimiothérapie s’adresse aux femmes atteintes d’un cancer du sein triple négatif, métastasées et classées en « échec thérapeutique ». C’est une lumière au bout du tunnel.
Dans la même veine, d’autres traitements innovants voient le jour. Il y a par exemple eu l’essai clinique Mondrian de l’Institut Curie pour calculer quasiment à l’instant T si un cancer triple négatif est éligible ou non à la chimiothérapie. Et les spécialistes sont confiant.e.s. « Je suis aujourd’hui convaincue que cette nouvelle classe de médicament changera véritablement la donne dans les années à venir”, déclarait en 2022 la Dr Delphine Loirat, oncologue médicale à l’Institut Curie.
Chaque année le cancer du sein frappe 60 000 femmes de tous âges. La prévention s’organise aussi sur les réseaux sociaux. Des guerrières comme Lili Sohn ou Ericka Hart exposent leur combat avec cet ennemi de l’ombre pour réveiller le grand public. Une libération numérique qui parle forcément à la génération Y.