Cancer du sein : grâce au tatouage ces femmes renouent avec leur corps

Après un parcours médical, long et tortueux, les femmes rescapées d’un cancer du sein doivent apprendre à se réapproprier un corps transformé, ponctué de cicatrices. Sur le fil de la reconstruction personnelle, le tatouage post-cancer du sein s’esquisse comme un outil thérapeutique à part entière. Qu’il s’agisse d’une reproduction 3D d’un mamelon ou de dessins symboliques appréhendés tels des ornementations, cet art de l’aiguille fait couler l’encre de l’estime de soi. Cette approche artistique plébiscitée par celles qui ont expérimenté la mastectomie permet de tirer un trait final sur la maladie en toute beauté. Focus. 

L’art du tatouage au service de l’amour de soi

Chaque année en France, 54 000 femmes se font diagnostiquer un cancer du sein. Lorsque le verdict retentit, traitements et opérations s’enchaînent laissant sur leur passage des cicatrices plus ou moins visibles. Selon la Ligue contre le cancer, 20 000 femmes subissent une mastectomie à la suite d’un cancer du sein. Pour beaucoup, l’ablation du sein, complétée ou non par une reconstruction d’ordre chirurgicale, sonne le glas de la féminité.

Tempête physique et psychologique, cette « amputation » balaye avec elle l’amour propre, pourtant si précieux. Cette perte, d’abord perçue avec fatalité, retrouve un écho positif derrière le joyeux tracé des tatouages post-cancer du sein. Pour ces femmes qui doivent composer avec un buste métamorphosé, la tattoo mania est bien plus qu’un loisir récréatif, c’est un acte symbolique. Faire le choix du tatouage, c’est signer la fin de cette lutte acharnée avec la maladie.

Si, en septembre 2022, l’Institut Paoli-Calmettes de Marseille donnait l’espoir d’une opération sans traces corporelles grâce à une chirurgie assistée par robot, le tatouage post-cancer du sein, lui, s’est forgé une place de prestige dans cette réconciliation avec soi. Creux, bosses, asymétries, cicatrices et autant d’autres « disgrâces » retrouvent une certaine harmonie derrière l’art du tatouage. Le corps devient une toile vibrante et radieuse, en plein renouveau.

Ces gravures à même la peau sont porteuses d’espoir. Et pour démocratiser ces tatouages réparateurs, les initiatives fleurissent dans le paysage d’Octobre Rose. Depuis 2016 par exemple, l’événement Rose Tattoo initié par l’association Soeurs d’Encre offre aux femmes en post-traitement des tatouages artistiques et salvateurs. En 2019, cette association portée à l’unisson par des professionnelles du tatouage sur cicatrices a été reconnue comme soin oncologique de support. Mais pour l’heure, cet affranchissement par le tatouage n’est pas remboursé.

Le tatouage en trompe l’oeil pour recréer le mamelon

Au total, 1 femme sur 7 prend le parti de la reconstruction post-mastectomie. Dans une démarche médicale cette fois, le tatouage dit « dermopigmentation réparatrice » est la dernière étape d’une chirurgie de reconstruction. Ce tatouage de l’aréole est en quelque sorte le « clou du spectacle » puisqu’il permet de recréer quasi à l’identique l’apparence du téton.

Mais malgré toute la minutie du geste, cette renaissance du téton par décalcomanie perd de son éclat initial au bout de quelques années. Pour éviter l’effet « défraîchi » et garder ce « faux » téton intact au gré du temps, le tatouage « 3D » est une valeur sûre. Cette technique importée des États-Unis donne l’illusion du réel en jouant seulement sur le relief et les ombres.

Ridules, taches de rousseur, tubercules de Montgomery, grain de beauté… tous les détails entrent en compte. Le but ? Rendre l’exploration de ce nouveau corps moins brutal et faire en sorte que cette poitrine reconstituée sonne familière. Pour de nombreuses femmes, c’est un petit miracle qui permet de retrouver une dignité devant le miroir.

 

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Le tatouage décoratif pour masquer les cicatrices

Des fleurs en éclosion, un phoenix ou encore une colombe en plein envol… ces motifs décoratifs aux accents libérateurs ont le pouvoir d’animer des corps meurtris par la maladie. Un.e Français.e sur cinq est tatoué. Pour beaucoup, cette inscription indélébile est une réponse à un événement marquant.

Après un cancer du sein, le tatouage permet de repartir de zéro, de prendre un nouveau départ. C’est une manière artistique de gommer les sombres stigmates du passé et de réapprivoiser ce buste sous des contours plus radieux.

« Le tatouage sur cicatrices afin de sublimer les peaux accidentées est parfois le premier travail de bienveillance de la femme envers son corps et son histoire », déclarait Alexia Cassar, tatoueuse à l’orgine de The Tétons Tattoo Shop

Décliné sur une cicatrice de mastectomie, autour des prothèses de reconstruction, sur le dos ou le ventre dans le cadre des reconstructions par lambeau, le tatouage procure l’envie de bomber le torse et de s’affirmer. Réalisé dans les règles de l’art, il faut cependant attendre deux ans après la dernière intervention avant de passer sous l’aiguille.

Cancer du sein et tatouage, une équation sans danger ?

Avant de faire couler l’encre de l’optimisme, un accord médical est nécessaire. Malgré l’effet bénéfique du tatouage sur le mental et l’estime de soi, les substances utilisées soulèvent quelques questions. Selon une enquête de l’UFC Que Choisir datant de février 2021, 75 % des encres de tatouage contiennent des « produits cancérigènes, neurotoxiques ou hautement allergisants ».

Pour éviter les risques, l’Union européenne a interdit 25 pigments douteux. À l’inverse, les encres vegans, dépourvues de métaux lourds, commencent doucement à s’imposer dans les salons de tatouage. Celles qui souhaitent s’initier à cette œuvre éternelle pour faire la paix avec leur corps peuvent se tourner vers des sites spécialisés. L’association Soeur d’Encre place la santé de ces femmes en première ligne. Elle travaille main dans la main avec des spécialistes allant des oncologues aux chirurgien.ne.s. Le but : que le tatouage ne mette pas en péril les efforts de guérison. Elle utilise également de l’encre avec la norme NF.

En Gironde, le tatouage réparateur post-cancer est pris en charge par la CPAM depuis septembre 2021. Sachant qu’un tatouage coûte entre 300 € et 1000 €, en fonction de la taille, c’est un cadeau appréciable. Cet art poétique fait des merveilles au sens propre comme figuré.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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