Après une soirée du Nouvel An bien arrosée, à conjuguer cocktails, shots et fines bulles, le mois de janvier démarre avec cette ferme volonté de raccrocher l’alcool, au moins pour 31 jours. Ce sevrage « imposé » prend d’ailleurs la forme d’un challenge répondant au nom de : Dry January.
Ce défi, loin des excès, questionne nos rapports, parfois tortueux avec l’alcool. Mais au-delà de son côté salvateur, le Dry January peut aussi avoir cet arrière-goût d’obsession corporelle. En abandonnant la levée de coude, les kilos ont tendance à dégringoler sur la balance. La promesse du « zéro alcool » ne tarde donc pas à muter en course à la minceur, parfois poussée jusqu’à l’ivresse. Alors, pour participer au Dry January sans dévier vers la culture de la diète, voici quelques petits tips à diluer au quotidien.
Le Dry January, qu’est-ce que c’est ?
Exit la petite mousse entre collègues lors de l’afterwork, les grosses cuites estudiantines et le verre de rouge à chaque repas, ce mois de janvier c’est tournée d’eau plate (ou virgin mojito) pour tout le monde. Du moins, c’est le pari que tient le Dry January, un défi annuel aux accents préventifs.
Née sur le sol britannique en 2013 sous l’impulsion de l’ONG Alcohol Change UK, cette campagne de santé « ludique » invite à faire un break avec l’alcool, drogue douce déguisée. Selon l’association, cette expérience permet entre autres de faire le point sur notre consommation d’alcool et ainsi évaluer notre degré de dépendance.
En France, royaume des bons vivants, il aura fallu attendre 2020 pour que le Dry January se fasse une place dans le paysage de janvier. C’était pourtant une nécessité. Selon un rapport de Santé Publique France, un.e Français.e sur quatre boirait trop d’alcool. Cependant, même si le Dry January fédère des milliers de personnes chaque année sur fond de « bonne volonté », beaucoup ne retiennent que l’opportunité « diététique » du défi. Un message qui a de quoi monter à la tête (un peu comme un shot de vodka pure).
Dry January et culture de la diète : quel lien ?
Le Dry January, aussi bénéfique soit-il, peut virer à la chasse pathologique des kilos. Pour cause, selon une enquête réalisée par un professeur de l’université de Sussex, 54 % des participant.e.s au Dry January se sont délesté.e.s de deux ou trois kilos.
L’argument « détox » de ce challenge est certes, plutôt positif, surtout après les orgies du mois de décembre. Cependant, il n’est pas rare qu’il échappe au cadre du « raisonnable ». C’est là toute la subtilité. Certain.e.s participant.e.s, au lieu de remettre en cause leur amour de la bouteille, questionnent surtout les calories astronomiques de ces breuvages fiévreux.
L’incontournable Pina Colada est en fait un concentré de 176 calories tandis que le Cosmopolitan atteint presque le même niveau que le fondant au chocolat. Ça coule de source. Ce mois de janvier « à sec », mal interprété ou détourné de sa principale conviction, invite surtout à refuser l’alcool au nom des « courbes ».
Le langage qui auréole le Dry January pose lui aussi problème puisqu’il se cantonne principalement aux termes « nettoyer », « détoxifier » et « réinitialiser ». Un registre plutôt réducteur qui sent la culture de la diète à plein nez. La sobriété est, en effet, un excellent « bonus vitalité ». Mais dès qu’elle baigne dans l’apologie du « toujours mieux » ou du « corps parfait », elle devient dangereuse.
« Cette belle chose qui permet aux gens de réexaminer leur relation avec une drogue peut devenir une marchandise. C’est le cas lorsqu’elle s’immisce dans un système culturel qui nous pousse à croire que notre valeur n’est définie qu’en atteignant des idéaux impossibles », souligne Holly Whitaker, autrice du livre « How to quit like a woman »
Comment faire le Dry January sans perdre de vue son réel intérêt ?
Comme le rappelait Danielle Houliston, directrice de la collecte de fonds et de l’engagement chez Alcohol Change UK au média Glamour UK, le Dry January permet de reprendre « le contrôle sur sa consommation d’alcool ». Le but n’est donc pas de devenir une meilleure version de soi-même, mais de réexaminer cette relation, souvent tumultueuse avec l’alcool.
Que ce soit ce verre, accepté simplement pour éviter de paraître « rabajois » ou cette cuite quasi obligée des soirées d’intégration, l’alcool est surtout « social ». Le Dry January est donc un excellent « test » de résistance à la « tise », pas un régime pour s’affiner ou s’embellir. Pour aborder cette initiative salutaire avec plus d’objectivité, voici trois règles à garder en ligne de mire.
1 – Estimer ses intentions
Le Dry January, sans cesse passé à la moulinette « bien-être », a tendance à nous faire oublier pourquoi nous prenons part à ce challenge. Est-ce pour retrouver une peau de pêche ? Pour avoir un meilleur sommeil ou des relations sexuelles plus intenses ? Les articles de presse distillent ça et là de gros titres aux arômes « healthy » qui floutent inconsciemment notre perception du Dry January.
En laissant cette propagande sous cloche, le champ de vision s’élargit. Cette rupture avec l’alcool est bien plus symbolique qu’une vulgaire opportunité « minceur ». C’est d’ailleurs un combat très confidentiel qui se vit à la première personne du singulier. Chacun.e a un vécu avec l’alcool. Qu’il s’agisse d’un refuge, d’un défouloir ou d’un désinhibiteur, l’alcool glisse dans la gorge avec son lot de traumas. Le Dry January est donc un travail d’introspection avant tout.
2 – Traiter boissons et nourritures séparément
Une réussite en appelle à une autre. Lorsqu’on tient le défi du « zéro alcool » pendant un mois et que l’on note des changements physiques, on peut vite tomber dans une sorte d’engrenage.
La sobriété a été tellement porteuse dans le verre qu’elle s’étire vite à l’assiette, à tort, puisque nourritures et boissons sont deux entités complètement différentes. Le sevrage ne s’applique pas à ce qui est de l’ordre « vital ». D’où l’importance de traiter le Dry January « à part ».
3 – Laisser loin le sentiment de frustration
Le Dry January, régulièrement agité dans le sens de « l’accomplissement corporel », peut créer une sorte de frustration. À trop vanter le Dry January comme une véritable « sublimation », on se fait à l’idée qu’il va nous transformer. Sauf que ce n’est pas toujours visible. Certes, selon une étude, trois personnes sur cinq maigrissent durant le Dry January. Mais cette donnée est assez aléatoire, surtout si les Margaritas sont remplacées par des cocktails sans alcool, tout aussi riches.
Marteler cette idée que le corps va forcément renaître avec le Dry January donne beaucoup d’espoir. Mais à chaque personne son postulat. D’ailleurs, lorsqu’on élimine un « élément plaisir » de notre quotidien, on a plutôt tendance à compenser avec d’autres gourmandises. Ce n’est donc pas dramatique si le poids reste au point mort malgré un mois de sobriété.
Presque rien ne semble échapper au poison de la diète, pas même les belles causes. Cependant, le Dry January compte bien surpasser les discours stigmatisants en sortant l’ingrédient pédagogique. Notons que chaque année, 10 % des Français.es participent à ce challenge.