Selon une étude du Spire Bristol Hospital menée sur un échantillon de 2000 personnes, l’âge moyen auquel les individus commencent à réellement se soucier de leur santé serait de 36 ans. Mais pourquoi cet âge précis ? Quelles sont les raisons qui poussent à cette prise de conscience ? L’analyse de Frédéric Pierru, sociologue de la santé, apporte un éclairage précieux sur ce phénomène.
La fin de la « jeunesse insouciante »
À 36 ans, beaucoup d’individus sortent progressivement de ce que l’on pourrait appeler la période de « jeunesse insouciante ». Cet âge marque souvent le début d’une prise de conscience de la vulnérabilité du corps et des risques pour la santé. Les marqueurs biologiques tels que l’hypertension, le cholestérol ou encore un début de diabète deviennent plus fréquents, entraînant un état de santé perçu comme moins optimal.
Cette perception peut être déclenchée par divers événements marquants, comme le décès d’un proche ou des avertissements de la part de professionnels de santé. Même des éléments plus quotidiens, comme une photo peu flatteuse ou une sensation de fatigue accrue, peuvent suffire à rappeler que la santé n’est pas éternelle.
Une prise de conscience, mais pas toujours une action
L’étude révèle également un paradoxe : bien que la prise de conscience de l’importance de la santé soit évidente pour de nombreuses personnes à cet âge, elle ne se traduit pas toujours par des changements concrets dans les modes de vie. Seulement 51% des répondants se déclarent enclins à prendre des mesures préventives, et moins de 40% pensent que se soucier de leur santé à long terme devrait primer sur une philosophie de vie centrée sur le carpe diem.
Cela soulève une question cruciale pour les politiques de santé publique : informer les individus sur l’importance de prendre soin de leur santé ne suffit pas à modifier leurs comportements. Il existe un décalage entre la connaissance des risques et la mise en place d’actions préventives.
Les défis des politiques de santé publique
Les résultats de cette étude remettent en question certaines hypothèses fondamentales des politiques de santé publique. L’idée selon laquelle il suffirait d’informer les individus pour qu’ils deviennent des « acteurs de leur santé » semble simpliste. La relation entre santé objective (mesurée par des indicateurs biologiques), santé perçue (le ressenti des individus) et comportements reste complexe et non linéaire.
De nombreux facteurs, comme le stress, les contraintes professionnelles ou l’environnement social, influencent les décisions individuelles en matière de santé. Ainsi, même face à des alertes médicales ou des marqueurs biologiques inquiétants, les individus peuvent privilégier des comportements immédiats de plaisir ou de confort, plutôt que des actions à long terme pour préserver leur santé.
Pourquoi 36 ans est un tournant
À 36 ans, plusieurs facteurs convergent pour faire de cet âge une étape charnière :
- Le changement des priorités de vie : avec la maturité, les responsabilités familiales ou professionnelles peuvent pousser à réfléchir davantage aux impacts de ses choix de vie.
- Les signaux biologiques : fatigue accrue, prise de poids, ou autres signaux du corps qui rappellent que les excès ou le manque de soin commencent à se faire sentir.
- La confrontation avec la mortalité : le décès d’un proche ou des problèmes de santé dans l’entourage immédiat rappellent que nul n’est immortel.
Les résultats de cette étude mettent en évidence la nécessité pour les politiques de santé publique d’adopter une approche plus nuancée. Il ne s’agit pas seulement de fournir des informations, mais aussi de comprendre les blocages psychologiques et sociaux qui empêchent les individus de changer leur mode de vie. Une prévention plus personnalisée et axée sur les besoins réels des individus pourrait permettre de mieux accompagner cette prise de conscience qui, pour beaucoup, survient à partir de 36 ans.