« J’ai l’impression que rien ne me va, d’étouffer dans mes fringues », « je trouve que mes cuisses sont trop grosses par rapport à mon corps », « j’ai un nez très gros, on ne voit que ça »… Voici à quoi peut ressembler la dysmorphophobie, aussi appelée trouble dysmorphique du corps (TDC) ou encore Body Dysmorphic Disorder (BDD). Des obsessions auxquelles font face, quotidiennement, certaines personnes et qui engendrent le dégoût de leur corps, de leur personne, voire les poussent vers le suicide. On vous parle de ce mal-être méconnu.
La dysmorphophobie, c’est quoi ?
Ce trouble encore peu connu qui touche 2 % de la population, se traduit par une phobie de quelque chose qui ne va pas avec son corps, une peur d’avoir des défauts physiques, au visage, comme au corps. C’est un type de pathologie mentale qui touche la perception de soi et qui appartient à la famille des troubles obsessionnels du comportement.
Ces personnes pensent alors obsessionnellement à leurs « déformations physiques » – parfois imaginaires – et finissent par avoir honte de leur corps et en sont dégoûté.e.s. Certain.e.s tombent même dans un profond mal-être et sombrent dans la solitude.
« Étymologiquement, la dysmorphophobie est la phobie d’avoir une déformation physique. C’est un trouble psychique caractérisé par un ensemble de préoccupations dévorantes, obsédantes et outrancières d’une partie du corps ou du visage devenue objet de honte et de culpabilité. Elle est source de mal-être profond », explique Clémence Viau, psychologue clinicienne à Auféminin
Quand apparaît ce trouble et chez qui ?
Selon des études anglo-saxones ce trouble, encore sous-évalué, toucherait 1.7 % à 2.4 % de la population et concernerait 61 % de femmes et 39 % d’hommes.
De manière générale, ce mal-être corporel peut se manifester à l’adolescence, période durant laquelle le corps subit des changements hormonaux que les adolescent.e.s peuvent complètement rejeter. Il est très important d’accompagner son enfant dans son adolescence. Lui apprendre à aimer et à apprécier son corps.
« Les ados peuvent développer une attention excessive portée sur un des changements, et ça engendre beaucoup de souffrance », alerte en ce sens la spécialiste Ondine Khayat à Cosmopolitan
Chez les femmes, la dysmorphophobie, ou trouble dysmorphique du corps (TDC), peut se manifester notamment après la grossesse ou la ménopause. Ce trouble survient en effet à des périodes de remaniements corporels.
Un trouble amplifié par les réseaux sociaux
Matraqué.e.s au quotidien par des photos de corps visiblement parfaits, sans cellulite, sans bourrelet, ni imperfection, les adolescent.e.s ne s’acceptent plus. Iels ont une mauvaise perception d’eux.lles-mêmes. Les jeunes se comparent continuellement à « ces corps parfaits » et développent de nombreux complexes.
Certain.e.s vont même jusqu’à passer au bistouri, bien que cela ne résout pas le problème, comme l’explique le psychiatre Xavier Pommereau :
« En général, ça ne sert à rien et les ados déçu.e.s vont vite se reporter sur une autre partie du corps. Comme cette jeune fille dysmorphophobique de 18 ans à qui sa famille avait payé deux opérations pour se faire redessiner les seins et qui, une fois opérée, était obsédée par l’idée de se faire rectifier le ventre »
Suis-je, ou mon enfant est-iel, atteint.e de dysmorphophobie ?
Comment faire la différence entre une obsession dite « normale » et les signes avant-coureurs d’un trouble dysmorphophobique ? L’expert Xavier Pommereau conseille – pour les parents d’enfants – de poser des questions et d’observer leurs comportements. Est-ce qu’iel n’est obsédé.e que par un seul défaut ? Est-ce que le défaut en question a quelque chose à voir avec la réalité ? Y a-t-il d’autres signes, notamment des troubles alimentaires ?
Les travaux de Katharine Phillips, psychiatre et spécialiste du sujet aux États-Unis, montrent que cette phobie engendre de nombreux problèmes. Des difficultés à suivre des études, à trouver du travail… cela entraine également des hospitalisation dans des services psychiatriques, de sévères dépressions et des tentatives de suicide.
Ainsi, il est très important d’être à l’écoute de son enfant et de soi-même et d’observer les changements de comportements, comme l’explique Clémence Viau, psychologue clinicienne :
- La pensée : « la partie du corps méprisée devient l’objet d’une hyperfocalisation, les préoccupations sont démesurées voire délirantes. »
- Les émotions : « la personne éprouve de l’anxiété, un sentiment de honte et de culpabilité, la confiance en soi est abîmée. »
- Les comportements : « la personne sur-investit son corps en passant des heures à se sonder devant le miroir. Ou à l’inverse, met en place des stratégies d’évitement pour fuir son reflet. Fuir certaines situations sociales pouvant conduire à l’isolement et parfois même au suicide. »
En outre, il existe des examens cliniques pour établir un diagnostic de dysmorphophobie.
Comment y faire face & aider son entourage ?
Irrationnelle, obsédante et handicapante, la dysmorphophobie peut avoir des conséquences désastreuses. Rassurer les personnes est vain, car le soulagement n’est que temporaire et le problème est bien plus profond. Il faut généralement consulter un.e professionnel.le afin de se défaire réellement des pensées négatives.
Les thérapies comportementales et cognitives peuvent aussi être une solution. Elles consistent, notamment, à exposer le.a patient.e à ses complexes et à déconstruire les chemins de pensées erronées. Car prendre conscience du trouble c’est le début de la guérison.