Ménopause : un tabou suprême enfin levé ?

La ménopause, point final des menstruations, résonne presque comme un gros mot. Plus de 50 % des femmes taisent même cette phase importante de leur vie intime à leur partenaire. Si les règles ne font plus rougir personne, la ménopause, elle, reste confinée dans les tabous. Ce séisme physiologique qui gagne le corps des femmes à l’orée de la cinquantaine est le mal-aimé de la société, et ce depuis longtemps.

Ce qui se passe dans la culotte des femmes doit rester dans la culotte des femmes. Mais depuis le mouvement #Metoo, la honte de la ménopause s’envole, glanant quelques bouffées de chaleur aux plus réacs. 

La ménopause, victime de théories loufoques et misogynes

« La ménopause, c’est une perte graduelle de la grâce féminine”, voilà comment les médecins biologistes du siècle des Lumières qualifiaient cet arrêt naturel des règles. À l’époque, c’était presque une attraction scientifique, une curiosité absolue. Avant le XVIIIe siècle, l’espérance de vie dépassait rarement les 40 ans, la ménopause n’avait donc pas lieu d’être.

Mais au moment de la découverte, les spécialistes s’en sont donné à coeur joie côté stigmatisation et diagnostics complètement absurdes. De véritables complotistes du patriarcat. C’est ce qu’explique brillamment Cécile Charlap, chercheuse en sociologie dans son essai « La Fabrique de la ménopause« .

La ménopause est réduite à un « âge critique », comme si elle signait le terme d’une date de péremption. Fièvre, ulcères, furoncles, hémorroïdes, épilepsie, paralysie… un registre peu ragoûtant savamment choisi par les biologistes pour décrire les symptômes de la ménopause. Et le champ lexical du « sensationnel » ne s’arrête pas là. Selon eux, les femmes libérées de leurs menstrues ont « une peau jaune ou foncée, rude au toucher ».

Les femmes ménopausées traitées de folles

Quand la psychiatrie se joint à la partie, c’est le bouquet final. Les femmes ménopausées sont alors à la frontière de l’hystérie, en proie à des hallucinations, aux crises érotiques et aux bouffées délirantes. Rien que ça.

Les hommes se sont gentiment octroyés le droit de refaire le portrait de la ménopause, à leur guise. Les femmes, elles, ont évolué avec cette caricature effrayante, grossière et fausse, pensant que leur corps était bon pour la casse. Et l’idée perdure encore.

Parler de la ménopause, encore un acte honteux ?

Nous passons le quart de notre vie à pester contre ces « saletés de règles » qui ne « tombent jamais au bon moment ». Les menstruations, c’est aussi une sacrée entorse au budget. Selon une étude publiée dans le Huffington Post, avoir ses règles coûterait 23 500 € dans une vie. Soit le prix d’une belle voiture, toute neuve.

Alors pourquoi la ménopause est-elle si peu acclamée ? Simplement parce que les femmes voient en la ménopause, le début d’un déclin. Pour beaucoup c’est une condamnation vers la vieillesse.

Révéler au grand jour sa ménopause reviendrait à dire « mon heure de gloire est terminée”. Une idée largement encouragée par le cinéma qui laisse les stars féminines de plus de 40 ans sur la touche. Cette absence de représentation et ces injonctions coriaces condamnent les femmes à traverser l’expérience de la ménopause dans le silence.

D’après une étude britannique réalisée par OnePoll pour la marque TENA, 43 % des répondantes déclarent s’être senties « complètement seules » pendant ce grand chambardement hormonal. Cette discrétion quasi obligée se justifie par deux raisons.

« Pour 25 % d’entre elles, la difficulté à aborder le sujet provient du fait qu’elles pensent le sujet tabou, ou qu’elles craignent que les autres le perçoivent ainsi. Aussi, 10 % des femmes interrogées – qui sont passées par la ménopause – ont admis qu’elles étaient tellement angoissées par ce changement qu’elles ont ‘fait semblant’ qu’il ne se produisait pas, à l’arrivée des premiers symptômes », d’après le média The Sun.

Mais cette ère du « motus et bouche cousue », longtemps forcée par une société conservatrice, rend enfin ses derniers soupirs. En juillet 2020, Michelle Obama, l’ex-première Dame des États-Unis, ouvrait une grande porte en parlant de sa première bouffée de chaleur dans un podcast. Une libération qui en encouragé d’autres. On dit « thank you » Michelle !

Les stars défendent la ménopause, c’est tout un symbole

Exit les Unes bien culpabilisantes du style « Comment bien vivre sa ménopause » ou « La ménopause sans les kilos ». L’heure est à la dédiabolisation. Attention messieurs, bouchez-vous les oreilles au risque de faire une syncope : les célébrités aussi passent par la case ménopause. Et elles sont de plus en plus nombreuses à briser la glace.

« La ménopause est quelque chose de naturel, ce n’est pas une maladie”, défendait ainsi Monica Bellucci en pleine promo de « 007 Spectre ». Angelina Jolie, actrice phare de Tomb Raider, elle, est allée plus loin, faisant presque une déclaration d’amour à sa ménopause, pourtant précoce.

« J’adore être ménopausée (…) Je suis très chanceuse, car je n’ai pas eu de réaction terrible à cela. Je me sens plus vieille et je me sens bien en étant plus vieille. (…) Je suis heureuse d’avoir grandi », confirmait Angelina Jolie au Daily Telegraph.

Gwyneth Paltrow, Salma Hayek mais aussi Sophie Davant côté Français ont également fait des confidences cash sur la ménopause, tordant le cou aux idées reçues. Appréhendée comme une chance et non plus comme une tare, la ménopause s’est refait une beauté dans la bouche des stars. Et c’est tant mieux !

La ménopause se débarrasse petit à petit de cette connotation négative héritée de mythes poussiéreux. Sur les réseaux sociaux, les témoignages « débridés » se bousculent au portillon. Le 7 octobre dernier, Courteney Cox, icône de la série « Friends » frappait fort avec sa parodie hilarante d’une publicité Tampax des années 80.

Une ode à l’âge de grâce qui trouve cependant ses limites, surtout dans le milieu professionnel. 1 femme sur 10 a quitté son emploi à cause des symptômes de la ménopause selon une récente étude britannique.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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