« On peut vivre avec la mucoviscidose et être heureuse », Aurore se livre sur son combat

Étudiante en 5e année de médecine, Aurore Franceschini est aussi atteinte de la mucoviscidose. À 22 ans, son quotidien est rythmé par la prise de médicaments, mais surtout d’un courage sans faille. En côtoyant les hôpitaux depuis sa naissance, une véritable vocation pour la médecine a germé en elle « pouvoir aider à mon tour est ma plus belle revanche sur la maladie ». Confidences d’une combattante qui puise sa force dans le partage et l’amour de ses proches.

The Body Optimist : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

« Je m’appelle Aurore – alias @pouruneviesansmuco sur Instagram, j’ai 22 ans. Je suis étudiante en médecine à Marseille et je suis atteinte de la mucoviscidose. »

À quel âge avez-vous été diagnostiquée ? Et que signifie « vivre avec la mucoviscidose » ?

« J’ai été diagnostiquée à 18 mois. La mucoviscidose est une maladie génétique – donc non contagieuse – qui touche principalement les voies respiratoires (infections et obstruction bronchique qui peuvent mener, à terme, à la greffe bipulmonaire) et le système digestif (problème de digestion et diabète) dont on ne guérit pas actuellement et qui nous donne une espérance de vie d’environ 50 ans.

Vivre avec la mucoviscidose c’est prendre une bonne vingtaine de médicaments par jour, c’est faire de la kiné respiratoire et des inhalations tous les jours, c’est avoir des rendez-vous de contrôle à l’hôpital tous les 3 mois quand tout va bien. C’est faire des cures d’antibiotiques par voie veineuse pendant plusieurs semaines en période de surinfection. C’est devoir être quotidiennement attentif·ve à notre état de santé. »

L’annonce de ce diagnostic a été un véritable choc, on imagine… Comment avez-vous fait face à cela ?

« Le diagnostic a été posé à mes 18 mois, je ne m’en souviens donc pas. Je l’ai toujours su. Finalement, je vis l’annonce au travers des mots de mes parents, pour qui l’annonce a été un moment très difficile oui.

D’autant plus qu’à l’époque on leur avait annoncé que je ne vivrais pas plus de 15 ans… Aujourd’hui j’en ai 22, et je vais bien, ce qui montre à quel point la médecine évolue extrêmement vite. »

Qu’en est-il justement aujourd’hui ? Comment vous sentez-vous ? Comment se passe votre quotidien ?

« Aujourd’hui je poursuis ma vie. Je serai toujours malade, j’aurai toujours des hauts et des bas. Depuis 5 ans je prends un traitement qui traite un peu la muco, il ne me guérit pas, mais il ralentit l’avancée de la maladie. Un nouveau traitement prometteur devrait bientôt être commercialisé, je l’attends avec impatience !

Il y a 2 ans on m’a retiré la moitié de mon poumon droit, car il était trop abimé. J’ai donc 22 ans, je vis avec 1 poumon et demi, je prends toujours une bonne vingtaine de médicaments par jour et je fais toujours de la kiné quotidiennement. Mais je respire, je travaille, je profite de la vie. Et je le ferai tant que la vie me le permettra. Je vais bien, même si je fais encore des infections régulièrement, et que mon pancréas fatigue. »

Quand on pense « malade de la mucoviscidose » on ne s’imagine pas forcément une jeune femme en 5e année de médecine… Comment conciliez-vous votre combat/traitement contre la mucoviscidose et vos études ?

« Je pense que c’est une question de chance, de motivation et d’organisation. De chance parce que mon état de santé ne m’a jamais empêché de travailler, même si ce n’est pas toujours évident. De motivation parce que je crois que malade ou pas, quand on veut quelque chose et qu’on s’en donne les moyens on est capable de tout. Une différence ne nous empêche pas de réaliser de jolies choses, même si en fonction de la gravité de notre différence des aménagements sont à mettre en place.

Et d’organisation, car la mucoviscidose demande beaucoup de temps de soins. Les études de médecine prennent beaucoup de temps aussi. Je crois que pour soigner les autres il faut d’abord prendre soin de soi-même. Alors je travaille, sans négliger mes soins que je fais sérieusement. Et au final je m’en sors bien de cette façon. Mais je sais que c’est en médecine qu’est ma place, et c’est ça qui fait que je tiens malgré les difficultés. »

Est-ce en côtoyant les hôpitaux depuis votre naissance qu’une véritable vocation pour la médecine est née ?

« Je pense que tout ce que nous vivons dans notre vie façonne notre personnalité. Et bien sûr que le fait de côtoyer très (trop) jeune les hôpitaux a une part importante dans mon choix d’être médecin.

J’ai toujours été admirative et reconnaissante de ce que mes médecins m’apportaient. Je dis toujours que je veux rendre à la médecine ce qu’elle m’a donné. Sans les médecins je ne serais certainement pas ici pour vous en parler. Pouvoir aider à mon tour est ma plus belle revanche sur la maladie. »

En tant que patiente, mais également future médecin donc, pensez-vous que cela soit une force dans l’exercice de votre futur métier ? Et quel(s) conseil(s) bienveillant(s) donneriez-vous justement aux professionnel·le·s de santé qui prennent en charge des pathologies chroniques comme la mucoviscidose ?

« Je pense que oui, c’est une force. J’ai une vision peut-être plus globale de la médecine. Je connais que trop bien la place de patiente. Je sais ce que j’ai aimé chez mes médecins et ce qui m’a déplu. Pour moi la relation patient-médecin est primordiale. Pour que le patient accepte les soins et prenne soin de lui, il doit comprendre l’intérêt et les enjeux et faire confiance à son médecin.

Je suis, du coup, très sensible à la souffrance des gens. Trop peut-être, mais je pense que ma maladie me rappellera sans cesse de ne jamais oublier de rester humaine et empathique. Je crois que ce qu’on attend le plus en tant que patient d’une maladie chronique c’est d’avoir un personnel soignant à l’écoute et bienveillant. C’est ce que j’ai trouvé dans le centre où je suis suivie, et j’en suis ravie. »

Vous n’étiez qu’une enfant lorsque l’on découvrait Grégory Lemarchal, jeune chanteur de la célèbre émission Star Academy et porteur de la mucoviscidose. Son combat vous a-t-il inspiré ?

« Je crois que beaucoup de personnes atteintes de la mucoviscidose vous diront la même chose que moi : pour nous Grégory est bien plus qu’un chanteur. C’est un exemple, il a marqué ma vie. Il a montré à la petite fille de 6 ans que j’étais que la muco n’était pas une barrière, que l’on pouvait faire de belles choses.

Je dis souvent que c’est mon « grand frère de maladie ». Il m’a donné beaucoup d’espoir. Et il m’en donne toujours beaucoup. Ainsi que sa famille qui continue son combat. Ce sont vraiment de très belles personnes, et je leur suis très reconnaissante de tout ce qu’ils font pour nous. »

« Être comme les autres », est-ce ce à quoi vous aspirez ?

« Oui, bien sûr ! Et je crois que je le suis. Je crois que nous avons tou·te·s nos problèmes, nos différences. Et c’est ce qui fait la richesse de notre monde. Je fais des études qui me plaisent, j’ai de super ami·e·s, une famille parfaite, je vis avec mon compagnon. J’ai une vie normale, avec des soucis du quotidien, une santé plus fragile et des traitements, mais je suis heureuse. Que demander de plus ? »

Vous tenez un compte Instagram depuis plus d’un 1 an maintenant, quel(s) message(s) souhaitez-vous délivrer à travers vos publications ?

« Je veux montrer au travers de mes publications que l’on peut vivre avec la muco et être heureux·se. Je veux aussi montrer les difficultés, et faire connaître cette maladie qui reste encore malheureusement trop peu connue.

Je veux donner de l’espoir aux parents de bébés atteints. Je veux montrer aux plus jeunes patient·e·s qu’il·elle·s peuvent réaliser leurs rêves. Et parce que je suis étudiante en médecine, je veux aussi vulgariser la médecine pour la rendre accessible. La prévention, la vulgarisation, ce sont des domaines de la médecine que je trouve extrêmement importants. »

Êtes-vous soucieuse du regard des autres ?

« Je crois qu’on l’est tou·te·s un peu dans le fond. Mais avec le temps on apprend à le mettre à distance, à ce qu’il est moins d’impact. »

Quels sont les préjugés les plus courants sur la mucoviscidose auxquels vous avez dû faire face ?

« Dans mon enfance, c’était plutôt la peur de la contagiosité qui pouvait faire peur aux autres. J’ai aussi eu droit aux « Tu vas mourir à 23 ans comme Grégory », chose qui m’a suivi longtemps, et pour laquelle je suis touchée, encore aujourd’hui. Je sais que mes 23 ans qui ne vont pas tarder à arriver vont être une grande étape.

Maintenant, il m’arrive de croiser des professionnel·le·s de santé qui jugent le fait que je sois en médecine alors que je suis moi-même malade. Comme si un·e médecin se devait d’être immunisé·e contre toutes les maladies. Heureusement ces commentaires déplacés sont extrêmement rares.

Ne laissez personne vous déstabiliser dans vos choix. Les seules personnes qui peuvent vous conseiller et que je vous conseille d’écouter ce sont vos médecins qui connaissent votre état de santé. Les autres laissez les parler, et foncez. »

Avez-vous des pensées positives qui vous aident à tenir le cap dans les moments particulièrement difficiles ?

« Mon principal soutien est indéniablement le soutien de mes proches. J’ai la chance d’être extrêmement bien entourée par ma famille, mes ami·e·s et mon compagnon. Ce sont eux ma force. Sans eux je n’en serais pas là aujourd’hui. Autant au niveau personnel, de ma santé et professionnel. Et puis, j’ai tellement de projets, tellement de choses à faire, je n’ai pas le temps d’en perdre haha »

Quel(s) message(s) souhaitez-vous délivrer à nos lecteur·rice·s ?

« Qui que vous soyez, quel que soit votre état de santé, sachez que vous êtes capables de grandes choses. Ce n’est pas parce que vous avez une maladie, un handicap que vous n’êtes pas capables. Bien au contraire ! Chacun·e, à notre échelle, et en fonction de nos capacités nous pouvons nous épanouir et accomplir de belles choses. N’en doutez jamais. »

Un parcours et un quotidien qui forcent le respect ! Merci Aurore pour ce témoignage inspirant. N’hésitez pas à suivre, au-delà de cette interview, son quotidien sur son compte Instagram.

Elodie Pimbert
Elodie Pimbert
Journaliste « touche à tout », je suis Content Manager et rédactrice web pour le média The Body Optimist. Je m'intéresse à des sujets variés (écologie, sexualité, lgbtqia+, beauté, décoration, etc.) et ai à coeur de déconstruire les préjugés, stéréotypes et normes de notre société. Je scrute le web à l’affût des dernières évolutions et tendances. Ce n'est donc pas un hasard si j'écris et fais grandir depuis plusieurs années The Body Optimist.
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