Depuis plusieurs années, l’espoir d’une pilule contraceptive pour hommes plane sans jamais vraiment aboutir sur un projet concret. Mais cette fois-ci, la science semble avoir trouvé la bonne formule. Moult études plus tard, les chercheurs de l’Université Cornell ont mis en lumière la piste d’une molécule capable de réduire la fertilité masculine momentanément sans lui nuire. Une trouvaille révolutionnaire qui laisse entrevoir un potentiel revirement de la charge contraceptive, si souvent endossée par les femmes.
Mais cette pilule contraceptive pour homme parviendra-t-elle vraiment à inverser les mœurs en faveur de ces mesdames ? C’est moins sûr… On vous explique pourquoi.
Une pilule contraceptive pour hommes 100 % sûre bientôt commercialisée
En matière de contraception, femmes et hommes ne sont pas logés à la même enseigne. Tandis que ces mesdames ont le choix entre stérilet, patch contraceptif, anneau vaginal, implant, pilule contraceptive et autres réjouissances chimiques, ces messieurs se contentent sobrement d’un préservatif. Et encore. Un comble sachant que les hommes sont fertiles sept jours sur sept et les femmes une fois par mois.
Malgré des effets secondaires avérés pouvant aller des maux de tête à l’embolie, plus de 60 % des Françaises non-ménopausées se plient à un rituel contraceptif selon les dernières données Statista. La charge contraceptive se greffe donc encore sur le dos des femmes, comme si elles n’avaient déjà pas assez du paquetage charge émotionnelle, sexuelle et administrative.
Mais puisque le slip chauffant et la vasectomie semblent laisser messieurs perplexes, des chercheurs leur ont concocté un médicament progressiste devant lequel ils ne pourront plus faire la fine bouche. Après plusieurs années de recherches infructueuses et illusoires, la pilule contraceptive pour hommes devrait enfin voir le jour. Et ce n’est pas de la poudre aux yeux.
Selon une étude toute fraîche menée par une équipe de chercheurs américains de l’Université Cornell, une molécule pourrait « figer » les spermatozoïdes pendant une paire d’heures avant de les relâcher. Cette découverte encourageante exposée dans la revue Nature Communications le 13 février dernier s’est montrée très concluante sur un groupe de 52 souris.
Les deux auteurs de l’étude sont même encore plus ambitieux et parlent de « game changer », soit un tournant dans les habitudes. Les hommes sont « gâtés » puisque ce procédé est non-hormonal et donc à moindre risque. L’argument « c’est dangereux » est donc irrecevable ici, désolé messieurs.
En pratique, comment ça fonctionne ?
Contrairement à une pilule contraceptive pour femmes qui s’inscrit sur la durée, cette pilule contraceptive pour hommes s’utilise ponctuellement avant un rapport. D’après les dires des scientifiques, cette « néo-pilule » se prendrait « peu de temps avant un rapport sexuel » et offrirait une « protection contre une grossesse non désirée pendant les heures suivantes ». Une stratégie à la demande unique en son genre qui permettrait d’assurer « l’équité entre les sexes ».
En pratique, au moment de passer à l’acte, l’homme prend sa petite pilule. Pendant qu’il éprouve du plaisir, la pilule, elle, se charge de bloquer l’action du sperme et empêche ainsi le « lâché » de spermatozoïdes. Pas de panique, le taux de fertilité revient à la normale moins de 24h après la prise, comme si de rien n’était.
Vrai dénouement ou désillusion de plus ?
Si cette pilule contraceptive pour hommes sonne comme une avancée de géant, elle n’est pourtant encore qu’au stade « d’ébauche ». Son efficacité a été prouvée sur des souris, mais sera-t-elle aussi éloquente sur des humains ? Avant l’emballement collectif, la nuance reste de mise. Les chercheurs comptent tester ce « prototype » à échelle humaine d’ici trois ans en espérant qu’une commercialisation en pharmacie lui emboîte le pas.
Si la communauté scientifique semble divisée sur les chances de vie de cette pilule contraceptive pour hommes, les principaux intéressés, eux, ont l’air d’y adhérer. Du moins c’est ce que prétendent les sondages initiés par OpinionWay en 2021.
Près de 40 % des hommes se disaient « partants » pour prendre la pilule et ainsi ramener à « part égale » la charge contraceptive. Sauf que voilà, dans les faits, cet enthousiasme se heurte à un culte de la virilité maladif, un cruel manque d’information et des projectiles de traditions patriarcales.
Pilule contraceptive pour hommes, quand fertilité rime avec virilité
La pilule contraceptive pour hommes, toujours évoquée, mais jamais achevée, fait des émules depuis au moins quinze ans. Ce qui fut une « évidence » pour les femmes semble bien compliqué à reproduire au masculin. Rappelons que la légalisation de la pilule féminine remonte à 1967.
Presque 60 ans plus tard, son alter ego masculin reste encore un mystère. Les laboratoires pharmaceutiques continuent de faire la sourde oreille, comme si la pilule contraceptive pour hommes était une insulte à leur virilité ou un coup de poignard dans leur masculinité profonde.
Si les laboratoires procrastinent autant sur la pilule masculine c’est surtout parce qu’ils n’y voient pas d’intérêt financier. Il faut dire que les chiffres sur la contraception masculine ont de quoi freiner les ardeurs. Seuls 15 % des hommes s’y intéressaient en 2017 selon l’Ined. Mais cette passivité contraceptive ne date pas d’hier. Elle est le lourd héritage d’une société nataliste.
Le legs empoisonné d’une société nataliste
Pour retrouver ses origines, il faut rembobiner la cassette vers les années 20, période où le repeuplement de la France est une affaire politique. Dans cette ère post-guerre, l’État souhaite relancer la courbe démographique du pays à coup de répression contraceptive. Il déploie tout un arsenal de mesures oppressantes interdisant la vente et la promotion de contraceptifs.
Un parti-pris tyrannique surtout assigné aux femmes, alors contraintes d’accoucher à la chaîne. Il faut attendre 1967 et la loi Neuwirth pour que la contraception soit enfin « légale ». Une initiative qui a largement pavé la voie à la loi Veil de 1975. Malgré ces révolutions parsemées sur les années, la politique nataliste laisse encore de vilaines traces. Et elle n’est pas la seule fautive. La culture « patriarcale », elle aussi, s’en est allégrement mêlée.
Toucher à la fertilité des hommes, ne serait-ce que quelques instants, renvoie encore à une « blessure de l’égo ». Selon la société patriarcale, la virilité se mesurerait dans le chibre de ces messieurs. Un préjugé crasse qui ne fait qu’amplifier les disparités dans la charge contraceptive.
« On associe la perte de fertilité à la la perte de virilité, si je peux me permettre, on entend souvent cette image que « si on tire à blanc c’est qu’on n’est pas viril », illustre Guillaume Daudin, journaliste et co-auteur du livre « Les contraceptés. Enquête sur le dernier tabou » auprès du magazine ELLE
Un pas de plus vers l’égalité, vraiment ?
Alors que les femmes vivent au son des alarmes floquées « pilule » et au rythme des rendez-vous gynécologiques, les hommes, eux, se reposent tranquillement sur leur laurier. La charge contraceptive, poliment léguée aux femmes, induit stress d’une grossesse non désirée, contraintes des rendez-vous médicaux, gestion des effets secondaires, mais aussi coûts financiers injurieux.
À titre indicatif, une consultation gynécologique coûte environ 30 €, un implant contraceptif 100 € et une pilule contraceptive entre 3 et 10 € par cycle. Sans compter les anti-douleurs et les autres soins contre les maux de ventre. Mis bout à bout, ces prix font un sacré trou dans le budget. La pilule contraceptive pour hommes permettrait, entre autres, de rebattre ce schéma à « sens unique » et de délester les femmes d’une responsabilité pesante.
Selon les collectifs féministes, ce serait même une pierre de plus à l’édifice de l’égalité des genres. Mais pour que la pilule devienne aussi une affaire d’hommes, encore faut-il que la sphère politique et médicale suive le mouvement avec entrain. Les efforts de l’égalité contraceptive reposent aussi (et surtout) sur la sensibilisation.
Un travail d’éducation à faire en amont
Les hommes qui transitent dans le clan des « contraceptés » s’entichent encore de l’étiquette « underground » ou « marginal ». Si cette « inversion des rôles » se fait si rare, c’est surtout à cause d’une éducation « linéaire » qui garde toujours la même rythmique. Elle sous-entend que les femmes doivent se protéger des grossesses et les hommes des MST. Cette idée étriquée infusée dès l’adolescence dédouane d’office les hommes de leur responsabilité.
Pourtant, en attendant la pilule contraceptive pour hommes, ces messieurs peuvent se rabattre sur d’autres méthodes, tout autant « sérieuses ». Slip chauffant, injection hormonale, anneau en silicone… ce ne sont pas les possibilités qui manquent. En revanche, ces variantes contraceptives sont victimes d’une profonde désinformation, savamment orchestrée. Déjà sur les bancs de l’école, le préservatif a le monopole, comme si toutes les autres trouvailles sonnaient « illégitimes » ou pas assez « glamour ».
Autre ombre au tableau : la frigidité médicale. Si les femmes se font prescrire la pilule comme elle commande une baguette en boulangerie, pour les hommes ce serait bien moins limpide. Les professionnel.le.s de santé sont encore trop peu formé.e.s à la contraception masculine, ce qui retarde les potentielles avancées.
« Seulement 23 % des gynécologues et des médecins généralistes que nous avons interrogés connaissent la contraception thermique masculine et ce taux tombe à 10 % avec la contraception hormonale », explique Jeanne Perin, professeure de biologie à l’université Aix-Marseille et coauteure d’une étude à FranceInfo
Le changement émane aussi des politiques et des campagnes préventives. Sauf que là encore, les actions se font timides. Il y a deux ans, le gouvernement annonçait la gratuité de la contraception pour femmes jusqu’à 25 ans, mais restait muet sur le sort des hommes. En occultant cette réalité, l’État retranche les hommes dans leur « confort » et les empêche d’accéder à de précieuses ressources. Ce comportement déviant ne fait que nourrir les disparités.
La nouvelle génération prête à acter le changement
Même si chaque entité a encore un travail titanesque à faire, tout n’est pas noir pour cette pilule contraceptive dédiée aux hommes. La génération qui précède les boomers relève le niveau général avec un désir brûlant de braver la guerre des sexes. Armée d’un esprit fairplay, elle sacrifie cette masculinité abrupte au profit d’une meilleure répartition de la charge contraceptive.
Alors que les femmes sont de plus en plus nombreuses à lâcher la pilule, les hommes, eux, prennent le relai. Les contraceptions masculines commencent doucement à se démocratiser. Ainsi, plus de 23 000 hommes ont eu recours à la vasectomie en 2021, c’est dix fois plus que dix ans en arrière. Des chiffres plutôt encourageants qui prédisent une certaine bifurcation des mœurs. La pilule contraceptive pour hommes trouvera donc peut-être preneur plus rapidement que les pharmacopées ne le pensent.
Si la pilule contraceptive pour hommes a encore du chemin à faire avant d’arriver en pharmacie, elle s’inscrit en lettre capitale dans l’égalité hommes-femmes. Cependant, une question demeure : les femmes parviendront-elles à déléguer ce droit si durement acquis ?