On pourrait croire que c’est juste un petit détail de rien du tout. Un ou deux poils « rebelles » qui poussent sur le menton. Mais si ces poils deviennent plus nombreux, plus épais, plus foncés. S’ils reviennent sans cesse comme pour vous dire : « Hé, tu m’écoutes ou pas ? », alors il est peut-être temps de tendre une oreille attentive à ce que votre corps essaie de vous chuchoter. C’est un message, même parfois, un vrai signal de santé.
Poils au menton : bienvenue dans le club
Déjà, on dédramatise. Parce que si vous pensiez être seule au monde à devoir jouer à cache-cache avec quelques poils drus sous le menton, sachez que non seulement vous êtes loin d’être la seule, mais en plus, c’est super courant. Beaucoup de personnes assignées femmes à la naissance (AFAB) ont un peu de duvet sur le visage.
Quand ces poils se transforment en version plus costaud, plus visible, notamment au niveau du menton, de la mâchoire ou de la lèvre supérieure, on parle d’hirsutisme. Pas de panique : l’hirsutisme n’est pas une maladie. C’est un symptôme. Et comme tout symptôme, il a ses causes – certaines totalement bénignes, d’autres qui méritent un vrai coup d’œil médical.
Les hormones, ces artistes un peu capricieuses
À la base de tout ce bazar pileux ? Souvent, ce sont les hormones. Le corps produit un cocktail hormonal unique à chacun·e : œstrogènes, progestérone, androgènes (dont la testostérone)… tout ce petit monde travaille en harmonie. En temps normal, les œstrogènes sont en pole position chez les personnes assignée femme à la naissance (AFAB), et limitent les effets des androgènes.
Parfois, l’équilibre se dérègle. Résultat : les androgènes prennent un peu trop de place et des effets « virilisants » peuvent apparaître. Traduction : apparition de poils plus épais dans certaines zones, acné tenace, chute de cheveux au sommet du crâne, voire troubles menstruels. Votre menton devient alors une sorte de haut-parleur miniature, diffusant un message hormonal pas toujours très subtil.
Le SOPK, ou quand les ovaires décident de faire leur vie
L’une des causes les plus fréquentes de ce changement de pilosité, c’est le syndrome des ovaires polykystiques, alias SOPK. Une condition hormonale qui touche environ une personne menstruée sur dix – et qui est pourtant encore trop souvent sous-diagnostiquée ou mal comprise.
Le SOPK, c’est un peu comme un bug du système hormonal : les ovaires produisent trop d’androgènes, les cycles deviennent irréguliers, et des petits follicules (non dangereux) s’accumulent dans les ovaires. Les conséquences ? Pilosité faciale, acné, prise de poids difficile à contrôler, règles capricieuses, voire troubles de la fertilité.
Et comme si ce n’était pas suffisant, le SOPK peut aussi s’accompagner d’une résistance à l’insuline – un facteur de risque pour le diabète de type 2. Bref, rien à voir avec de simples poils qu’on pourrait ignorer.
Et si ce n’était pas le SOPK ?
Pas de panique si le SOPK ne colle pas à votre profil : ce n’est pas l’unique explication. D’autres pistes sont à explorer :
- Ménopause et préménopause : avec la baisse des œstrogènes, les androgènes prennent parfois un peu trop de place sur la scène hormonale.
- Pathologies endocriniennes rares : comme la maladie de Cushing ou l’hyperplasie des surrénales.
- Certains médicaments : notamment les corticoïdes ou certains traitements hormonaux.
- L’hérédité : parfois, c’est dans les gènes, et c’est tout.
Dans certains cas, aucune cause n’est retrouvée, et on parle alors d’hirsutisme idiopathique. Ce n’est pas grave, mais c’est toujours bon à surveiller.
Quand faut-il consulter ?
La règle est simple : si un changement de pilosité vous interpelle, il mérite d’être entendu. En particulier si vous remarquez :
- Une apparition soudaine ou rapide de poils épais,
- Des règles irrégulières ou absentes,
- Une prise de poids inexpliquée,
- Une acné persistante ou une chute de cheveux inhabituelle.
Une professionnelle de santé (médecin généraliste, gynéco ou endocrino) pourra vous proposer un bilan hormonal et éventuellement une échographie pelvienne pour voir ce qui se passe dans les coulisses.
Poils ≠ honte
Ce n’est ni sale, ni honteux, ni « pas normal ». Ce n’est pas un défaut. Ce n’est pas un problème à cacher. Les poils au menton sont un signal. Et comme tous les signaux du corps, ils méritent d’être écoutés avec bienveillance, curiosité, et surtout, sans jugement.
Le plus important, c’est de rester connectée à votre corps, à ses changements, ses rythmes, ses alertes. Parce que derrière un symptôme qu’on pourrait qualifier de « dérangeant » se cache souvent une information précieuse. Comprendre ce qui se passe, c’est se donner les moyens d’agir, de s’adapter, et de prendre soin de soi.
La santé hormonale des femmes et des personnes AFAB est encore trop souvent reléguée au second plan, mal expliquée, taboue, invisibilisée. Or, ce qu’on appelle « petits soucis du quotidien » – pilosité, acné, troubles du cycle – sont souvent les premières alertes que le corps nous envoie. Alors non, vous n’êtes pas « bizarre ». Vous êtes normale, légitime, et totalement badass pour prendre le temps de comprendre ce que votre menton essaie de vous dire. Parce qu’écouter son corps, c’est se respecter. Et ça, c’est le début de tout.