Il y a plus d’un an, la mort de George Floyd avait embrasé l’Amérique. Énième victime des violences policières infligées aux personnes de couleurs, l’homme de 47 ans est devenu l’emblème d’une lutte acharnée. Cet événement tragique a indigné le monde entier. Le mouvement Black Lives Matter a teinté les rues de chaque contrée. « Pas de justice, pas de paix », « Mettons fin à ces violences silencieuses »… les slogans coup de poings ont mis K.O l’intolérance.
Mais cette vague de protestation internationale n’a été fructueuse qu’un temps. En effet, au pays de l’Oncle Sam, comme en Europe, le racisme sévit. Ce fléau marque les victimes au fer rouge. Assaillies de stéréotypes dégradants et de regards méprisants, elles portent des stigmates psychologiques à vie.
Le racisme, un fléau grandissant
« Je suis fière d’être asiatique ! », derrière son mégaphone, les paroles de Sandra Oh résonnent comme un cri du cœur. L’actrice phare de la série Killing Eve a levé la voix lors de la manifestation « Stop Asian Hate » à Pittsburgh en mars dernier. Visage familier de la très populaire série Grey’s Anatomy, la quarantenaire est aussi une fervente défenseuse des droits humains.
Armée d’une hargne bouleversante, elle dénonce la multiplication des agressions racistes contre les personnes de la communauté américano-asiatique. Le 17 mars dernier, la ville d’Atlanta a été le théâtre d’un massacre sanglant. Plusieurs fusillades ont eu lieu dans trois salons de massage de banlieue. Le bilan est lourd : 8 personnes, parmi lesquelles six femmes d’origine asiatique ont été tuées par balle.
Depuis le début de la crise sanitaire, les États-Unis font face à une recrudescence des violences à caractère raciste. En un an, l’association Stop AAPI a recensé près de 3800 signalements concernant des cas d’agressions, de harcèlement ou d’insultes envers la communauté asiatique. Un constat atterrant qui témoigne d’une société de plus en plus rétrograde.
Le territoire français fait aussi partie des mauvais élèves. Au total, 1,1 million de personnes disent avoir été « victimes d’au moins une atteinte à caractère raciste, antisémite ou xénophobe” en 2019, selon une enquête de l’Insee et de l’Ined. Ce chiffre a augmenté de 40 % en un an.
Un mal-être indélébile
Matthieu, étudiant de 22 ans, est sans cesse confronté à cette cruauté débordante. Pour combler ses fins de mois, le jeune homme travaille dans un supermarché situé en banlieue parisienne. Derrière sa caisse, il voit défiler des individus arriérés aux discours choquants.
« L’été dernier, un client m’a demandé si c’était la canicule qui m’avait fait brûler comme ça. »
Un manque d’humanisme et de considération qui semble impensable au 21e siècle. Pourtant, chaque jour les attaques verbales fusent. Alors qu’il demande à une cliente de s’avancer, elle lui répond : « Ce n’est pas un singe sorti du zoo qui va me donner des ordres”. Pour ne pas mettre en péril son emploi, il reste muet et impartial alors qu’intérieurement Matthieu « bouillonne de rage ».
Entre les comportements irrespectueux, les propos racistes et le rythme de travail intense, l’étudiant perd pied.
« Travailler dans une ambiance aussi affligeante et se faire manquer de respect sans pouvoir broncher, c’est épuisant. Depuis que je suis petit, je suis perçu comme le gars noir qui se débrouille bien à l’école, mais qui reste marginalisé. »
Habitant d’une ville « bourgeoise », le jeune homme a l’impression d’être cloisonné dans l’ignorance. Avec la crise en toile de fond, son moral est en berne. Souvent minimisées, les conséquences de ce harcèlement discriminatoire peuvent s’avérer dramatiques.
Des conséquences dramatiques sur la santé
De nombreuses études américaines mettent en lumière les répercussions du racisme sur la santé mentale et physique des personnes qui le subissent. En 2018, la revue scientifique JAMA Pediatrics, montrait que les adolescent.e.s racisé.e.s avaient un risque plus élevé de faire une dépression. D’autres troubles comme l’hyperactivité ou l’impulsivité peuvent aussi germer. Ces maux invisibles mettent un frein à l’épanouissement personnel des jeunes.
Face à cette pluie de stéréotypes et cette haine frappante, le corps active le mode « auto-défense » pour se protéger. Dans l’univers médical, on parle alors de somatisation. On tente de réprimer ce sentiment de mal-être au plus profond de soi. Cependant, cette attitude naturelle comporte des risques. En effet, certaines douleurs physiques se dessinent au fil des années. Éruptions cutanées, douleurs musculaires, problèmes articulaires, ulcères, hypertension… ces symptômes doivent servir de signal d’alarme.
Toujours sur la défensive
« Les chercheur.euse.s américain.e.s iront jusqu’à dire que les personnes racisées peuvent se trouver dans une impossibilité de projection dans le futur car elles sont constamment dans la survie et l’instant présent », analyse la spécialiste Bétel Mabille dans un rapport. Les victimes se murent dans le silence et deviennent méfiantes. Elles ont le sentiment d’évoluer dans un milieu hostile.
Alors elles se forgent une sorte de carapace pour contrer les potentielles attaques racistes. En termes de santé mentale, l’angoisse se manifeste sous plusieurs formes. Il peut s’agir « des états dépressifs, d’une faible estime de soi, de l’irritabilité, des troubles de l’alimentation, d’utilisation de substances ou encore d’agressivité”, étaye Bétel Mabille.
Pour briser la solitude et redorer le blason de ces victimes oubliées, des comptes Instagram érigent le drapeau de la bienveillance. On pense par exemple à La Charge Raciale, Décolonisons-nous, Sans blanc de rien… Sur la toile, les initiatives positives lèvent le voile sur des non-dits. Un signe de reconnaissance qui met une belle claque à ce racisme oppressant !