Il existe une maladie qui touche plus de 3 millions de personnes en France. Une maladie qui peut vous empêcher de parler, de rire, de manger, de travailler, de dormir et même de vous lever le matin. Une maladie qui peut vous empêcher de vivre. Cette maladie, c’est la dépression. À l’inverse du suicide – franc et brutal – la dépression agit lentement, ce qui en fait une maladie bien souvent mal repérée par l’entourage et les patient.e.s eux/elles-même.
Anne en fait partie. Elle souffre de dépression depuis presque 7 ans et a longtemps préféré cacher son mal-être, avant d’être prise en charge. En parallèle, en février 2017, elle décide d’ouvrir un compte Instagram pour parler de l’enfer qu’elle vit, pour poser des mots sur ses maux. Son but ? Que les gens arrêtent de stigmatiser cette maladie mentale, que l’on arrête d’en faire un tabou et bien sûr venir en aide, de par son vécu, à celles et ceux qui en souffrent. Aujourd’hui en guérison, elle se confie à nous et révèle comment elle est sortie grandie de cette épreuve.
The Body Optimist : Nous pensons tou.te.s avoir une idée de ce qu’est la dépression. Mais de quoi s’agit-il exactement ?
Anne : « La dépression, appelée « dépression nerveuse » dans le langage courant et « épisode dépressif majeur » dans le langage médical, est une maladie psychosomatique qui affecte autant le psychique que le physique. Car en dehors de la tristesse, un des autres principaux symptômes de la dépression est une perte globale de plaisir et d’envie de faire que les psychiatres appellent « anhédonie ». »
Chacun connaît des moments d’anxiété ou de déprime. Mais comment avez-vous pris conscience d’être « réellement » touchée par la dépression ?
« Pour tout vous dire, je ne pensais pas qu’un jour on m’aurait dit que j’étais atteinte de dépression… Je me disais juste « Anne tu dois être déprimée, ça va passer, laisse faire le temps », sauf que les jours sont passés et les symptômes n’ont fait qu’empirer… Perte de poids, idées noires, insomnies, mauvaise humeur, sensibilité excessive. C’est à ce moment que j’ai compris qu’il y avait vraiment quelque chose. »
Concrètement donc, que se passe-t-il lorsqu’on fait une dépression ? Quels ont été vos symptômes au départ ? Et à quel âge sont-ils apparus ?
« Je pense que ma dépression s’est installée il y a bien longtemps je ne saurais pas vous dire la date exacte, mais simplement que j’ai tenu, j’ai pris sur moi et j’ai continué à vivre ma vie même si quelque chose me rongeait à l’intérieur.
Mes premiers symptômes ont été l’insomnie, une sensibilité excessive, la perte d’appétit, l’humeur irritable et bien sûr la perte d’intérêt pour ce qui me passionnait. »
La dépression est un phénomène très répandu (plus de 3 millions de personnes touchées en France) et pourtant, nombreux.se sont ceux/celles qui craignent d’en parler ouvertement. Pourquoi selon vous ?
« Je pense que le mot « dépression » est associé au mot « FOU » résultat, ça fait peur. C’est d’ailleurs la première chose que l’on m’a dite lorsque j’ai parlé ouvertement de ma dépression et lorsque j’ai dit que j’avais été hospitalisée pour me soigner. Les gens ont peur d’être jugés, d’être critiqués et je l’ai comprend. La dépression nous détruit suffisamment pour ne pas en plus avoir à gérer les autres… »
Beaucoup disent que la dépression est un « phénomène propre à notre époque » dû notamment au stress ambiant… qu’en pensez-vous ?
« Je ne pense pas que cela soit un phénomène propre à notre époque, mais c’est vrai qu’elle prend de l’ampleur aujourd’hui. Selon moi, elle affecte beaucoup plus de personnes parce que le milieu dans lequel nous vivons est mauvais et rempli de jugements, de compétitions.
Mais la dépression est une maladie qui peut prendre une multitude de formes et toucher chacun.e d’entre nous (quel que soit son âge, son sexe, son niveau social…). Contrairement à certaines idées reçues, la dépression ne relève ni d’une fatalité ni d’une faiblesse de caractère. »
« La dépression, c’est dans la tête… », « Pourquoi ne pas essayer de sourire ? », avez-vous déjà dû faire face à ce type de répliques ?
« Bien sûr, tellement de fois… Et j’avais envie de répondre « MERDE ! », car c’est fatigant. Si seulement c’était que dans la tête, si seulement cette douleur qui nous détruit pouvait sans aller en souriant, pensez-vous vraiment que ce n’est pas la première chose que toutes les personnes malades auraient faite !?
La dépression nous ronge, nous bouffe à l’intérieur, nous détruit, nous prend notre vie ! Cette maladie nous met à nus. Elle puise toute notre force, notre énergie. Elle nous enlève nos proches sans rien comprendre. Et si la force n’y est pas pour se relever, nous ne pouvons que la regarder nous dévorer jusqu’à la fin… Alors, croyez-moi, si le remède était simplement de sourire beaucoup serait guéri aujourd’hui. »
Votre dépression a-t-elle eu un impact sur votre entourage ?
« Oui énormément, et c’est d’ailleurs ce qui m’a fait rechuter de nombreuses fois. Je n’ai pas été forcément comprise par mes amies au début, je me sentais seule et je demandais beaucoup d’attention ce qui a créé des séparations. Des adieux, des disputes et beaucoup de larmes. Par contre ma famille proche m’a toujours soutenue. »
Peut-on dire aujourd’hui que vous êtes guérie de cette maladie ?
« Vous savez, la dépression ne se guérit pas totalement. On peut dire que je sais gérer ma maladie, que je sais gérer mes rechutes, qu’aujourd’hui je suis sans traitement donc je gère moi-même mes émotions ça oui on peut le dire. Mais je ne sais pas de quoi demain sera fait. Une chose est sûre par contre : je me battrai toujours ! »
Comment avez-vous rebondi justement ? Qu’est-ce qui vous a le plus aidé à avancer ?
« Ce qui m’a permis d’avancer, c’est voir mes parents, mon compagnon, ma sœur souffrir, car j’étais vraiment très très mal. J’ai voulu me battre pour eux, j’ai voulu y arriver pour eux. Le fait d’en parler sur les réseaux sociaux m’a aussi beaucoup aidé, car j’ai pu extérioriser la maladie, j’ai pu mettre un but à ma vie : AIDER LES AUTRES.
Aider les proches à trouver les mots, mais aussi aider leur proche malade, car oui ils ont besoin de nous même s’ils nous montrent toujours le contraire. Beaucoup n’osent pas parler de leur souffrance, car, comme je le disais, trop de personnes jugent, trop de personnes ont ses mots : « tu fais du cinéma » ; « Ça va passer »… Mais une dépression, j’ai bien dit « dépression » et non « déprime », cela ne passe pas seul et du jour au lendemain. Alors j’aimerais montrer à toutes ces personnes malades qu’on peut s’en sortir. Qu’on peut en sortir gagnante ! »
Justement, quel message souhaiteriez-vous transmettre à quelqu’un qui connaît l’enfer de la dépression ?
« Je voudrais lui dire qu’il ne faut pas qu’il se batte contre la dépression, mais qu’il accepte qu’elle soit là, qu’il l’a vive même si elle fait mal, car elle permet, finalement, de repartir à zéro. Elle permet de se donner une nouvelle chance, car la dépression ne frappe pas par hasard.
Alors, apprenez à déchiffrer le message qu’elle vous fait passer. Écoutez votre corps… et surtout parlez ! Parlez aux bonnes personnes et n’hésitez surtout pas à demander de l’aide. N’ayez jamais honte ! »
Et à celles qui percevraient des signes de dépression chez un proche ?
« Essayez de les faire parler, sans les forcer, sans les offenser. Ne diagnostiquez jamais quelque chose que vous ne connaissez pas ! Encouragez la personne à aller voir un médecin. »
Le mot pour la fin : si vous deviez résumer la dépression en 2 mots ?
« Pour le côté négatif, je dirais : souffrance et peur. Et pour le positif : nouveau départ et espoir. »
Voilà en quelques mots le parcours de vie, avec la maladie psychique, qui a amené Anne là où elle en est aujourd’hui. Merci à elle d’avoir répondu à nos questions. Vous pouvez suivre son histoire au-delà de notre site, sur son compte Instagram : Loanne_lo.
Tristesse, fatigue, troubles du sommeil, irritabilité, anxiété… ou simplement le fait de ne trouver aucun sens à sa vie peut être les principaux symptômes d’une dépression. Les personnes souffrant de cette maladie s’éteignent petit à petit et ne ressentent plus aucun plaisir. La dépression est une maladie, il est important de se faire aider pour s’en sortir. Pour cela, rapprochez-vous de votre médecin généraliste, psychiatre, psychologue… ou appelez ces numéros d’urgence.
Association France Dépression : 07 84 96 88 28
SOS Amitié : 09 72 39 40 50
Suicide écoute : 01 45 39 40 00
Écoute-famille : 01 42 63 03 03