Tout comme l’anorexie, la boulimie est une maladie qui fait des ravages. Marie (le prénom a été changé) a décidé de fonder un groupe d’entraide nommé « Les Outremangeurs Anonymes », sur le même principe que les « Alcooliques Anonymes ». Elle s’est confié au journal Le Petit Bleu des Côtes-d’Armor à l’occasion d’un témoignage extrêmement touchant et criant de vérité : il y a encore trop de tabous autour de la boulimie. Elle nous raconte « l’enfer de la bouffe ».
« Mon addiction à la bouffe n’a fait qu’empirer »
Marie a 40 ans et elle vit dans les Côtes-d’Armor, non loin de la ville de Dinan. Avec Alice, une amie dont le nom a aussi été changé, elle a décidé de fonder les OA, les « Outremangeurs Anonymes ». Le but ? Aider ceux qui, comme elles, « connaissent l’enfer de la bouffe et de l’obsession alimentaire ». Marie souffre d’un trouble du comportement alimentaire bien précis, la boulimie :
Aussi loin que je me souvienne, la nourriture a toujours été un problème. Déjà enfant, je mangeais en cachette à la maison. C’est à l’adolescence que les crises de boulimie ont réellement commencé. J’avais honte de me comporter ainsi, je me sentais différente des autres, trop fainéante pour avoir la volonté d’arrêter […] Au fil des années, malgré quelques moments d’accalmie […], mon addiction à la bouffe n’a fait qu’empirer, je mangeais à longueur de journée des quantités de nourriture astronomiques.
Elle précise, avec un goût amer :
C’était du gras et du sucré bien sûr. Quand on est accro, c’est rarement aux haricots verts vapeur…
Boulimie : un sentiment de culpabilité
Tout comme une dépendance à l’alcool ou à la cigarette, Marie est obnubilée par la nourriture. Contrairement à l’alcool ou à la cigarette dont on peut se passer, il est difficile de survivre sans manger. La tentation est donc omniprésente :
Une bouchée de trop et je ne pouvais plus m’arrêter. À chaque nouvelle crise, je me disais : « Juste une petite bouchée et après, j’arrête, cette fois, je vais y arriver, c’est promis ». Mais la petite bouchée en question débouchait toujours sur des crises compulsives à n’en plus finir.
Comme beaucoup de TCA, les crises entraînent Marie dans un sentiment de culpabilité. Son estime de soi se dégrade sensiblement, même si elle n’a jamais été en surpoids. De l’extérieur, il est difficile de deviner le mal qui la ronge :
Mes parents voyaient bien que le contenu des placards disparaissait. Ils pensaient juste que j’étais gourmande.
« Un lendemain de crise, on a vraiment la gueule de bois »
À l’âge de 17 ans, Marie décide de demander de l’aide et d’en parler. Elle entame plusieurs psychothérapies :
Des professionnels de santé m’ont beaucoup aidée. Mais son problème a perduré. Il ne se limite pas aux « crises » puisque la boulimie pèse sur la vie sociale et professionnelle. Entre les moments où vous bouffez, les moments où vous pensez à bouffer et les moments où vous culpabilisez, ça prend du temps.
Marie n’aime pas donner des détails sur les quantités de nourriture qu’elle avalait. Ce qu’elle ne cherche pas à cacher en revanche, c’est ce qu’est la boulimie :
C’est se bâfrer jusqu’à n’en plus pouvoir. Un lendemain de crise, on a vraiment la gueule de bois. Cela revient à se détruire à petit feu. Ça nous atteint physiquement, émotionnellement et spirituellement.
Boulimie : les « Outremangeurs Anonymes pour s’en sortir »
C’est à Rennes que Marie fait la connaissance des « Outremangeurs Anonymes ». Grâce aux réunions et à la méthode, elle arrive à vivre de plus en plus régulièrement des périodes de « sobriété alimentaire » lors desquelles la maladie la laisse tranquille.
Cette fameuse méthode « OA » repose sur un programme d’action dont la première étape vise à reconnaître qu’on est malade. Admettre qu’on n’a plus le contrôle sur sa vie et qu’on veut à tout prix se rétablir. La parole est bien évidemment libre et anonyme :
Il s’agit de savoir ce qu’on va faire pour aller bien durant 24 heures. On ne se projette pas plus loin : on décide d’être abstinent, c’est-à-dire de s’alimenter normalement, une journée à la fois. On respecte un certain protocole. C’est important d’ouvrir et de fermer la réunion. Ainsi on crée une bulle d’échanges et on la referme. On peut tout dire dans ces réunions, mais pas mettre la pression ou porter de jugement les uns sur les autres. C’est ce que garantit, d’une certaine manière, l’anonymat des membres.
Toujours selon Le Petit Bleu des Côtes-d’Armor, les « Outremangeurs Anonymes » ont été créés aux États-Unis en 1960. Ils s’appuient sur le programme des Alcooliques Anonymes (AA), mais pour se libérer d’une obsession alimentaire. Les OA aident les anorexiques, les boulimiques – avec ou sans vomissements – ou les hyperphagiques – qui sont des personnes qui mangent en continu :
Même si certaines personnes ont besoin d’un plan alimentaire pour s’en sortir, nous ne sommes pas un groupe de régime. Et les membres OA n’ont pas de compétences médicales. Participer à ce groupe d’entraide ne dispense pas, donc, d’une prise en charge par un ou des professionnels de santé.
Un jour après l’autre
Bien évidemment, cette méthode n’est pas infaillible. Marie elle-même a connu des rechutes lorsqu’elle s’en est éloignée :
Par ego peut-être, je me suis sentie guérie trop vite…
Aujourd’hui, elle se décrit comme « abstinente ». Elle s’alimente correctement, mais ne sait pas ce que sera demain. Elle vit un jour à la fois :
Il y a toujours cette épée de Damoclès. La rechute, la peur de la rechute, n’est jamais loin. C’est un long chemin et une vigilance de chaque instant.
Vous pouvez obtenir plus d’informations via le site des « Outremangeurs Anonymes« , mais également vous confier sur notre forum, dans la rubrique Santé où de nombreuses lectrices se sont déjà confiées au sujet de la boulimie et des différents troubles du comportement alimentaire.