Troubles alimentaires à la ménopause : un effet secondaire dont personne ne parle

La ménopause marque un grand changement hormonal et ne passe pas inaperçue sur le corps. Elle se traduit par des bouffées de chaleur, des sautes d’humeur imprévisibles ou encore une fatigue accablante. Mais elle ne se résume pas seulement à ces symptômes communs. La ménopause peut aussi faire ressortir des troubles alimentaires jusqu’alors enfouis et créer des tensions avec la nourriture. Et le discours tenu dans certains médias féminins n’est pas là pour arranger ce face-à-face avec l’assiette.

Entre les régimes post-ménopause, le listing des soi-disant aliments interdits à partir de 50 ans et le food shaming à moitié dissimulé, difficile de ne pas tomber dans l’hypervigilance alimentaire. Contrairement aux idées reçues, les TCA ne surgissent pas seulement pendant l’adolescence. À la ménopause, les femmes sont aussi exposées aux troubles alimentaires. Un effet encore sous-estimé, voire totalement ignoré, qui laisse les principales concernées dans l’incompréhension. 

Troubles alimentaires et ménopause : la faute aux hormones

Dans l’imaginaire collectif, la ménopause se vit avec un éventail dans la main et un oreiller sous la tête. Une vision plutôt simpliste de cette période charnière, qui annonce la fin définitive de la coulée rouge. La ménopause marque un tournant dans la vie des femmes. Si elle chasse un problème, elle en crée de nouveaux. En lot de consolation, les femmes ont droit à des bouffées de chaleur, des palpitations, de l’irritabilité et des insomnies. Mais au-delà de ces symptômes qui relèvent presque de l’évidence, les femmes en pleine ménopause peuvent aussi sombrer dans les troubles alimentaires. Un contrecoup de la ménopause que personne n’aborde et qui s’apparente au cadeau empoisonné « de trop ».

La ménopause ne provoque pas des troubles alimentaires. Elle amplifie des TCA préexistants, qui, jusqu’alors, se faisaient discrets au moment d’empoigner la fourchette. Sans surprise, les hormones sont encore sur le banc des accusés. Ces fameuses hormones, qui provoquent des fringales nocturnes et donnent des envies de « gras » juste avant les règles, tirent leur révérence à la ménopause. Les oestrogènes et la progestérone sont alors en voie de disparition. Cependant, les deux ont une utilité et ne sont pas uniquement là pour vous « embêter ». La première joue un rôle essentiel dans la régulation de la faim et du métabolisme.

Lorsque leur taux diminue, l’équilibre hormonal est perturbé, et cela peut entraîner une augmentation de l’appétit ou une sensation de faim décuplée. Les femmes qui ont déjà bataillé avec la nourriture dans le passé ont plus de risques de voir réapparaître ces troubles alimentaires qu’elles pensaient disparus à tout jamais. Certaines vont se ruer sur la nourriture comme pour compenser le mal-être induit par la ménopause tandis que d’autres vont garder les papilles closes pour ne pas voir de changement sur la balance.

Le stress émotionnel, terreau fertile des TCA à la ménopause

Selon une étude publiée en 2017 dans le BMC Medicine, 15 % des femmes âgées de 45 à 60 ans, tranche de la ménopause, présentent des symptômes de troubles alimentaires. Mais les hormones ne sont pas les seules responsables. La ménopause a des répercussions avérées sur le corps, mais aussi sur l’esprit. Et les TCA se développent surtout dans la tête avant de se concrétiser dans l’assiette.

Pendant cette période transitoire durant laquelle le corps fait une grande mise à jour, les femmes ont les émotions en pagaille. Elles sont plus sujettes à l’anxiété et peuvent même avoir des phases dépressives. La nourriture, en particulier les aliments riches et réconfortants, devient un refuge immédiat pour calmer les émotions négatives. Ce phénomène, connu sous le nom d’alimentation émotionnelle, rassure sur l’instant, mais se transforme vite en culpabilité. Les femmes regrettent et se privent de repas pour perdre les calories encaissées durant leur crise. C’est un gouffre sans fin.  

À la ménopause, certaines femmes, déjà en carence d’estime, se sentent aussi déconnectées de leur corps. En perdant leur fertilité, elles ont l’impression de perdre une part de leur jeunesse et de leur désirabilité. Alors elles punissent leur corps avec des régimes sévères dans l’espoir de garder leur silhouette intacte et de contrôler leur reflet. Elles renient la réalité physiologique de la ménopause et refusent de voir leur corps changer. Elles se préparent des menus pauvres en tout dans le seul but de rester « présentables » en société. À la ménopause, les troubles alimentaires poussent les femmes vers les extrêmes. Ils donnent une impression de pouvoir dans une période où tout leur échappe.

Une incitation à « faire attention » qui vient aussi de l’extérieur

Pendant la ménopause, les femmes gagnent entre 3 et 7 kilos et à en croire les titres des médias, elles doivent à tout prix s’en délester. « Astuces pour éviter le petit ventre à la ménopause », « les aliments à bannir de votre alimentation à 50 ans », « comment garder un ventre plat à la ménopause »… ces titres qui suscitent des haut-le-cœur rappellent inlassablement aux femmes de surveiller leur ligne. Cette information se dilue dans leur cerveau et résonne à chaque fois qu’elles mettent les pieds sous la table ou qu’elles ouvrent le frigo.

La société tout entière exige aux femmes ménopausées de rester dans la fleur de l’âge et de conserver un physique tonique comme si c’était une urgence sanitaire absolue. Les femmes ménopausées subissent une forte pression sociale pour maintenir un certain standard de beauté, même en vieillissant. Au lieu d’accueillir sereinement ces changements visibles, elles sont incitées à les masquer ou à les empêcher. À la ménopause, les troubles alimentaires sont exacerbés, mais aussi nourris par la société, qui fait encore l’apologie de la minceur.

Comment gérer ces troubles alimentaires à la ménopause ?

Beaucoup pensent que les troubles alimentaires touchent uniquement les jeunes et s’invitent à l’adolescence lorsque le corps se forme et que les complexes rampent. À la ménopause, les troubles alimentaires sont donc un peu moins attendus, ni même « prévus » dans le package. Lorsque la relation avec la nourriture se dégrade et que les repas sont décousus, ça n’éveille pas les soupçons. Les femmes se disent alors que ce n’est qu’une passade. Mais le scénario se répète encore et encore, la tête dans le paquet de chips ou dans la cuvette.

Les troubles alimentaires sont tellement insidieux qu’il est parfois difficile de poser les termes. Pour que les femmes se méfient de ce symptôme méconnu de la ménopause, il est urgent d’en parler. Pour que les femmes ne se fassent pas ronger par les troubles alimentaires ni ramasser à la petite cuillère à la ménopause, elles ont besoin de soutien. Au lieu de vouloir incarner un « idéal de beauté », elles doivent faire la paix avec leur corps et pratiquer l’autocompassion sans modération.  

« Chaque jour, prenez du temps pour vous, reconnectez-vous à votre corps avec douceur et bienveillance, et rappelez-vous que rien n’est immuable. Vous avez vaincu vos troubles alimentaires étant jeune ? Votre expérience de vie et le soutien que vous trouverez aujourd’hui vous apporteront les réponses et l’ancrage dont vous avez besoin pour aborder cette nouvelle étape », préconise Sophie Kune spécialiste en coaching de la ménopause au média Au Féminin

Ces troubles alimentaires, qui récidivent après des années de tranquillité, traduisent peut-être une peur d’avancer dans l’âge. Au lieu de subir votre ménopause, croquez-là à pleine dent. La ménopause n’est pas une fin en soi. Ne la voyez pas comme un déclin personnel, mais plutôt comme une opportunité pour se renouveler.

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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