Rien qu’avec la voix, on sait que ça ne va pas. Si vous avez su dès le premier son de votre maman au téléphone qu’elle était fatiguée ou énervée, cela ne vous étonnera donc pas que l’on vous révèle que la voix traduit notre état de santé. En cause ? Les variations de prononciation et le timbre de voix trahissent directement un « ça va, ça va » pas très sincère. De nombreuses études sont d’ailleurs en cours pour faire de cet outil sans précédent un premier par vers un diagnostic plus concluant pour de nombreuses maladies. Explications.
Les critères pour poser un diagnostic
Notre cerveau n’analyse pas seulement le contenu des paroles, mais bel et bien, à notre insu, de nombreux paramètres vocaux. En effet, quand on regarde du côté des maladies comme la dépression, Parkinson ou Alzheimer, le fonctionnement neurologique étant affecté, les patient.e.s ont une façon de parler qui est modifiée. La voix recèle donc beaucoup d’informations sur l’état de santé : la personne qui parle dans sa barbe, articule moins, parle lentement, allonge les voyelles… Ainsi, deux paramètres fondamentaux rentrent en compte pour analyser ce qu’on appelle les « inférences » :
- D’une part, les acoustiques mesurant la qualité de la voix, c’est-à-dire la fréquence, l’énergie, la nasalité ou son l’amplitude. Est-ce que la voix est aiguë, grave, forte, douce ? Est-ce qu’elle fait de grandes variations ou est-elle monotone ?
- D’autre part, les « prosodiques », c’est-à-dire la durée des voyelles, la vitesse d’élocution, la longueur des pauses. Ces marqueurs permettent de calculer le rythme de la parole, de la prononciation et de l’articulation du/de la locuteur.rice. Les voyelles sont-elles allongées ? Certaines syllabes sont-elles modifiées ?
Ce que votre voix dit de vous
D’une manière générale, toutes les maladies qui affectent le cerveau ont une signature vocale. Certain.e.s évoquent même la possibilité que d’ici peu de temps, on puisse évaluer sa condition physique tout seul, sur son smartphone. Sonde Health est une plate-forme capable par exemple d’enregistrer le son de votre voix sur plusieurs jours pour y déceler un quelconque changement. Selon les universitaires, cela permettrait de détecter les maladies mentales et physiques telles que la dépression ou les problèmes cardio-vasculaires. Selon PureTech, l’entreprise créatrice de Sonde Health, les chercheurs ont ainsi pu isoler des modulations de la voix et les lier à certains troubles. Ainsi, une grippe donne par exemple un ton nasal.
Une autre société, Cogito, développe une application d’analyse vocale pour le ministère américain des Anciens Combattants. Elle permet de surveiller l’humeur des anciens soldats.
D’autre part, des études ont été menées sur la dépression pour déterminer les caractéristiques de la voix d’un.e patient.e déprimé.e. Résultat ? Il.elle marque de longs temps de pause, a une voix douce, son débit de parole est très lent, inférieur à quatre syllabes par seconde et la voix porte moins. Elle ne couvre que 20 à 30 % d’une octave.
Une avancée considérable pour les maladies dégénératives
La voix est ainsi un outil très intéressant dans la recherche pour la maladie de Parkinson ou d’Alzheimer, car aujourd’hui le retard de diagnostic complique la prise en charge des patient.e.s. Grâce à la voix, avec sa facilité d’acquisition et son faible coût logistique, pour Christophe Haag, chercheur en sciences du comportement, « cela permettra de repérer les marqueurs de la maladie à un stade précoce. On pourra donc diagnostiquer les malades et les prendre en charge très tôt « .
« Quand une personne est atteinte de la maladie de Parkinson, il y a une perte de la synchronisation entre les différents muscles de la respiration et de la voix. À la fin la voix est moins nette, moins forte et moins modulée « – Marie Vidaillhet, neurologue.
Et aujourd’hui on est où ?
Pourquoi ces systèmes ne sont-ils pas encore utilisés dans la pratique ? À cause des différentes langues dans les bases de données, des mesures des pathologies multiples ou encore des populations diverses. Par exemple, une personne dépressive peut aussi être dyslexique ou avoir un rhume. Dans ce cas, les deux maladies s’expriment dans la voix, et on ne peut pas encore bien les différencier.
La fiabilité des systèmes est aussi à prendre en compte. Si l’intelligence artificielle pose un mauvais diagnostic, il y a de grandes conséquences sur la prise en charge d’un.e patient.e. Tout doit être vérifié et revérifié de multiples fois. La recherche est un processus qui prend du temps.
Un autre frein est celui de l’éthique et plus particulièrement de la question du respect de la vie privée des utilisateur.rice.s de ces d’appareils connectés. Que penser des entreprises privées qui commercialisent les informations récoltées potentiellement à l’insu de leurs usagers ?
Enfin, pour le moment, la technologie n’est pas assez suffisante pour déterminer qui est malade ou non uniquement avec la base d’une voix. Mais elle peut devenir une véritable aide au diagnostic en complément des méthodes traditionnelles. Êtes-vous pour ou contre le développement de ces nouvelles technologies ? Partagez votre avis sur le forum.