PMA : ce compte Instagram brise le tabou et libère la parole

La PMA, autrement dit « procréation médicalement assistée », est au cœur des débats. Et pour cause, nous vous annoncions récemment l’adoption du projet de loi bioéthique et sa mesure phare : l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. Si le projet a été majoritairement voté par l’Assemblée Nationale, que sait-on vraiment réellement de la procréation médicalement assistée ? Peu de choses. Et c’est pourquoi Mélanie, une Française de 35 ans, a décidé de créer « Parlez-moi d’amour » :

Un compte Instagram qui parle librement de procréation médicalement assistée, de comment ça se passe, de l’impact dans le quotidien, de déceptions et d’espoirs.

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Bonjour et bienvenu.e.s sur ce compte ! J’ai eu envie de parler de PMA (oui, vous avez vu, Parlez-moi d’amour, ça fait PMA, c’est fou non ?) car c’est mon quotidien depuis plusieurs mois. Parce que quand le désir d’enfant se heurte à l’impuissance de la nature, on se trouve parfois bien démunis et que, dans ces cas-là, le parcours médical qui nous attend est si compliqué, vaste, effrayant, qu’il est précieux de lire ce que d’autres en ont retenu. Également parce qu’en cherchant des renseignements sur le sujet, en parlant autour de moi, en tendant l’oreille, j’ai constaté à quel point ce sujet était tabou, secret, presque honteux parfois. On ne dit pas qu’on suit un parcours de PMA. On le cache, maladroitement, au creux de son quotidien, au fil des rendez-vous, des prises de sangs et des espoirs déçus. On ne dit rien parce qu’on a peur de devoir annoncer des échecs. Ou parce qu’on ne veut pas entendre que « ça fonctionnera quand on arrêtera d’y penser » ou qu’on sera « moins stressé ». Comment, au juste, arrête-t-on d’y penser quand on a 5 ou six prises de sang par semaine ? Et autant d’échographies ? Une ou deux piqures par soir ? Des prescriptions quotidiennes par téléphone ? Des interventions chirurgicales en permanence ? Dans notre société qui valorise le succès, il semble parfois que cette tentative désespérée d’enfanter doit se dissimuler, loin du regard de ceux qui n’en soupçonnent même pas les contraintes, et l’acharnement dont il faut parfois faire preuve pour en venir à bout… Avant d’y être confrontée, je n’avais aucune idée de ce que la PMA implique. De l’organisation que ça suppose au quotidien, pendant des semaines, des mois, parfois des années. De la course permanente aux rendez-vous, aux piqures, aux examens. Personne, à moins de l’avoir vécu, ne sait ça. A l’heure où le droit à la PMA devrait-être, espérons-le, étendu à toutes les femmes, je crois aussi qu’il est important de montrer qu’il n’y a pas d’enfants plus désirés, plus attendus, et plus aimés que ceux qui naissent à l’issue de ce parcours du combattant. Qu’il n’y a pas de « PMA de confort ». Que ce n’est jamais confortable. (suite en commentaires ⬇️)

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Trop peu d’informations sur la PMA

Saviez-vous qu’en France, 1 enfant sur 30 est conçu grâce à la PMA ? Même si les couples hétérosexuels y avaient de plus en plus facilement accès, cela reste un parcours difficile et entouré d’un tabou.

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Dix sept. C’est le nombre de seringues que je suis allée chercher à la pharmacie ce matin. . Je commence le traitement demain (2e jour de mon cycle). Une piqure par jour du 2e au 10e jour, puis deux par jour à partir 10e. . Mon médecin m’a dit : « Bon, ça c’est un stylo, vous connaissez déjà, vous tournez la petite roue pour le dosage et vous vous piquez rapidement, ça ne fait pas mal. Ça, en revanche, ce sont des seringues. C’est un peu plus technique, et surtout, ça fait mal. En plus ce produit provoque des réactions cutanées, donc vous allez sentir que c’est vraiment pas agréable. Bon, la seringue est pré-remplie, vous faîtes sortir la bulle d’air en tapant un peu dessus, et vous piquez. Ça va aller ? » . Pendant le traitement, je dois faire une prise de sang tous les deux jours, le matin avant 9h. Il faut que les résultats soient faxés à mon médecin avant 16h. Je dois également faire une échographie, tous les deux jours aussi, pour voir comment grossissent mes petits follicules. En fin d’après-midi, le cabinet du médecin m’appelle, on fait le point sur les résultats de prise de sang et d’échographie, et on adapte le dosage du traitement (des piqures, donc), en fonction. . C’est une course permanente entre les analyses et consultations à faire tôt le matin, les piqures à faire le soir à heure fixe, l’attente des instructions du médecin par téléphone, et une journée de boulot à caler entre tout ça. . Et en filigrane, l’attente du coup de fil tant espéré (mais incertain), au bout d’environ 2 semaines de traitement : « c’est bon Madame, vos follicules sont mûrs, rdv demain à 7h à la clinique pour la ponction, prenez une douche à la bétadine ce soir et soyez à l’heure pour l’hospitalisation ». . Du coup, question : comment on annonce à son patron que MEGA SURPRISE, on doit subir une intervention chirurgicale le lendemain ?

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Mélanie, la créatrice de « Parlez-moi d’amour », a essayé sans succès de faire un bébé durant deux ans. Désireux de fonder une famille, son mari et elle se sont lancés dans le parcours pour la PMA. Sauf qu’une fois les démarches administratives faites, elle n’a rien trouvé sur le ressenti durant ce parcours du combattant :

Il n’y avait que des infos très institutionnelles et scientifiques, ou au contraire des forums de questions-réponses précises. Moi je voulais quelque chose qui me dise si j’allais avoir mal ou pas, ce que j’allais ressentir et vivre, qui prenne de la hauteur.

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Dans un précédent post, je vous parlais de la stimulation ovarienne et des piqures qui permettent de faire murir plusieurs follicules, et d’essayer d’obtenir des ovocytes. Quand cela fonctionne, il y a donc ensuite l’étape de « collecte » des ovocytes, qu’on appelle la ponction. C’est un acte chirurgical, qui peut être réalisé en anesthésie locale ou générale (souvent au choix de la patiente). J’ai, pour ma part, choisi d’être totalement endormie. La ponction s’effectue en chirurgie ambulatoire : on entre le matin à l’hôpital, on est opérée dans la foulée et on ressort dans la journée, dès qu’on est suffisamment vaillante pour tenir debout. L’intervention a lieu au bloc opératoire. On s’installe sur une table qui ressemble à une table d’examen gynécologique, si ce n’est que les étriers sont des genres de petites bottes dans lesquelles on vous sangle les pieds pour que vous ne bougiez pas du tout pendant le prélèvement. Je préfère le préciser, car c’est un peu impressionnant la première fois. Pour aller chercher les ovocytes à l’intérieur de leurs petits follicules, le chirurgien insère une très longue aiguille par voie vaginale, puis transperce la paroi du vagin pour aller ponctionner directement sur les ovaires. Préalablement, une dernière injection, réalisée à la maison 36h plus tôt, aura permis d’amorcer le processus d’ovulation et de faciliter l’opération. Personnellement, je n’ai pas trouvé ça douloureux (bon, je dormais, certes), mais je pense que ça dépend des femmes. A côté de moi en salle de réveil, une patiente se tordait de douleur. Il y a différentes causes d’infertilité et pathologies, donc le ressenti est très variable, je pense. Dans les heures et jours qui suivent, on ressent une gêne équivalente à de petites douleurs de règles. Plus une très grosse fatigue due à l’anesthésie. On nous prescrit des antidouleurs et un traitement antibiotique. Le matin de la ponction, le futur père est également convoqué pour réaliser ce qu’on appelle pudiquement le « recueil de spermatozoïdes ». Commence ensuite une succession de verdicts sur le succès, ou non, de la procédure (Suite ci-dessous en commentaires ⬇️)

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Très vite, elle comprend qu’elle va devoir répondre à elle-même à ses propres questions. C’est ainsi qu’elle crée « Parlez-moi d’amour », dans l’espoir que ce compte Instagram serve aussi à d’autres femmes, libère la parole et brise le tabou.

Briser le tabou et libérer la parole

Car oui, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le fait de ne pas pouvoir faire d’enfant est très intime. On a peur de le dire, peur d’être jugé. Le projet de Mélanie a donc aussi une visée pédagogique. L’objectif est de parler ouvertement de ce sujet généralement gardé sous silence.

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Il y a une dimension d’échec omniprésente qd on suit ce parcours. Il est partout, et devient un élément permanent de nos vies. Déjà, parce que c’est la source du problème : c’est parce qu’on arrive pas à avoir un enfant qu’on se retrouve là (exception faite des couples de femmes, que j’embrasse, mais dont je connais forcément moins bien la situation). Nous sommes ceux qui échouent, de base. Ceux pour qui ça foire. Mais aussi parce qu’ensuite, chaque étape du parcours (et il y en a beaucoup) peut faire capoter l’ensemble du processus. – La stimulation ovarienne peut foirer. On peut ainsi se retrouver avec trop peu de follicules murs pour passer à l’étape suivante. – La ponction peut foirer : Même si on a suffisamment de follicules, il est possible que certains ne contiennent pas d’ovocytes suffisamment matures pour être fécondés. Et il n’y a aucun moyen de savoir si un follicule contient un bel ovocyte avant la ponction. – La fécondation peut foirer. Pour des raisons qu’on ne comprend pas toujours, il est possible que la rencontre de l’ovocyte et des spermatozoïdes ne se fasse pas et qu’on obtienne aucun embryon. – Le développement des embryons peut foirer : même si on arrive à obtenir des embryons, ils peuvent stopper leur développement au bout d’un ou deux jours, toujours sans qu’on comprenne vraiment pourquoi. – Et enfin, le transfert peut foirer. C’est-à-dire que même si on atteint cette ultime étape, il est possible que l’embryon ne s’accroche pas, et qu’aucune grossesse ne s’en suive. Bref, il faut apprivoiser l’échec, car il fait partie de notre quotidien. A chaque palier, on attend, on espère, et souvent, on est déçus, car il est rare de franchir toutes ces étapes avec succès. Le plus souvent, on doit multiplier les tentatives pour espérer y arriver. Parfois, l’échec est tellement présent qu’on se demande si on ne s’acharne pas, juste pour pouvoir se dire qu’on a réussi. Est-ce qu’on veut à ce point un enfant, ou est-ce qu’on veut vaincre ces échecs ? Comment rester positif quand, toutes les semaines, à chaque rendez-vous, on doit se préparer à ce qu’on nous dise « bon, on arrête là » ? Comment faire pour supporter ça ?

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En effet, peu de couples se confient librement à leurs amis ou leurs familles à propos de ce véritable parcours du combattant qu’est la PMA. Ce compte permet aussi aux proches d’aborder le sujet sans avoir peur de blesser ou de vexer les couples qui essayent de procréer.

PMA : un parcours décortiqué

Si vous visitez son compte Instagram, vous verrez que la jeune femme décortique son parcours à chaque fois qu’elle poste une photo. Elle ne laisse rien au hasard : nombres de seringues nécessaires pour faire un cycle de traitement, calendrier des piqûres, prises de sang, échographies de contrôle, ponctions, doses d’hormones

Elle se confie aussi en parlant de son état d’esprit, de ses petites victoires, les verdicts décevants ou encore de l’attente interminable :

Il y a un vrai manque du côté de l’accompagnement des personnes en parcours PMA. On ne nous dit rien, ne nous explique rien, on nous dit juste « c’est normal » lorsqu’on s’interroge par exemple sur les kilos pris à cause des hormones. Alors que c’est important, parce que c’est très dur.

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J’avais promis d’aborder un peu l’aspect psychologique de la PMA, donc je me lance. On m’avait prévenu dès le début : il y aura des hauts, et il y aura des bas. Depuis ma dernière ponction, je suis dans un très très très bas. Je pense que les doses d’hormones que j’ai prises le mois précédent (450 ui, soit la dose maximale possible), puis leur arrêt brutal n’y sont pas totalement étrangers, mais c’est dur. Je pleure tout le temps, je suis de mauvaise humeur et je rejette tout le monde, alors que, paradoxalement, la seule chose dont j’ai besoin au fond, c’est qu’on me tienne la main et qu’on me dise que tout ira bien, quoi qu’il arrive. C’est comme si plus rien ne sera plus jamais léger après tout ça. J’ai l’impression de me forger une énorme carapace à l’extérieur, mais de me briser en mille morceaux à l’intérieur… . Un des trucs les plus difficiles dans ce parcours, c’est de gérer les grossesses et les naissances des autres, de ceux pour qui ça fonctionne. Quand il s’agit de gens qu’on aime, il y a un mélange de sentiments complexe : une vraie joie pour eux, sincère, mais aussi une jalousie un peu honteuse et donc, enfin, une grande culpabilité. C’est un sentiment terrifiant, et, dans mon cas, omniprésent puisque ces derniers mois, on m’annonce environ une grossesse par semaine… Qu’est-ce que j’ai fait, au juste, pour ne pas avoir droit aux mêmes bonheurs que les autres ? C’est d’une cruauté abyssale. Alors je fuis les soirees de jeunes parents, les amis qui se réjouissent d’un bébé à venir, les discussions sur l’éducation des gosses, et je m’isole encore plus, en ayant cette trouille de finir non seulement seule, mais aussi aigrie. J’ai souvent envie de tout arrêter car j’en ai ma claque de me mettre dans tous ces états et j’aimerais vivre tranquillement sans être sur les montagnes russes de l’humeur en permanence. Puis je culpabilise vis à vis de mon mec et je me dis que je ne peux pas le priver, lui, de cette chance infime d’être père. Combien de temps je vais tenir à ce petit jeu de l’autoflagellation ? Bonne question. Je n’ai pas la réponse. Mais j’essaye très fort de la trouver, et de réunir mes forces…

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Elle en profite aussi pour passer un message plus général à tous ceux qui sont contre la procréation médicalement assistée pour toutes les femmes :

Une PMA ce n’est pas ‘on entre et on sort de l’hôpital avec un enfant en claquant des doigts’. Les bébés PMA sont des bébés très très désirés, et donc très très aimés, qui que soient leurs parents.

Un très beau message de tolérance que nous soutenons à 100 % ! Vous êtes passée par la PMA ou vous souhaitez plus de renseignements ? Racontez-nous et venez échanger sur nos forums, plus particulièrement dans la rubrique Santé.

Amandine Cadilhon
Amandine Cadilhon
Journaliste mode, mes articles, mettent en lumière les diverses tendances et styles qui façonnent l'univers de la mode féminine. Mon objectif est de proposer un contenu diversifié et accessible à toutes et tous, en soulignant l'importance de l'expression personnelle et de l'empowerment à travers la mode.
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