Il y a cinquante ans, les relations amoureuses prenaient fin dans le monde réel ou par voie postale. Des mots douloureux, mais sincères étaient véhiculés avec poésie, brutalité ou philosophie. Les couples d’autrefois se livraient à des face-à-face rudes et sans filtre pour mettre un terme à leur idylle. Mais aujourd’hui, avec l’arrivée des réseaux sociaux, les ruptures ont pris une tournure plus vicieuse. Pour amorcer la séparation, certains êtres sournois usent du « curving ». Une technique 2.0 perverse qui consiste à effacer l’autre en douceur, tout en conservant la flamme. Ce rejet dissimulé fait des ravages. Explications.
Liaisons virtuelles vicieuses
À l’ère de la Covid, les liens de tendresse tombent à la renverse. Aujourd’hui, les sites de rencontre se sont normalisés, donnant naissance à un boom des correspondances virtuelles. Sur la toile, les liens se tissent, les conversations nocturnes s’enchaînent et les heures de FaceTime s’allongent au fil des mois. Cet univers pixélisé apparaît comme un refuge réconfortant pour toutes ces âmes en perdition. Mais la romance peut rapidement virer au cauchemar.
Les relations 2.0 donnent aussi naissance à toute une batterie de néologisme en -ing et cela ne présage rien de bon. Le « ghosting » en est devenu un emblème de caractère. En un claquement doigt, votre bien-aimé·e se volatilise et disparaît des radars sans crier gare. Le cœur meurtri, l’esprit détruit, l’espoir anéanti… cette technique s’apparente à un tsunami pour celui ou celle qui la vit.
Dans cette large palette de méthodes aussi inattendues que cruelles, le « curving » se hisse sur le podium. Mis en lumière pour la première fois par Brittany Cox du Thought Catalog en 2017, ce phénomène est bien plus insidieux et malsain que le « ghosting ».
Le « curving », une méthode cruelle
Le « curving » détruit la relation à petit feu de façon très subtile. L’Urban Dictionary, dictionnaire anglophone et bible de l’argot, le décrit ainsi : « c’est comme le « ghosting » mais en plus violent, parce que les gens veulent avoir l’air gentils ». En pratique, la personne qui use du « curving » met ainsi en place une stratégie d’évitement digne des plus grand·e·s acteur·rice·s tout en entretenant la flamme de l’espoir.
Pour vous projeter davantage, imaginons un scénario type. Depuis quelques semaines, vous vivez une histoire sans embûches. Vous échangez régulièrement par message et vous avez l’impression d’être sur un nuage tant il·elle vous comble. Vous avez noué une forme d’attachement intense pour cette personne, mais petit à petit, il·elle devient plus distant·e.
Ses textos se font rares et les jours passent, mais l’écran reste noir. Au bout de quelques semaines, il·elle vous donne enfin signe de vie : « Je suis désolé·e, j’avais beaucoup de choses à faire ces derniers temps, je viens seulement de lire tes messages ». Une excuse classique qui éveillera pourtant chez vous une forme d’apaisement. Dans un soupir, vous lâchez un « Ouf, il·elle est revenu·e, je suis rassuré·e ». Mais la spirale infernale s’est belle est bien enclenchée. Pendant que l’un se démène pour fructifier la relation, l’autre se défile et s’appuie sur une parade trompeuse.
Interrogé par le site anglais Métro, le coach en séduction Ben Edwards esquisse un portrait-robot intéressant. « L’adepte du « curving » se révèle extrêmement sournois. Il ne sera jamais méchant ou offensif avec sa proie, au contraire. Il restera à son écoute, il continuera à lui parler comme si de rien n’était via une messagerie sur les réseaux sociaux ou par mail, mais elle n’est tout simplement pas sur sa liste de priorité ». Cette liaison dangereuse reflète surtout une forme de lâcheté. La confrontation directe effraie et le chemin de l’évitement se dessine comme une solution de facilité.
Comment sortir de cette boucle sans fin ?
Pour interrompre ce jeu toxique et battre cet as de la manipulation, le chemin est long. Devant le « curving », on a tendance à se voiler la face pour ne pas briser les chaînes de l’amour ou sombrer dans un profond chagrin. Mais pour renvoyer la flèche de Cupidon à bon port, la case « séparation » est quasiment inévitable.
Aussi, soyez à l’écoute de vos proches puisque bien souvent, il·elle·s portent un regard plus neutre et juste que vous. L’accompagnement d’un·e thérapeute peut s’avérer nécessaire également afin d’éviter de plonger dans le gouffre de la déprime.
Aux antipodes des films à l’eau de rose, internet s’apparente davantage à un temple des vices. Derrière les visages angéliques se cachent parfois des cornes de diable bien enfouies…