Exploré par simple curiosité, le porno aguiche le clic dès le plus jeune âge. Alors que la loi sur le numérique a pour ambition d’interdire l’accès à ces sites aux mineurs, les ados continuent de s’y précipiter, en pensant acquérir les bases de la sexualité. Pourtant, les films X sont à des années-lumière de la réalité et de la « pédagogie intime ». Ils font une lecture très brutale des rapports sexuels. Les scénarios, tous plus « spectaculaires » les uns que les autres, reflètent des pratiques violentes où les femmes ne sont que les esclaves sexuelles des hommes. Ces ébats artificiels dégoulinent de masculinité toxique et de stéréotypes médiocres. Le porno, tristement utilisé en combustible de désir ou en zone d’apprentissage, impacte inévitablement notre vie sexuelle. C’est ce que pointe une enquête Ifop inédite. Récit d’une libido sous influence.
Le porno, ou l’intériorisation de stéréotypes ultra sexistes
Dans le cadre du projet de loi qui vise à mieux protéger les mineurs dans la sphère numérique, une enquête Ifop s’est penchée sur les effets désastreux de la consommation de porno sur la sexualité et les rapports de genre. Cette étude exclusive intitulée « #MeToo in the bed » révèle comment les films X se transposent à notre vie sexuelle. Si 71 % des répondant.e.s estiment que le porno n’a pas de répercussion sur leur « jeu de jambes », il infuse pourtant de nombreuses idées toxiques sur le sexe.
Bien loin de la portée « éducative » que beaucoup d’ados leur attribuent, les films pornos font une propagande déguisée du patriarcat. D’abord, la grande majorité d’entre eux reposent sur un regard masculin, le fameux male gaze. Les femmes sont alors réduites en « instrument de désir », en jouet sexuel tandis que les hommes dirigent leur chibre d’une main de fer. Soumises de force, elles s’exécutent sans broncher sous les gestes menaçants de leur partenaire d’acting. Dans de nombreux cas, la douleur exprimée par les femmes est tout sauf de la comédie.
Au total, 90 % des contenus pornographiques présentent des actes non simulés de violences physiques, sexuelles ou verbales envers les femmes. Une image extrêmement massacrante qui incite à enfreindre toutes les formes de respect. Ce rôle « dominant-dominée » que vante le porno se retrouve inconsciemment dans notre vie sexuelle. Notamment chez la gent masculine. Selon l’étude Ifop, 40 % des hommes pensent qu’il est normal d’avoir un rapport pour faire plaisir à son conjoint même sans en avoir envie. Une pensée qui fait écho au « plaisir égoïste » crasse du porno.
Le consentement régulièrement bafoué
Le consentement est une notion que les films porno ont totalement passée à la trappe. Il n’est jamais explicitement demandé. Pire, il est régulièrement dénigré. Le porno valorise la « culture de viol » et l’aborde sous le filtre de la « banalité », comme si c’était naturel. Les femmes sont alors incitées à se plier à certaines pratiques contre leur gré, toujours avec une tonalité agressive. Même si « c’est pour de faux », ces scénarios induisent que le corps des femmes est une « marchandise » utilisable n’importe quand et n’importe comment.
Fatalement, beaucoup en font une « ligne de conduite » dans la confidentialité de leurs chambres à coucher. Encore une conséquence délétère du porno sur notre vie sexuelle en 4D. Comme le souligne l’étude Ifop, 22 % des hommes ont effectué au moins une fois une pratique sexuelle sans le consentement de leur partenaire. Encore plus affolant, 10 % ont déjà eu une pratique sexuelle avec un partenaire qui avait clairement refusé, ce qui s’appelle un « viol ».
L’Ifop a également répertorié plusieurs pratiques typiques du porno mainstream comme l’éjaculation faciale, buccale, la biffle ou encore la sodomie. Là aussi, les chiffres sont assourdissants : 50 % des femmes ont été initiées à au moins une de ces pratiques « grossières » sans avoir donné leur accord. En plus d’entacher l’imaginaire sexuel des Français.es, le porno obstrue totalement leurs désirs « personnels ».
Un culte de la performance qui agit sur la santé sexuelle
Dans les pornos, les hommes semblent avoir une résistance quasi « divine ». Ils enchaînent les coups de rein sans discontinuer et tiennent sur la durée avec un chrono « record ». Même lorsqu’ils lâchent leur sperme jusqu’à la dernière goutte, ils ont encore du rendement pour un second round. Ils abordent le sexe comme une compétition, ce qui souligne un peu plus ce trait du mâle Alpha.
En associant sexualité et performance, le porno génère d’énormes complexes chez les hommes. Dans leur intimité, ils peuvent faire face à des dysfonctions érectiles, des problèmes d’éjaculation voire même une chute de leur libido. Le porno transforme la vie sexuelle de ces messieurs en néant. Au lieu d’émoustiller comme certains le prétendent, il crée une panne sèche qui peut vite devenir handicapante.
Les films X sous-entendent qu’un homme doit être « une machine de guerre » au lit, sans quoi il se verrait attribuer l’étiquette du « mauvais coup ». Une démonstration de « talents » à l’arrière-goût machiste qui instaure une vraie « pression ». Les hommes ne vont pas chercher à faire plaisir à leur partenaire, mais à rassurer leur égo.
Le porno impacte la vie sexuelle, mais aussi le cerveau
Le porno ne déforme pas seulement la vie sexuelle, il agit directement sur un de nos organes moteurs : le cerveau. C’est surtout le cas lorsque le visionnage est immodéré, voire addictif. Consommé à forte dose, le porno peut avoir les mêmes effets désastreux que la toxicomanie. C’est ce que révélait un comité scientifique à travers une étude de grande ampleur.
Selon les experts, les vidéos pornographiques créent un système de dépendance comme le ferait une drogue. Ils boostent anormalement le taux de dopamine et anesthésient les autres sources « primaires » de plaisir. En résumé, ce cyber-sexe devient plus satisfaisant que le sexe palpable. Et c’est un engrenage. Comme un.e toxico qui va chercher des drogues plus dures pour avoir des « sensations » plus intenses, une personne qui glisse dans la consommation compulsive de porno va chercher des scénarios plus « crus ».
Mais la transformation interne ne s’arrête pas là. Avec ses scripts féroces, le porno sollicite les neurones miroirs. Ces cellules cérébrales s’activent lorsque quelqu’un accomplit une action. Elles vont emmagasiner un comportement et le reproduire par mimétisme une fois que la situation se produira dans la vraie vie. Ce qui pousse inconsciemment à un sexe « brutal » et abusif.
Le visionnage du porno, de plus en plus jeune
Le porno a toujours existé. Nos ancêtres préhistoriques le sollicitaient déjà sous des formes plus abstraites pour se titiller l’entrejambe. Sauf que voilà, la pornographie s’est profondément radicalisée avec l’effervescence numérique. Si les anciennes générations devaient batailler pour se procurer une revue « coquine », désormais, les jeunes ont un accès illimité à une sexualité « médiocre » et dépravée. Que ce soit pour espérer rattraper des lacunes en matière d’éducation sexuelle ou par simple « voyeurisme », les ados franchissent la porte du porno de façon plus précoce.
Selon l’étude Ifop citée plus haut, 57 % des jeunes font le « baptême » de leur premier film porno à moins de 15 ans. En comparaison, c’était 30 % il y a dix ans. Cependant, avec le projet de loi sur la régulation du numérique qui se présage à l’Assemblée nationale, les habitudes pourraient changer. Le texte prévoit de dresser de nouvelles barrières pour restreindre l’accès aux sites porno et ainsi mieux filtrer l’âge des utilisateur.ice.s. Une initiative saluée par 91 % des répondant.e.s.
À l’époque, les enfants reluquaient avec beaucoup de second degré les magazines pornos planqués sous le lit des parents. Mais cette ère est révolue. Désormais, un porno « virulent » s’affiche en 4K sous les yeux candides des plus jeunes. Ce porno choc qui transgresse toutes les règles de bienséance construit une vie sexuelle déséquilibrée qui place les hommes sur un piédestal et exploite les femmes.