Lire les petites histoires du soir, s’assurer que son enfant a bien mangé, l’aider pendant ses devoirs… autant d’activités bien ancrées dans la vie de parent. En revanche, quand votre enfant vous questionne sur ses parties intimes, le sentiment de gêne prend parfois le dessus. Vous tournez le sujet en dérision en utilisant des petits surnoms enfantins comme « zézette » ou « kiki ». Pourtant, nommer les appareils génitaux correctement dès le plus jeune âge est fondamental. Explications.
Un tabou déguisé
« Nénette », « minou », « quéquette », « zizouille », « petite fleur », « founette », « nénuphar » ou encore « zigounette »… les parents ne manquent pas d’imagination pour détourner le véritable nom des parties intimes. Mais ces petits surnoms teintés d’humour et de douceur cachent en réalité un grand tabou.
Comme le révèle un sondage, réalisé par Eve Appeal, une association qui œuvre pour prévenir les cancers gynécologiques, c’est même une habitude pour 44 % des parents interrogés, qui admettent préférer emprunter des « euphémismes » au détriment des termes scientifiques exacts. Pour certains, dire « pénis », « vulve« , « vagin », « anus » devant leur enfant est honteux, voire interdit. Ces barrières que l’on s’impose volontairement n’ont rien de bon pour nos enfants. Au contraire, selon des voix expertes, elles ont plutôt tendance à freiner leur construction personnelle.
Si l’on nomme clairement le nez, la bouche, les genoux, les yeux… pourquoi laisser un flou sur les appareils génitaux ? En réalité, le surnom déguise une gêne ou une honte. Les parents pensent que les vrais termes sont trop « brutaux » pour les oreilles de leur petit.e puisque, pour certains, ils font directement référence à la sexualité. Mais cette relation au corps, cette pleine conscience des organes qui nous composent est essentielle pour apprendre à se connaître.
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Posted by Pomme d'Api on Monday, March 4, 2019
Pourquoi la dérision n’est-elle pas la solution ?
À trop vouloir coller des étiquettes « drôles » voire « loufoques », on rabaisse les appareils génitaux au rang de « pipi-caca ». En utilisant des termes « candides », sur un ton comique, les enfants prennent le sujet à la légère. Ils ne vont pas vraiment saisir l’importance de leurs membres.
Pourtant, la fascination des tout.es petit.e.s pour leur corps commence aux alentours de 4 ans. À partir de cet âge, les sens s’éveillent, la curiosité domine, les enfants se découvrent, iels apprennent que les filles et les garçons ne sont pas constitués de la même manière. Plonger les vrais termes dans le silence ne fait que renforcer l’incompréhension de l’enfant. Cette technique du détournement peut alors avoir une incidence dans sa vie d’ado et créer des complexes par exemple. Il y a quelque chose de très mystérieux et de très angoissant pour un jeune enfant. En plus, chaque parent n’utilise pas forcément les mêmes surnoms pour désigner finalement la même chose et c’est très déstabilisant.
Dans un article du journal The Atlantic, Laura Palumbo, spécialiste du traitement des violences sexuelles, affirme ainsi qu’il faut lever ce tabou pour le bien-être de son enfant. « Enseigner aux enfants des termes anatomiquement corrects, en fonction de leur âge, promeut une image du corps beaucoup plus positive », explique-t-elle. En parler, c’est aussi évoquer la notion de consentement et c’est un aspect clef de cette éducation sexuelle précoce. Si on explique tôt, avec des mots simples, sans tomber dans l’immature, ce que sont les appareils génitaux, il sera aussi plus facile d’identifier des violences sexuelles.
« Ne pas appeler un chat un chat est donc risqué, car cela peut amener un enfant à être mal compris, en particulier s’il y a eu des attouchements et qu’il doit le signaler », affirme dans le HuffPost, Melissa Carnagey, éducatrice sexuelle
Parler sans filtre, un enjeu de taille
Difficile de franchir le cap lorsque l’on hérite de ces petits surnoms de génération en génération. D’ailleurs, il existe plusieurs alternatives pour évoquer de manière ludique ces aspects « gênants » du corps humain. Une illustratrice québécoise propose, par exemple, une BD sur le consentement. Ses dessins expliquent que nous sommes en droit de refuser un câlin ou un bisou si l’on n’en a pas envie. « Enseignons à la prochaine génération une règle de base toute simple que bien des adultes ne semblent jamais avoir apprise », conseille-t-elle sur Facebook.
Si, à la sortie du bain ou en changeant de vêtements, votre enfant vous demande : « Pourquoi j’ai un zizi et pas ma soeur ? », ne détournez pas sa question. Prenez le temps de lui expliquer son anatomie, ne le laissez pas dans l’incertitude. Vous pouvez simplement répondre que le sexe des filles, lui, est rentré, qu’on ne le voit pas. Il faut aussi préciser que les organes génitaux font partie du privé et que personne n’a le droit d’enfreindre ce cercle intime sans son accord.
D’une part, vous créez un dialogue constructif et d’une autre vous faites naître de la complicité. Un climat de confiance avec votre enfant s’installera petit à petit. Ainsi, si le sujet ressurgit au cours d’une conversation, il n’aura pas honte d’en parler.
« Nous ne voulons pas que les enfants pensent qu’iels vont avoir des ennuis en posant des questions sur la sexualité et la santé. En ce sens, nous avons besoin que tou.te.s les adultes deviennent de vrai.e.s partenaires pour tout enseignement qui a trait au développement et à l’intimité », affirme l’experte Laura Palumbo
Des moyens ludiques pour aborder la sexualité
Parler de tous les pans de la sexualité avec son enfant peut sembler effrayant, mais c’est très important. Munissez-vous d’un vocabulaire simple et compréhensible, de supports pédagogiques ainsi que d’une bonne dose de courage… Et vous serez armé pour mettre de vrais mots sur les appareils génitaux, de la façon la plus naturelle possible.
Pour vous épauler dans cette démarche bienveillante, il existe de nombreux livres. À titre d’exemple, il y a « L’amour et les bébés » pour les plus petits ou encore l’incontournable « Guide du zizi sexuel« pour les 10-12 ans.