Celles qui jouent les Anastasia Grey dans l’intimité et qui réclament des fessées à leur « maître » sont souvent hissées en traîtresses. Pour certaines, elles sont l’antithèse même du féminisme. Dans l’imaginaire collectif, la « bonne féministe » est censée battre le bitume avec des slogans militants ou recadrer les blagues graveleuses d’un collègue, pas se faire fouetter à coup de cravache ou finir suspendue au plafond, les yeux bandés. Or, les deux ne sont pas incompatibles.
Même si, de prime abord, féminisme et BDSM semblent se contredire, en réalité, ils peuvent fusionner. D’ailleurs, le BDSM est bien plus qu’un simple « rapport de force » où l’homme domine et la femme s’incline.
Le BDSM régulièrement accusé de nuire au féminisme
Le BDSM, pratique sexuelle popularisée par la sulfureuse saga « 50 Nuances de Grey« , souffre de nombreux clichés. Les moins avertis y voient un jeu du « dominant, dominé » qui profite surtout aux hommes et qui réduit les femmes en esclaves sexuelles. Avec une image aussi médiocre en tête, difficile de faire le lien entre BDSM et féminisme. Les femmes qui occupent le rôle de la soumise et qui se faufilent dans des accessoires à plume ou à chaînes sont d’office cataloguées en « ennemies » de la cause. Les amatrices de « sale », qui aiment être ligotées aux barreaux du lit et qui frémissent à l’évocation du mot « punition », sont accusées de faire reculer ces droits pour lesquelles les femmes se sont durement battues.
Certaines estiment que la pratique de la soumission dans le BDSM renforce les stéréotypes traditionnels de genre, où l’homme est perçu comme l’acteur dominant et la femme comme l’objet de contrôle. Cependant, les femmes dociles qui s’exécutent sous le martinet le consentent. Rien ne leur est imposé. Elles peuvent ainsi avoir l’onglet d’une boutique BDSM ouverte et en même temps lire un article sur le féminisme ou acquérir le dernier ouvrage de Mona Chollet.
D’un point de vue extérieure à la fameuse « chambre rouge », le BDSM semble enfermer la femme dans une position d’infériorité et l’initier à des mises en scène humiliantes. Pourtant, la femme soumise a un contrôle total sur ses choix. Elle exerce son pouvoir en choisissant délibérément de céder le contrôle à un partenaire. Les inconditionnelles du BDSM, qui se montrent disciplinées sous la couette et tendent volontiers leurs corps vers les objets de châtiment, peuvent tout à fait avoir une bibliothèque remplie de Simone de Beauvoir et lever la voix pour l’égalité. Aussi impensable que cela puisse paraître, BDSM et féminisme peuvent aisément se tutoyer.
Le BDSM, une pratique qui prône la liberté sexuelle
Loin d’être contre le féminisme et d’opprimer les femmes, le BDSM est une pratique émancipatrice. Souvent considérée comme malsaine et accusée de faire du tort à la gent féminine, elle est en réalité pleine d’enseignements. Ce n’est pas que de la souffrance gratuite et du plaisir sadique. Le BDSM repose sur le principe fondamental du consentement mutuel et de la communication ouverte. La femme ne subit pas les ordres du dominant (qui peut d’ailleurs se conjuguer au féminin), elle les réclame et les exécute intentionnellement. Avec le BDSM, les fantasmes ne restent pas cloisonnés dans l’esprit. Ils se concrétisent de façon décomplexée sous des lanières ou entre des sangles.
Contrairement au sexe traditionnel, qui peut parfois limiter l’expression personnelle, le BDSM permet de se réapproprier son corps et son plaisir, hors des scénarios classiques. Chaque partenaire définit ses limites, ses préférences, et son rôle, qu’iel soit dominant.e, soumis.e, ou switch. À la différence des tableaux X, qui peignent des femmes torturées dont le regard traduit un sentiment d’effroi, le BDSM, l’authentique, respecte les deux protagonistes des ébats. D’ailleurs, la soumise peut dégainer le « safeword », ce mot de secours qui interrompt d’emblée une correction trop éprouvante ou insoutenable.
Si certaines femmes adorent chevaucher leur partenaire en missionnaire, d’autres aiment voir rougir leur fesse et faire l’amour pieds et poings liés. Les goûts et les couleurs ça ne se discute pas, tout comme les péchés mignons de l’intimité. Finalement, ce qui compte, c’est que la femme ait son mot à dire. Ce qui n’est pas toujours le cas dans les relations conventionnelles, où la femme endure souvent la douleur de la pénétration en silence. C’est ça la vraie souffrance. Féminisme et BDSM défendent une valeur commune : celle de pouvoir embrasser son indépendance.
Être féministe et soumise, pas si paradoxal
Être féministe le jour et soumise la nuit, une équation impossible ? Pas forcément. Être soumise dans le cadre privé ne définit pas qui vous êtes dans la vie publique. C’est une « étiquette » passagère que les femmes enlèvent une fois passée le seuil de la chambre à coucher. D’ailleurs, la collègue de votre gauche est peut-être friande des colliers de chien et des plugs anals façon queue de renard. Pour autant, ça ne se lit pas sur son front.
Les femmes qui suivent les directives de leur « maître » à quatre pattes ou les mains nouées derrière le dos ne sont pas aussi facilement « domptables » dans le quotidien. Justement, le BDSM est une sorte d’échappatoire pour assouvir leurs désirs les plus inavouables. Être féministe et soumise dans les activités charnelles n’est donc pas si incohérent. Le féminisme défend avant tout le droit de décider de sa vie, y compris de sa sexualité. Dans le BDSM, la soumission est une volonté, négociée avec le partenaire, et non une contrainte. D’ailleurs, les rôles peuvent très bien s’inverser.
La femme dominante, une figure inspirante du BDSM
À l’évocation du BDSM, vous voyez tout de suite une femme à terre et un homme autoritaire, hésitant devant son grand inventaire. Vous avez cette image de Christian Grey qui glisse sa cravache sur le corps frissonnant d’Anastasia. Mais le scénario opposé existe aussi. Dans l’univers du BDSM, les rôles évoluent. La femme peut donc aussi faire sa loi sur le corps masculin qui s’offre à elle.
La femme dominante fait la peau à ce stéréotype de la femme fragile, douce et passive. C’est elle qui tient les rênes des ébats et qui fournit le frisson. C’est elle qui impose les règles et les gestes à son partenaire. Dans le BDSM, la femme dominante incarne l’autonomie, la confiance en soi et s’impose comme une énième icône du féminisme. Avec un soupçon de latex en plus.
BDSM et féminisme peuvent flirter ensemble. Aimer les fessées et le sexe brutal ne fait de vous une complice du patriarcat. Au contraire, vous prenez part au mouvement sans même en avoir conscience.
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