Si la masturbation s’exécute désormais sans honte, elle peine encore à se faire accepter au sein du couple. Lorsqu’elle est pratiquée en duo, avec la main frivole de l’être aimé en instrument de plaisir, elle s’apparente à un « booster » de libido. Mais dès qu’elle est appliquée en solo, à l’ombre des ébats, elle est vécue comme la pire des infidélités. Dans l’imaginaire collectif, la masturbation solo en couple sous-entend insatisfaction sexuelle ou frustrations au lit. Pourtant, vouloir préserver cette part d’indépendance sexuelle n’a absolument rien de condamnable. Au contraire, elle assure un épanouissement intime plus grand. Si votre partenaire vous surprend la main dans le slip, ne vous sentez pas en tort.
La masturbation solo dans le couple, empreinte de clichés
Selon les croyances actuelles, se calfeutrer dans sa chambre à coucher pour se titiller l’entrejambe est un loisir de célibataire. Une idée totalement dépassée qui n’encourage pas vraiment à assumer la masturbation solo en couple. Résultat : une fois la relation actée, ce plaisir individuel prétend à être partagé. Ce qui se faisait en toute discrétion devient une exclusivité des ébats. Cette découverte sensuelle établie à la première personne du singulier se conjugue alors au pluriel.
Se toucher en totale autonomie pendant que l’autre a le dos tourné relève donc presque de l’infidélité selon certaines personnes. Pourtant, il n’est pas rare de s’offrir une gâterie avec un oreiller coincé entre les dents lorsque « chéri.e » dort à poings fermés. Mais bien souvent, la culpabilité s’en mêle. On se dit que notre partenaire pourrait le prendre comme une insulte envers ses cabrioles érotiques ou un doigt d’honneur à ses « performances » sexuelles.
Plusieurs raisons l’expliquent. La masturbation repose encore sur le portrait-robot du/de la célibataire endurci.e qui cherche à combler un manque. Même si en réalité c’est une délicieuse célébration de soi, beaucoup y voit la fatalité de la solitude. S’adonner à la masturbation solo lorsqu’on est en couple revient donc, en quelque sorte, à avouer un désir inachevé ou pas totalement rempli. Pour aller à l’encontre de cette perception rétrograde, il faudrait commencer par redéfinir la masturbation.
Ces caresses intimes procurées en marge de la relation amoureuse ne devraient pas attiser les doutes de l’autre ou torturer son estime personnelle. Sauf que voilà, d’après notre société, basée sur le rendement et l’efficacité, c’est un signe d’échec au lit. Pourtant, la masturbation solo peut très bien intervenir dans une vie sexuelle rayonnante. Ces deux plaisirs ne sont pas en confrontation, ils sont complémentaires.
Une manière saine d’explorer ses désirs
La masturbation solo en couple permet de mieux déchiffrer ses envies et ses zones de sensibilité. Contrairement à la masturbation mutuelle qui peut freiner certains gestes ou imposer une pudeur, cette pratique « isolée » se fait sans arrière-pensée ni scénario catastrophe. Elle se prête donc plus au laisser-aller et encourage des expérimentations plus instinctives. Ce n’est pas un hasard si 70 % des hommes et des femmes en concubinage s’y jettent à corps perdu en amont de leur idylle. Au lieu d’interpréter la masturbation solo en couple comme une défaite ou une trahison, mieux vaut l’accueillir comme une affirmation de soi à part entière. En effet, elle ne veut pas dire que votre partenaire reste sur sa faim. Elle illustre un désir qui s’exprime indépendamment de la relation.
Une sexologue faisait d’ailleurs le parallèle avec un cas de figure plus parlant. Parfois, il nous arrive d’aller manger au restaurant alors que nous avons la nourriture nécessaire à la maison. Pour le sexe, c’est le même constat. Ce n’est pas parce que l’on possède déjà un confort sexuel qu’on doit évincer toutes les enluminures autour. La masturbation solo est également un excellent moyen d’enrichir les ébats à deux. Ce jeu de main, parfois présidé par un sextoy, nous en apprend dix fois plus sur notre intimité que les manuels de SVT en 4 ans de scolarité.
Ainsi, une fois de retour dans les bras de notre partenaire, nous pouvons le mettre sur la « bonne voie » et lui montrer l’itinéraire de nos plaisirs. Cela permet de sortir de cette conception linéaire et très normée de la sexualité. En clair, la masturbation solo s’incorpore dans le couple comme l’ingrédient de « tous les possibles ».
La masturbation solo dans le couple ne remplace pas le sexe
Souvent, pendant les rapports intimes, nous pensons tellement au bien-être de l’autre que nous finissons par minimiser nos propres sensations. À l’inverse, la masturbation solo est un rendez-vous unique avec soi-même où seuls nos ressentis prévalent. Si certain.e.s se réfugient dans un bon bain chaud pour s’accorder un instant selfcare, d’autres préfèrent glisser leurs doigts sous la braguette. Cette parenthèse coquine est l’un des rares moments où nous pouvons mettre à l’œuvre nos fantasmes les plus inavouables. Penser à Ryan Gosling ou à ce présentateur TV charmant quand on se masturbe n’est pas une bavure sentimentale, mais le signe d’un imaginaire sexuel qui cherche à se déployer.
Exercer la masturbation solo quand on est en couple, c’est cultiver sa liberté sexuelle et conserver une part de jardin secret. La vie sexuelle d’un couple ne doit pas être un espace de contrôle ou de surveillance, mais plutôt un espace de confiance mutuelle et de respect des limites personnelles. Si votre partenaire vous jette la pierre comme si vous l’aviez trompé sous votre toit, c’est certainement qu’iel prend votre désir pour sa propriété ou qu’iel se sent « menacé.e ». La tolérance de la masturbation solo quand on est couple dépend donc surtout de la place accordée à l’espace vital de chacun.e.
En parler avec votre partenaire pour éviter les malentendus
La masturbation solo quand on est en couple reste généralement un non-dit. Nous préférons garder le silence sur ce petit « extra » érotique par crainte de nourrir les conflits ou de faire face au comportement offusqué de notre partenaire. Mais c’est justement en prônant le motus et bouche cousue qu’on finit par éveiller l’incompréhension de l’être aimé. En s’adonnant à ce plaisir de façon « clandestine », sans avoir prévenu notre partenaire, l’attitude paraît encore plus louche. Cela donne l’impression que nous tentons de dissimuler une vérité. Alors qu’en fait, nous souhaitons simplement préserver la stabilité du couple et l’authenticité des ébats.
Ce mutisme est contre-productif puisqu’il ne fait que raffermir les appréhensions de l’autre. Pour éviter de devoir justifier la présence suspecte de mouchoirs en papier sous le lit ou les gémissements qui ont réussi à traverser les cloisons de la douche, mieux vaut ouvrir directement le dialogue sur le sujet. Ce n’est pas une obligation, mais ça permet de dédramatiser la situation. D’ailleurs, souvent, les deux protagonistes du couple s’y livrent chacun.e dans leur coin sans que l’autre ne le sache. En brisant la glace autour de la masturbation, les partenaires se rassurent mutuellement. C’est aussi une occasion de faire un point sur ses besoins, ses envies et ses attentes sans porter l’autre en responsable.
La masturbation solo n’est pas le seul tabou à vaincre dans la bulle intime du couple. Consommer des films pornos en dehors des ébats, avoir des crushs fictifs ou faire intervenir un sextoy dans les parties de jambe en l’air sont des expressions de plaisir encore largement réprimandées.