Planifier ses rapports sexuels : bonne ou mauvaise idée ?

Dans une ère dictée par les « to do list », le moindre geste est réglé comme une pendule. Mais dans cet agenda criblé de notes et de rappels, la pause sexe n’a guère de place pour exister. Pourtant, en cette époque où tout se vit sous la pression du chronomètre, planifier ses rapports sexuels ne paraît pas si insensé.

Indiquer ses « moments câlins » entre les courses et la déclaration d’impôt donnerait même un coup de pouce à la libido. Mais ce sexe calculé d’avance n’abrégerait-il pas aussi la magie de l’instantané ? Planifier ses rapports sexuels peut tantôt aider le couple à s’épanouir au lit, tantôt être pesant. Tout se joue dans l’équilibre. La rédaction fait le point sur cette tactique sexuelle « ordonnée ».  

Un moment pour soi dans un rythme effréné

Ce n’est pas un scoop, aujourd’hui, le quotidien se joue en accéléré. Meublé par le travail, les contraintes domestiques et les impératifs personnels, il laisse peu d’espace pour souffler. Cet emploi du temps de ministre qui dégouline de tâches n’oublie rien, sauf le bien-être personnel. Tant et si bien que chaque minute accordée à soi est de l’or brut.

Dans ce contre-la-montre grandeur nature, les rapports sexuels sont, eux aussi, devenus denrée rare. Et lorsqu’ils se présagent, ils sont généralement vécus sur le pouce, à la sauce expéditive. Alors, pour y remédier, certain.e.s leur accorde une case dans le calendrier, au même titre que l’entrevue chez le.a gynéco ou la réunion parent-prof. Plusieurs sexologues s’entendent pour dire que ce rendez-vous « bonus » est propice à une reconnexion charnelle.

Planifier ses rapports sexuels et les inscrire noir sur blanc dans l’agenda donne un temps de répit aux couples surmenés. Ce petit rappel écrit est surtout symbolique puisqu’il suggère de se prêter à un plaisir et non pas à une corvée, comme le prévoit traditionnellement un « pense-bête ».

Planifier ses rapports sexuels sous-entend de ralentir la cadence et de se retrouver hâtivement à l’image des ados aux prémices de leur idylle. Alors qu’en général, les tourtereaux se croisent dans un courant d’air, ce « corps à corps » anticipé remet l’intimité du couple en haut des priorités.

Ce « faire l’amour » prévu à 18h30, entre la sortie extra-scolaire de l’enfant et le checking des factures d’électricité crée une disponibilité à ce qui est si souvent éclipsé du décor. C’est un créneau où les deux partenaires vivent l’instant T sans l’urgence de l’horloge, ni la culpabilité qui va avec.

Une façon de provoquer le désir

Le désir est un peu l’ingrédient primaire des étreintes sur l’oreiller. C’est lui qui fait l’assaisonnement des câlins sensuels. Planifier ses rapports sexuels est une méthode parmi d’autres pour le convier sous les draps sans trop d’effort. Cette érotisation du temps laisse libre cours à l’imaginaire sexuel. En attendant le moment fatidique, l’autre projette ses fantasmes et s’en émoustille d’avance. Cette impatience presque enfantine générée par la ferveur du « H- » se confond avec l’excitation. Plus l’heure approche et plus les corps frétillent.

Cette attente quasi insoutenable se complète d’ailleurs volontiers par des sextos qui font alors office d’amuse-bouche. Si les plus romantiques pensent que planifier ses rapports sexuels est une bavure à la sincérité du geste, les sexologues estiment au contraire que c’est la recette d’une relation complice. Avec ce rendez-vous synchronisé, les deux partenaires se poussent au manque et les retrouvailles en ressortent plus intenses.

« Rappelez-vous que le cerveau est le plus grand organe sexuel et que nous pouvons être allumés sans aucun contact physique », renchérit Ian Kerner, psychothérapeute dans les colonnes de CNN

En programmant leurs ébats, les couples retrouvent la même étincelle qu’un enfant pressé de déballer ses cadeaux le soir de Noël. Au lieu de faire l’amour machinalement, comme des automates, ils redécouvrent les joies d’une sexualité franche et audacieuse. Mais attention, pas question de tomber dans le piège de « l’obligation sexuelle ». Cette planification, versée à l’extrême, peut vite devenir une terrible épée de Damoclès au-dessus de la tête.

« Si l’un.e des deux se force parce que « c’est planifié », si le couple estime « cocher la case de la sexualité » grâce à cette planification, les conséquences sont parfois délétères pour l’intimité du couple, sa complicité, sa sensualité », prévient le sexologue Patrick Papazian à TF1

Quid de la spontanéité ?

La spontanéité semble être la chasse gardée de l’amour, le vrai. Pourtant, les ébats sont rarement dictés par une fougue partagée. Les partenaires sont loin d’avoir un désir jumelé. Souvent, l’un.e en demande alors que l’autre non et vice-versa.

Dans l’imaginaire collectif, le coït renvoie à des rapports instinctifs, voire pulsionnels, qui prennent comme une envie de friandise. Mais dans la réalité, la spontanéité se heurte à la fatigue et aux aléas hormonaux. Planifier ses rapports sexuels ne veut donc pas dire que le couple bat de l’aile. Au contraire, ce parti-pris ouvre une parenthèse intime plus posée, mais pas moins explosive.

En revanche, pour que cette planification porte ses fruits, elle ne doit pas virer à l’impératif ou à l’obsession absolue. Nul besoin de se prescrire une tournée de sexe trois fois par semaine ni de prévoir la date, l’heure, le lieu et la durée « limite » avec un mois d’avance. Planifier ses rapports sexuels peut très bien se faire la veille pour le lendemain, avec peu de détails. Ce qui compte c’est de se réserver un instant entièrement dédié à son couple, frissons ou non.

Planifier ses rapports : 3 conseils avant de s’y mettre

Ces rapports sexuels griffonnés sur l’agenda fonctionnent seulement sous plusieurs conditions qui induisent respect de l’autre, consentement et bienveillance. Anticiper ses relations sexuelles est à double tranchant. Soit ça renforce le couple, soit ça l’enferme dans les carcans. Tout est question de juste mesure.

Le sexologue Patrick Papazian recommande de faire un mix entre « spontanéité et planifications bien pensées ». Pour que les rapports anticipés ne deviennent pas des rituels « imposés », voici quelques commandements à garder en mémoire.

1 – Parlez-en à votre moitié

Règle n°1 avant de planifier un rapport sexuel : s’assurer que sa moitié est au courant. C’est une décision qui se prend à deux. La communication fait donc foi. Vous pouvez glisser l’idée l’air de rien ou y aller frontalement, mais en aucun cas vous ne devez prendre l’autre en otage. Pour les personnes asexuelles, par exemple, cette méthode est extrêmement stigmatisante puisqu’elle insinue qu’un couple heureux est forcément hyperactif au lit.

Ce n’est pas un choix à « sens unique » et encore moins un caprice solitaire. Planifier ses rapports sexuels peut s’avérer assez oppressant puisque cela implique une libido toujours au taquet. D’où l’importance d’en discuter avant de libérer une case sur son agenda.

2 – Ne vous pressez pas

Ce rendez-vous privé n’est pas là pour se conclure en dix minutes chrono. Il est censé se consumer avec lenteur, à l’instar d’un bonbon dans la bouche. Inutile de planifier ses rapports sexuels si c’est pour qu’ils terminent en un éclair. Ils s’appréhendent plutôt comme une première nuit d’amour, avec des yeux neufs.

Au lieu de vous explorer « vite fait », sans trop de formalités, prenez le temps de vous stopper sur des détails du corps de l’autre : un nombril, un lobe d’oreille, un téton… Réservez-vous un « sexy time » d’au moins 45 minutes pour une expérience plus sensorielle et moins superficielle.

3 – Sortez des sentiers battus

Planifier ses rapports sexuels ne veut pas dire se cantonner à un missionnaire ou une levrette. Les folies sont aussi autorisées, même par timing restreint. Cette originalité peut se traduire dans des thématiques.

Au lieu d’indiquer sobrement « sexe » en lettre capitale, apportez-y une valeur ajoutée avec un « nuit de noces », « nuit BDSM » ou « nuit déguisée ». Vous pouvez aussi prévoir un endroit hors des murs conjugaux comme une chambre d’hôtel ou la voiture.

Planifier ses rapports sexuels est une solution juteuse pour les couples débordés qui se côtoient en mode fantomatique. Cependant, cette méthode ne résout pas les « pannes de libido » comme par magie. Utilisée à bon escient, elle resserre simplement les liens intimes du couple. Sympa, donc, pour les parents dépassés par les événements, mais pas pour un couple qui vacille

Émilie Laurent
Émilie Laurent
Dompteuse de mots, je jongle avec les figures de style et j’apprivoise l’art des punchlines féministes au quotidien. Au détour de mes articles, ma plume un brin romanesque vous réserve des surprises de haut vol. Je me complais à démêler des sujets de fond, à la manière d’une Sherlock des temps modernes. Minorité de genre, égalité des sexes, diversité corporelle… Journaliste funambule, je saute la tête la première vers des thèmes qui enflamment les débats. Boulimique du travail, mon clavier est souvent mis à rude épreuve.
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