Les couples se donnent des surnoms affectueux, plus ou moins insolites. Ces petits noms qui viennent du cœur sont de puissants traits d’union. Mais si certaines appellent leur moitié « mon chéri », « poussin » ou « mon amour », d’autres optent pour des qualificatifs un peu « à part » comme « papa ». L’actrice Megan Fox, qui a été aperçue dans « Transformers », est d’ailleurs partisane de ce surnom qui évoque l’autorité et la sécurité, selon elle. Tout droit venu de l’univers confidentiel du BDSM, il a quitté les salles rouges faites de cuir et de lanières pour se glisser entre les lèvres de celles qui considèrent leur compagnon comme un père de substitution. Contrairement à « chaton » ou « bébé » qui sont assez inoffensifs, appeler son partenaire « papa » n’est pas anodin. C’est lui attribuer un rôle sacré et retomber dans les travers de la femme-enfant.
Appeler son partenaire « papa », une particularité du BDSM
Le terme « papa » revient en bouche pour s’adresser à cet homme qui nous a élevés et qui nous a vus en couche-culotte. Il est exclusif à notre père et n’a pas vraiment sa place sur le visage de quelqu’un d’autre. Pourtant, certaines femmes le détournent du cercle familial pour l’utiliser dans leur relation de couple et l’attribuer à leur partenaire. Leur moitié prend alors instantanément l’étoffe d’un « tuteur » ou d’un « disciple », bref d’une figure supérieure. Elle, redevient cette « petite fille » docile, sage et innocente, qui obéit au doigt et à l’œil. Appeler son partenaire « papa » peut paraître assez saugrenu, mais dans le monde transgressif du BDSM, c’est presque une banalité. D’ailleurs, ce surnom qui remplace le traditionnel « mon coeur » vient de ce milieu sexuel débridé.
Il est régulièrement prononcé entre les ustensiles phalliques en cuir et les fouets. Loin de faire partie d’un jeu de rôle ou d’une mise en scène torride, le surnom « papa » est donné à celui qui « gouverne » la relation. Un amant masculin qui endosse cette étiquette se comporte comme un père avec sa fille : il la gâte, la chérit et la punit quand il le faut. La femme, elle, est naturellement obéissante, candide et naïve. Dans sa tête, elle est restée bloquée à l’âge de 8 ans. C’est une relation dominant-dominée enveloppée de tendresse et surtout consentie. Selon les codes du BDSM, appeler son partenaire « papa » n’est pas nécessairement un signe de surpuissance, c’est plus une marque de confiance.
Dans certaines cultures, appeler son partenaire « papa » est ancré dans les mœurs. Par exemple, en Amérique latine, il n’est pas rare d’entendre « papá » ou « papi » dans un contexte romantique. Là aussi, c’est plus une façon de montrer à l’autre qu’il est spécial qu’un acte de pleine servitude. Le terme est beaucoup moins connoté qu’en Occident.
Est-ce forcément malsain de troquer « chéri » contre « papa » ?
Il nous est déjà arrivé à toutes d’appeler, malencontreusement, notre maître d’école « papa » et de nous cacher dans nos mains. En revanche, ce lapsus est un peu moins commun dans les relations amoureuses. Appeler son partenaire « papa » n’est pas le résultat d’une langue qui dérape, c’est une décision mutuelle. Parfois, les surnoms arrivent du tac-o-tac, sans trop réfléchir, mais ils peuvent aussi se forger autour d’une table au gré d’un brainstorming. En général, le « papa », lui, n’est pas délivré au hasard. Il peut être amené sur le ton de l’humour, comme lorsque les hommes simulent des gamineries et qualifient leur femme de « deuxième maman ».
Appeler son partenaire « papa » reste sain si les deux âmes soeurs se sont mises d’accord en amont et si ce surnom ne provoque pas d’amalgames. Utiliser « papa » en guise de surnom peut soulever des questions sur la dynamique de pouvoir et de dépendance au sein du couple. L’autre peut se sentir mal à l’aise ou au contraire, profiter de cette adulation et en tirer le meilleur parti. Le mot « papa » est assez lourd de sens. Il fait référence au pilier de la famille, celui, qui, selon la conception patriarcale, dirige et impose les règles. Contrairement à « Loulou » ou « mon biquet », qui sont de simples fantaisies de langage, « papa », lui, évoque, dès le départ un rapport ambigu.
Pourquoi les hommes aiment recevoir ce « titre » de leur femme ?
Pour ces messieurs, se faire appeler « papa » par leur conjointe, c’est arborer un « grade » assez honorifique. Ils apprécient secrètement ce « sobriquet » qui les conforte dans leur masculinité. Il faut dire que le terme est chargé de significations. L’appellation « papa » élève instantanément l’autre sur un piédestal. Il suggère que c’est l’homme le plus important de notre vie et qu’il a toutes les décisions entre ses mains. Il évoque aussi des qualités telles que la force, la stabilité et la capacité à prendre soin de sa partenaire. Le « papa » tel qu’on le connaît est le leader de la maison que l’on respecte autant que l’on craint. Forcément, appeler son partenaire « papa » est un compliment pour tout homme qui veut rassurer sa virilité.
Par opposition, le surnom « bébé », lui, renvoie l’image d’une « chose fragile », qui a besoin d’être assistée et maternée. Certes, il est régressif, mais il sous-entend aussi que l’autre ne peut pas s’auto-gérer. Face à ce petit nom, notre moitié se retrouve projetée à l’époque de la tétine et des repas en bouillie. Dans les deux cas, « papa » comme « bébé » font écho à une dépendance affective.
Appeler son partenaire « papa » et être féministe : compatible ?
Appeler son partenaire « papa » reste marginal, voire exceptionnel. Mais une star bien connue du grand public défend l’idée, malgré sa position féministe. Il s’agit de Megan Fox, la sulfureuse protagoniste du teen-movie « Jennifer’s body ». Elle a aussi eu une place clé dans « Transformers ». « J’étais célébrée comme ‘féministe’ jusqu’à ce que j’aie le culot d’appeler mon petit ami ‘Papa’« , fulminait-elle dans les colonnes du magazine Glamour UK, où elle avait été hissée en couverture.
Elle s’était attirée les foudres des militantes féministes après la publication d’un post Instagram, où elle décrivait son compagnon « Machine gun kelly » sous le mot « daddy ». Ce qualificatif semblait contradictoire avec les revendications d’égalité et de liberté des femmes. D’après les critiques laissées en commentaires, appeler son partenaire « papa » revenait à décrédibiliser le combat des femmes pour leur indépendance. Cependant, Megan Fox soutenait l’inverse et se présentait en féministe incomprise et d’avant-garde.
« Il semblerait que je doive répondre à certaines injonctions ou respecter certaines règles. Beaucoup de gens se sont fâchés à ce sujet. Alors que vivre ce que nous voulons vivre dans la vie, et aussi vivre selon ce que nous aimons, c’est également ça, le féminisme », avait-elle confié
Appeler son partenaire « papa » peut être assez étrange vu de l’extérieur. Mais il ne faut pas juger trop vite sans comprendre le contexte. Parfois c’est simplement les restes d’une private joke ou d’une anecdote.