Les papillons qui virevoltent dans le ventre, le cĆur qui palpite intensĂ©ment, les Ă©tincelles qui fourmillent dans les pupilles⊠MalgrĂ© des tentatives de camouflage maladroites, ces sensations incontrĂŽlables trahissent nos sentiments amoureux. Mais les aromantiques esquivent ce bouquet dâĂ©motions. Cette orientation romantique innĂ©e est rĂ©guliĂšrement arrosĂ©e de prĂ©jugĂ©s. Les ĂȘtres concernĂ©.e.s doivent tenter de sâĂ©panouir dans une sociĂ©tĂ© oĂč les images tendres et langoureuses sâĂ©grĂšnent en masse. Ă l’occasion de la Semaine de la visibilitĂ© du spectre aromatique du 19 au 25 fĂ©vrier 2024, on en parle.
Des rĂ©fĂ©rences Ă l’amour qui riment avec mystĂšre Ă©ternel
Une banderole d’Abribus affiche un couple dans son cocon intime, dans les couloirs du mĂ©tro des baisers lascifs agrĂ©mentent les murs, au centre de la toile les tĂȘte-Ă -tĂȘte poĂ©tiques se confondent, tandis que sur petit Ă©cran, les publicitĂ©s scandent des unions lisses. Ces reprĂ©sentations, Ă la frontiĂšre du conte de fĂ©es, trempent notre imaginaire dans des valeurs surfaites et inatteignables. Cet abreuvoir dans lequel Aphrodite, dĂ©esse grecque de lâamour, aurait volontiers trempĂ© ses lĂšvres peut se rĂ©vĂ©ler houleux.
Entre les vagues submersives de dĂ©ceptions, les coups de foudre intempestifs et les marĂ©es montantes de lâattachement, lâamour est loin dâĂȘtre un long fleuve tranquille. Mais certain.e.s nâont jamais surfĂ© sur ce pĂȘle-mĂȘle de dĂ©boires, dâĂ©mois et de dĂ©licatesse. Câest le cas des aromantiques. ConsidĂ©rĂ©.e.s, Ă tort, comme des ĂȘtres rigides et indiffĂ©rent.e.s, iels sont en rĂ©alitĂ© dĂ©pourvu.e.s de sentiments amoureux. MalgrĂ© son artillerie de flĂšches consĂ©quente, Cupidon bat de lâaile et dĂ©vie cette cible impraticable…
Le sentiment amoureux enterré à jamais
Le diablotin rouge accompagnĂ© de ses cornes tranchantes aurait-il jetĂ© un mauvais sort ? Nulle question de malĂ©dictions ou de cĆur de pierre. Les aromantiques naissent avec cette particularitĂ© et ne peuvent sâen dĂ©tacher. Pour lâheure, peu dâĂ©tudes se sont penchĂ©es sur le sujet. La seule enquĂȘte publiĂ©e remonte Ă 2004. Difficile alors de quantifier le nombre dâindividu.e.s qui portent cet Ă©cusson immuable.
Dans cette jungle de termes Ă©mergents, les confusions sont rĂ©currentes. On place souvent lâaromantisme et lâasexualitĂ© dans le mĂȘme panier alors que ces deux notions ne sont pas toujours jumelĂ©es. Les personnes asexuelles nâĂ©prouvent aucun dĂ©sir sexuel et sâancrent davantage dans des relations platoniques. Pour les aromantiques, câest diffĂ©rent. Lâampoule du dĂ©sir peut toujours sâallumer. Coups dâun soir intenses, montagne russe du grand frisson, attractions sensuelles de haute voltige⊠lâenveloppe charnelle frĂ©mit, mais les sentiments manquent Ă lâappel.
LâadrĂ©naline des rencontres physiques, la fougue partagĂ©e des premiers rapports, l’exaltation spontanĂ©e des retrouvailles, la chaleur rĂ©confortante des Ă©treintes⊠cette pluie de ressentis, qui se dĂ©versent presque machinalement dans nos corps, leur est totalement inconnue. Mais avant de poser un mot sur ces sensations avortĂ©es, les aromantiques se frottent Ă des expĂ©riences qui sonnent creux.
Les normes, un poison révélateur
Pour rentrer dans le moule de la sociĂ©tĂ©, iels se plient Ă un schĂ©ma homogĂšne, marchent sur des Ćufs et sâenfarinent dâillusions. MalgrĂ© des efforts incessants et des opĂ©rations de forcing peu glorieuses, la flamme sentimentale reste Ă©teinte. Sur Instagram, les tĂ©moignages se bousculent au portillon.
« Je voyais mes relations comme des Ă©checs. Au final, je finissais toujours par quitter la personne au bout dâune semaine parce que jâĂ©tais lassĂ©. Je mâennuyais »
Cet hermĂ©tisme, difficilement identifiable, pointe le bout de son nez au fil des annĂ©es. Lorsque les aromantiques sâĂ©lancent dans une union, iels sont peuplĂ©.e.s de points dâinterrogation. Telles des façades infranchissables, iels sont quasiment incapables de se la jouer RomĂ©o et Juliette. Chez elleux, les discours poĂ©tiques Ă la Baudelaire sont inexistants, les effusions de tendresse rejoignent le banc des absents. Ce portrait-robot prĂ©cis nâest quâune esquisse. Tou.te.s les aromantiques sont diffĂ©rent.e.s.
Cependant, certains traits sont récurrents :
Nouer des amitiĂ©s puissantes, sans ĂȘtre trop dĂ©monstratif.ve.s
Lorsquâiels scellent des liens amicaux profonds, une complicitĂ© magnĂ©tique et des sensations constellaires se glissent en toile de fond. Mais aux antipodes des yeux qui pĂ©tillent et des compliments en carton, les personnes aromantiques Ă©rigent souvent une barriĂšre de pudeur.
Le célibat, une solution privilégiée
Se mettre en mĂ©nage, tenir un foyer, partager des instants Ă deux⊠ces aspects leur paraissent totalement superflus et Ă©trangers. Contrairement aux princes charmants 2.0 et aux Blanche Neige du 21e siĂšcle, les aromantiques tirent une croix sur lâĂąme sĆur. Le cĂ©libat leur convient Ă merveille.
Des sensations inconnues au bataillon
Palpitations, obsessions, transpirations, ses symptĂŽmes auscultĂ©s dĂšs lâadolescence, emblĂšmes de la maladie de lâamour ne les ont jamais atteints. Les aromantiques semblent totalement immunisĂ©.e.s. L’aromantisme Ă©tant une orientation romantique qui consiste Ă Â ne pas Ă©prouver d’attirance romantique, quel que soit le sexe ou le genre de la personne.
Attention, les personnes aromantiques sont loin dâĂȘtre des carapaces vides ou des Ăąmes de marbre. Dans leur cocon familial ou dans leur cadre amical, iels manifestent des signes de sensibilitĂ© et dâaffection. Certains archaĂŻques comparent encore cette branche LGBTQIA+ Ă une pathologie incurable. Dommage, la pilule de la tolĂ©rance nâest pas encore disponible sur le marchĂ©…