« Quand est-ce que tu nous présentes quelqu’un ? », « Pourtant, tu es joli.e comment ça se fait que tu ne trouves personne ? » ou encore « Va sur Tinder, tu verras ! »… Si vous avez déjà entendu ce type de phrases, vous devez faire partie du gang des célibataires. Grand mal de l’histoire, le célibat a toujours mauvaise presse, surtout du côté féminin. Pourtant, c’est un phénomène qui s’étend et prend de l’ampleur.
Bien loin de l’image d’un.e célibataire endurci.e qui vit entouré.e de ses chats, en 2023 être célibataire procure, au contraire, parfois plus de bonheur qu’être en couple. C’est la science qui le dit ! Et si l’on arrêtait (enfin) de voir une personne seule comme une pestiférée ? À l’approche de la Saint-Valentin, brisons ce célibat tabou.
Célibataire : un statut jugé et dénigré
Le célibat ne veut pas dire grand-chose finalement. C’est plus une manière pour la société de catégoriser, depuis des générations, une personne en lui apposant une étiquette administrative « pas marié.e ». Surtout que faire le choix d’être célibataire est souvent très bien vécu, quid des idées reçues clichées qui portent ce statut amoureux à une fatalité.
« Quand le célibat masculin est considéré comme temporaire, le célibat féminin est lui perçu comme une sanction. S’il n’enlève rien à l’homme, il peut enlever à la femme la possibilité de maternité, sa ‘destinée sociale’… », explique Juliette Raynaud, spécialiste du discours sur les représentations sociales du genre dans les sociétés, pour Slate
L’objectif ultime de toutes vies de femmes : réussir à se caser. C’est du moins ce que pensent encore certaines personnes en 2023. On doit ainsi trouver sa moitié sinon « on est incomplète ». Arrivée à l’âge fatidique de 30 ans, l’horloge biologique tourne. Tic Tac… On attend, en plus de ça, de la femme hétérosexuelle dans les sociétés occidentales qu’elle accomplisse une deuxième destinée : avoir un.e enfant.
En général, ces injonctions liées au célibat viennent de notre entourage, même directement de femmes proches de la personne célibataire. Et tout le monde s’y met quand il s’agit d’en discuter. C’est à la personne qui nous donnera les meilleurs sites de rencontres ou astuces pour dire adieu à notre célibat. D’autant que dans certaines familles, avoir un.e enfant en étant célibataire est mal vu : pas de mariage, pas d’enfant. Ainsi, certain.e.s craignent que le.a célibataire passe à côté de quelque chose et ne soit pas pleinement heureux.se.
Des siècles de traditions
« Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants… », peut-on toujours lire dans les contes pour enfants. Les caricatures sur les célibataires dépeignent une vieille fille entourée d’une centaine de chats. Ces images sont fortement ancrées dans la pensée collective, comme celle de la femme au foyer parfaite, dévouée à son mari.
La condition des femmes a évolué depuis, bien heureusement, mais en 2023 la tradition freine toujours leur émancipation. On retrouve d’ailleurs cette dictature normée encore dans certaines fictions et médias aujourd’hui. Sans cette vie toute tracée, il sera difficile d’accéder au bonheur. Au secours…
Vie hors couple = vie hors norme ?
Comme nous l’évoquions plus haut dans cet article, ces stéréotypes s’attaquent davantage aux femmes. Une femme célibataire est ainsi jugée, même exclue socialement. On a tou.te.s lu un livre ou vu un film dans lequel la femme d’âge mûr est décrite comme la folle du village, car toujours célibataire.
Les personnages masculins gentils finissent par trouver l’élu.e, tandis que les « laids », « méchants », et « bizarres » finissent seuls. À l’inverse, les femmes sont plaintes, on les pousse à sortir voire à s’inscrire sur des sites de rencontres. Comme si la validation sociale et l’accomplissement personnel passaient par le couple. Mais attention, elles sont perçues comme désespérées ou pire « filles faciles » si jamais elles osent fréquenter des hommes sans se mettre en couple.
Bien sûr, si un homme célibataire fait de même, il est décrit comme un indépendant, un Don Juan qui privilégie sa carrière, qui se cherche. L’idée qu’il n’y a que deux manières de vivre son célibat persiste ainsi. Soit d’une « manière féminine », à manger des pots de glaces entourées de ses chats. Soit « masculine », à sortir tous les soirs en testant ses limites d’alcool et enchaîner les conquêtes.
Le fait de devoir « se caser » au plus vite n’est d’ailleurs pas réservé à nos sociétés occidentales. En Chine, par exemple, dans certaines entreprises, les employé.e.s de 30 ans bénéficient de « congés rencontres » pour passer plus de temps dans leur village d’origine et rencontrer quelqu’un. Les célibataires deviendraient même un outil marketing.
Au Canada, vous pouvez afficher votre statut amoureux sur votre caddie dans certains supermarchés. Il existe même une « Saint-Valentin des célibataires » pour bénéficier de réductions dans les magasins de bien-être. Tout est fait, dans nos sociétés, pour exposer le célibat comme quelque chose d’honteux, un statut à bannir de notre vie au plus vite.
Le renouveau du célibat à travers la pop culture
Cette image de la fille « folle et célibataire » commence à être dépoussiérée par une nouvelle génération de femmes. On remercie la pop culture et les séries notamment avec les personnages de Samantha Jones dans Sex and the City, Cristina Yang dans Grey’s Anatomy ou encore Jessica Jones. Ainsi, on est passé de films comme Bridget Jones à How to be single. De désespoir à célébration, il n’y a qu’un pas…
Plus récemment, le film Les Filles du docteur March (2019) offre par exemple au personnage de Jo March le droit de vivre sa vie comme elle l’entend, sans être mariée. Cette adaptation du livre de Louisa May Alcott est la plus radicale et progressiste. Elle permet d’adapter la fin du film à l’actualité : l’émancipation d’une vie patriarcale et hétéronormée.
Dans la vie réelle, on retrouve l’actrice Emma Watson qui raconte notamment dans une interview pour Vogue qu’elle vit très bien son célibat : « Il m’a fallu beaucoup de temps, mais je suis très heureuse d’être seule. Je suis en couple avec moi-même. J’appelle cela être auto-partenaire ». On se rappelle également de la photo iconique de Nicole Kidman sortant du tribunal, sourire aux lèvres, après avoir signé les papiers de son divorce.
Célibataire et heureux.se !
Quand va-t-on comprendre que le célibat n’est pas forcement subi ? Tout le monde n’est pas en phase avec le modèle « du couple » donc pourquoi ne pas vivre seul.e et oser le revendiquer librement, sans jugement ? Être célibataire c’est privilégier son bonheur en se concentrant sur son épanouissement personnel.
Le célibat est vécu différemment par chacun.e et oui cela peut être difficile à vivre, notamment après une rupture ou un décès. Mais il ne rime pas forcément avec solitude, isolement social ou encore dépression. De même qu’être célibataire n’est pas nécessairement synonyme de « drageur.se en puissance ». Il serait bien temps d’entériner toutes ces stigmatisations.
Chacun.e devrait pouvoir vivre sans crainte d’être jugé.e. Il n’y a pas de « statut amoureux idéal », si ce n’est celui dans lequel on se sent le mieux, en phase.
