LinkedIn est avant tout une vitrine professionnelle. Mais de plus en plus de personnes investissent les boîtes de discussion dans l’espoir de briser la frontière du cordial et d’occuper le poste de « partenaire de vie ». Pour certains Don Juan égarés, la demande de connexion prend presque l’allure d’un match. Il n’est donc pas impossible de recevoir une lettre de motivation écrite à l’encre du cœur ou de voir un entretien « formel » muter en speed dating virtuel. Le réseau professionnel se convertit doucement en un « Tinder bis ». Du moins, pour les Casanova en cravate. Draguer sur LinkedIn semble plutôt incongru, voire déplacé, pourtant c’est le nouveau « terrain de chasse » des séducteurs aux lourds bagages sentimentaux.
Draguer sur LinkedIn, plus courant qu’on ne le pense
Malgré les innombrables applications de rencontres à portée de pouces, des personnes décident d’emprunter d’autres chemins, moins conventionnels pour flirter en ligne. Elles vagabondent sur LinkedIn, masquées derrière un profil tiré à quatre épingles et une photo très corporate. Elles poncent la plateforme, non pas pour trouver des « pistons » ou étendre leur réseau, mais pour mettre en pratique leurs disquettes et faire des démonstrations de baratin. Si la plupart des individues ouvrent leur LinkedIn pour surveiller les offres d’emploi, partager des projets ou actualiser leur statut pro, d’autres cherchent à garnir leur CV sexuel et à perfectionner leurs compétences en flatterie.
Les conversations LinkedIn ponctuées de formules de politesse et de phrases soutenues ont cédé leur place à des approches plus frontales et impudiques. Abigail McAlpine, consultante business et marketing indépendante, s’est faite draguer sur LinkedIn et a décidé de partager son expérience. Elle n’a pas hésité à afficher son courtisan un peu trop culotté sur son compte. Il faut se frotter les yeux plusieurs fois pour croire à ces captures d’écran. Ce monsieur a visiblement confondu LinkedIn avec une agence matrimoniale.
L’homme, en costard sur fond blanc, entame la discussion sans détour avec un « t’es belle ». Un compliment inopiné qui fait fi des bonnes manières et de la distance professionnelle. Abigail, scotchée par cet aparté, clôt les avances du goujat en répondant : « C’est un réseau social professionnel, s’il vous plaît, agissez comme tel ». Un peu vexé que sa proie n’ait pas mordu à l’hameçon, il rétorque : « Un simple ‘merci’ aurait été suffisant chérie. Sois plus sympa. C’est un réseau social pour gens sympas ». L’histoire d’Abigail n’est pas isolée. Les interpellations pseudo-romantiques de ce genre sont désormais communes sur ce réseau, dédié à la carrière. Draguer sur LinkedIn est désormais la parade ultime des coureurs de jupons 2.0.
Quand la drague vire au harcèlement…
Draguer sur LinkedIn ne veut pas forcément dire mettre les formes ou employer un vocabulaire technique digne d’un PDG du CAC 40. Malgré des selfies à la Elon Musk en première ligne et une façade professionnelle lustrée dans les moindres détails, la courtoisie reste une option. En privé, les conversations dégoulinantes de baves prennent souvent des proportions grossières et une dimension menaçante. Selon une étude pilotée par Passport photo online et menée sur 1000 femmes, 91 % d’entre elles affirment avoir reçu un message à caractère sexuel ou inapproprié sur LinkedIn.
Les loups qui errent entre les reportings, les webinaires et les sondages d’entreprise semblent omettre que LinkedIn se prédestine aux interactions sérieuses, pas au batifolage. Dès qu’ils essuient un refus, ils emploient la méthode « bulldozer » et reviennent à la charge avec un lexique moins tendre. Ces hommes, qui pensent conclure sur LinkedIn, sont souvent insistants. Ils spamment à longueur de journée et à mesure des messages, ils vont crescendo dans les injures.
Le « je vous trouve rayonnante et charismatique » ne tarde pas à se transformer en « de toute façon, tu ne vaux rien », suivi d’innombrables mots en « bip ». Pourtant, contrairement aux applis de rencontres qui délivrent des informations personnelles « inoffensives », LinkedIn met la réputation en jeu. Draguer sur LinkedIn n’est donc pas très futé. Il suffit d’un étalage public pour que le chômage technique s’étende au-delà du cœur et que le nom soit blacklisté. Mais ça n’empêche pas les mufles de la drague de tenter. Selon l’étude citée plus haut, 30,23 % disent recevoir ce genre de messages de façon mensuelle et 25 % quotidiennement.
Des messages déplacés passibles de sanctions
Le réseau professionnel est assez clair dans ses politiques communautaires. Il s’agit d’une « plateforme de réseautage professionnel, et non d’un site de rencontres« . Mais il faut croire que les inscrits ne sont pas très assidus avec les documents qu’ils cochent. Cependant, même si le réseau délimite une frontière nette à ne pas franchir, draguer sur LinkedIn ne fait pas l’objet d’une « punition » pure et dure. En revanche, lorsque la drague mute en chantages, en remarques salaces ou en toute autre forme de harcèlement, c’est une infraction.
Depuis 2018, sous l’impulsion de Marlène Schiappa, le délit d’outrage sexiste est inscrit dans la loi. Ce qui signifie qu’un « seul message déplacé peut désormais conduire à une sanction pénale« . Toutefois, la réalité juridique est différente. Comme le souligne Maître Barrionuevo au média La Provence, « c’est davantage sur la fréquence des messages reçus que cela se joue sur le plan judiciaire ».
Comment réagir si vous vous faites draguer sur LinkedIn ?
Se faire draguer sur LinkedIn n’arrive pas seulement aux autres. Vous êtes aussi susceptible de voir un étranger de votre réseau faire irruption dans votre messagerie, pas pour vous proposer un déjeuner d’affaires, mais plutôt un verre.
Qu’importe la branche dans laquelle vous exercez, vous n’êtes pas à l’abri d’un beau parleur échoué dans les méandres du B to B. Alors mieux vaut vous y préparer en amont, au cas où. Pour riposter avec tact et recadrer ceux qui veulent avoir le leadership sur vos sentiments, voici quelques gestes de base.
- Ne pas répondre. L’ignorance est la plus douloureuse des réponses, surtout pour ces Casanova à l’égo musclé. Avec cette tactique, deux scénarios possibles. Soit il continuera avec hargne jusqu’à combler ce terrible « vu ». Soit il s’arrêtera intelligemment ou à force d’usure.
- Bloquer la personne. Si vous vous faites draguer sur LinkedIn et que vous craignez de prendre ces messages trop à coeur, protégez-vous. Sur LinkedIn aussi vous pouvez bloquer des gens qui vous irritent et les tenir à l’écart.
- La dénoncer sur votre fil d’actu. Dans un registre plus audacieux, vous pouvez aussi avertir votre réseau et partager les messages sur votre fil. Rien de tel pour effrayer et rebuter votre casse-cœur. Pour l’heure, pas de #MeTooLinkedin, mais ça ne saurait tarder au vu de l’ampleur du phénomène…
- Garder des preuves sous la main. Pas question d’appuyer sur la corbeille sans avoir sauvegardé précieusement ces messages. Ils peuvent vous servir de pièces à conviction si vous décidez d’aller plus loin avec la justice.
Après avoir pris d’assaut la plateforme de seconde main Vinted, les célibataires détraqués tentent de draguer sur LinkedIn. Si le concept peut prêter à sourire, il est aussi effrayant. Même LinkedIn, réseau censé être une « safe place », est infesté de Roméos insolents.
