Fictosexualité : que signifie cette forme d’attirance pour les personnages de fiction ?

Nous avons tou.te.s déjà craqué pour un personnage de fiction. Mais lorsque cela se transforme en véritable béguin, en une attirance irascible, cela tient de la fictosexualité. Voici ce qu’implique cette attirance pour les personnages de fiction, en vogue sur Internet. 

La fictosexualité, un phénomène silencieux, mais répandu

La fictosexualité est une orientation sexuelle apparue sur les forums de discussion en ligne. Alors que la sociologie et la psychologie ne s’y étaient pas réellement intéressées, Tanja Valisalo, chercheuse à l’Univeristé de Jyvaskyla a décidé de l’explorer.

Dans son ouvrage « Fictosexualité, fictoromance, et fictophilie : une étude de l’amour et du désir pour les personnages de fiction », elle décrit la fictosexualité comme une attirance sexuelle envers des personnages fictifs. Selon elle :

« l’objet de désir peut être un personnage de livre, bande dessinée, télévision, cinéma, jeux, etc. La fictosexualité n’exclut pas forcément d’autres formes de sexualité ou d’attirance envers de vraies personnes. »

En effet, la fictosexualité se décline à tous les genres de fictions. On parle de :

  • Gamosexuel.le.s pour les personnes qui aiment un personnage de jeux vidéo;
  • Cartosexuel.le.s pour les personnes qui sont attiré.e.s par les personnages de dessin animé et/ou de comics;
  • Ou encore de novelosexuel.le.s concernant l’attirance pour les personnages de romans;
  • Lorsque cette attraction est amoureuse, mais pas sexuelle, on utilise le terme de « fictoromantisme« .

Si on n’entend que très peu parler d’elleux, les fictosexuel.le.s sont pourtant bien présent.e.s sur la toile. Iels se retrouvent sur Twitter et Facebook pour échanger sur des groupes privés. Mais la communauté la plus active se trouve sur Reddit, qui comprend trois subreddit spécialement dédiés à la fictosexualité. L’un d’entre eux, nommé « waitfuism« , se consacre uniquement aux animés et compte plus de 59 000 membres.

Au croisement de la pop culture et des spectateur.rice.s

La fictosexualité n’est pas une attirance si déroutante pour les personnages de fiction, au vu du monde dans lequel nous évoluons. En effet, la pop culture fait partie intégrante de notre quotidien. L’exemple du culte de la célébrité ancré dans la pensée collective en est l’exemple parfait.

Les sociologues Lynn E McCutcheon, Rense Lange et James Houran se sont intéréssé.e.s à cette notion en 2002 dans le British Journal of Psychology. Iels le déclinent en trois étapes : « entertainment social », « intense personnal » et « borderline-pathological. ». La première étape se réfère au partage d’expériences, il s’agit d’en savoir plus sur les célébrités et d’en discuter. La seconde étape considère les sentiments intenses ou compulsifs qui naissent pour les célébrités.

Enfin, la troisième étape renvoie à obsession virant à l’érotomanie, il s’agit alors de comportements à risque. Dans ce cas, le culte de la célébrité s’avère pathologique. Tanja Välisalo estime que l’on ne peut pas en dire autant de la fictosexualité. Pourtant, sur les forums, il n’est pas rare de voir les fictosexuel.le.s s’interroger sur cette attirance autour de leurs personnages de fictions préférés. Iels s’inquiètent également de voir leur engouement stigmatisé.

La fictosexualité, une attirance embarrassante

La fictosexualité souffre d’une image négative du/de la fan « hystérique, ado obsessionnel.le et dangereux.se », confirme Tanja Välisalo. Après avoir analysé les discussions que les forums, elle a constaté que la crainte était plus grande du côté des adultes.

« Pour les adultes en particulier, la fictosexualité est souvent considérée comme immature, quelque chose d’acceptable pour les adolescent.e.s, mais pas pour elleux. »

Nombreux.ses sont les fictosexuel.le.s à se préoccuper ainsi de leur santé mentale. À l’heure actuelle, la fictosexualité n’a pas été étudiée par l’Organisation mondiale de la santé ou par l’American Psychiatric Association. Aucune affirmation ne peut encore être émise. Il n’empêche que cette attirance surprend assez pour inquiéter les concerné.e.s.

« Les discussions sur la fictophilie et la fictosexualité sont généralement lancées par des personnes éprouvant de l’amour, du désir ou un attachement profond pour un personnage de fiction et qui se demandaient souvent si c’était ‘normal ‘ ou ‘sain’ », explique la chercheuse Tanja Valisalo

Des rôles sont façonnés pour créer une attirance

La fictosexualité n’est pas indépendante du système créé par la pop culture. En effet, les séries, les films, les romans connaissent les rouages de l’attachement, et s’en servent. Vous remarquerez que nos amours fictifs rassemblent des qualités généralement recherchées chez l’autre.

Chacun.e d’entre elleux correspond à un cliché apprécié de certain.e.s chez le commun des mortel.le.s. La sexologue et thérapeute psychosexuelle Chloe Scotney s’est intéressée à la fictosexualité. Elle nous apprend que de nombreuses raisons expliquent l’attirance pour un personnage fictif.

« La plupart du temps, les personnages sont développés pour mettre en valeur les éléments les plus intéressants et les plus charismatiques de la nature humaine – des choses que nous n’avons tout simplement pas tendance à rencontrer lorsque nous nous mêlons à des gens dans la vraie vie. »

Par exemple, ces personnages sont souvent des héros et des génies. Et même s’ils ne sont pas les gentil.le.s de l’histoire, leurs défauts sont romancés de telle sorte qu’on leur pardonne leurs erreurs et s’attache à elleux. Aussi, elle nous apprend que les personnages fictifs ne représentent pas uniquement nos fantasmes ultimes. Iels nous proposent aussi de projeter des fantasmes qui ne « seront pas remis en cause par des comportements réels ».

« Oui, un.e protagoniste peut nous laisser tomber, mais à cause de la façon dont la plupart des récits fonctionnent, nous savons qu’iels finiront toujours par se racheter. Les gens de la vie réelle ne fonctionnent pas toujours de cette façon. »

Ainsi, la fiction cherche à renforcer la fascination, voir l’attirance, pour certains personnages. Il suffit de constater les engouements réguliers inhérents à des productions cultes. Prenons l’exemple de la saga Twilight : étiez-vous team Edward ou team Jacob ? Ou plus récemment, l’emballement autour du duc d’Hasting dans La Chronique des Bridgerton.

La fictosexualité décrit donc une véritable attirance pour des personnages de fiction. Elle est aussi populaire sur la toile que silencieuse au quotidien. Bien que le tabou se lève sur cette attirance a priori inoffensive, elle continue d’interroger. La question qui subsiste est celle de savoir dans quelle mesure la fictosexualité est construite par la pop culture.

Charlotte Vrignaud
Charlotte Vrignaud
En tant que journaliste spécialisée dans les médias et la culture, mon quotidien est une aventure passionnante au cœur de l'évolution culturelle et médiatique de notre époque. Mon rôle consiste à décrypter et à partager les tendances émergentes, les innovations et les récits captivants qui façonnent notre société.
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