Contrairement à d’autres tendances sentimentales impulsées par TikTok, l’hypergamie trouve sa source plusieurs siècles en arrière. Même si elle s’est légèrement essoufflée au fil des années, les séries d’époque à l’image de « Bridgerton » ont dépoussiéré cette pratique plutôt « intéressée ». Avec l’hypergamie en toile de fond, le mariage s’apparente plus à un tremplin social qu’à un pacte romantique. Cette bague glissée sur le doigt est la promesse d’un avenir meilleur. C’est un précieux sésame pour accéder à la gloire et gravir les échelons en accéléré. En clair, l’hypergamie revient à s’unir avec une personne aux revenus supérieurs et à vivre aux crochets de son porte-monnaie. Si les mœurs ont évolué, l’hypergamie s’infuse encore curieusement dans les relations actuelles. TikTok se charge d’ailleurs d’en faire la promotion.
Qu’est-ce que l’hypergamie ?
Dans « Bridgerton », Daphné, l’héroïne principale, est issue d’une famille de la haute société, mais son patrimoine financier est plutôt mince. Même si elle a tout d’une princesse pleine aux as, elle n’a pas une grande fortune. Daphné aspire alors à épouser un homme au sommet de la noblesse, qui pourra lui offrir une vie de château, ponctuée de dorure, de service à thé en porcelaine et de robes au prix inestimable.
Elle cherche un mari capable de la propulser sur un trône et d’assurer sa sécurité financière ainsi que son ascension sociale. Elle a de la chance, le duc de Hasting, Simon Basset a un sex appeal à en décoiffer les culottes. Bien loin de l’image des bourgeois montés sur perruque à bouclette, au teint blafard et au visage bouffi. Daphné ne s’est pas liée à l’éternité avec Simon Basset pour son joli minois et son corps d’Apollon, mais pour s’élever et avoir les pleins pouvoirs par procuration. Cette histoire portée sur petit écran est l’incarnation parfaite de l’hypergamie.
L’hypergamie consiste à se marier avec une personne aisée qui culmine au-dessus de la pyramide sociale pour passer dans le cercle des privilégiés et acquérir un statut plus respectable. Les adeptes de l’hypergamie n’ont pas forcément une liasse de billets à la place du cœur ou un lingot d’or encastré dans le cerveau. L’hypergamie est avant tout dépeinte comme une voie d’accès royale pour faire partie de l’élite et progresser dans sa vie.
« Cela peut souvent être dû au désir d’atteindre la sécurité financière ou de renforcer sa réputation. Cela peut aussi être dû au désir de rechercher un “niveau plus élevé” d’estime de soi et d’identité », explique Alysha Jeney, thérapeute conjugale et familiale au média Cosmopolitan UK
Pourquoi l’hypergamie, pratique ancienne, revient à la mode ?
« Bridgerton », « Downton Abbey », « Succession »… l’hypergamie se niche dans toutes les séries qui se tiennent dans des décors historiques anciens, entre la Régence anglaise et l’aristocratie du début des années 1900. Il faut dire qu’à ces époques, l’hypergamie était presque le seul joker pour changer le cours de son destin. Surtout pour ces mesdames, marginalisées de toute affaire impliquant de l’argent et condamnées à être la marionnette de leur époux. Cette pratique est toujours d’actualité dans les pays culturellement masculinistes à l’image de l’Inde ou de l’Iran. Mais pas seulement. Même certaines femmes modernes qui ont accès à l’emploi et qui peuvent gérer les cordons de leur bourse vantent les mérites de l’hypergamie.
Sur TikTok, le hashtag #hypergamy recense des vidéos articulées comme des formations ou des cours académiques pour s’initier à cette pratique « datée » et chercher l’amour avec de la monnaie dans les yeux. D’ailleurs, l’hypergamie s’est trouvée un synonyme qui sonne plus frais le « gold digging » qui signifie littéralement « chercheuse d’or ». Ces croqueuses de diamants d’un nouveau genre délivrent des conseils pour entrer dans le cercle VIP de la société et changer de statut social en un revers d’alliance. Elles racontent comment conquérir des hommes bercés dans l’opulence sans trop se fouler.
Un style de relation bâti sur les billets verts qui trouve plusieurs explications. Avec l’inflation, le coût de la vie ne cesse de grimper et les portefeuilles s’assèchent. Mais en parallèle la télévision renvoie des images luxueuses de villas chiffrées en millions, de célébrités griffées de la tête aux pieds et de voyages cinq étoiles. Si auparavant l’hypergamie était une question de « survie », désormais c’est une solution de facilité pour atteindre une vie de rêve, faite de semelle rouge et de grosses cylindrées.
Est-ce que l’hypergamie est une pratique saine ?
Recevoir des sacs Chanel chaque semaine, aller dans des soirées mondaines, côtoyer des personnalités influentes, siroter des cocktails sur le flanc d’une piscine à débordement… ce quotidien à la Gatsby a de quoi faire envier. Les disciples de l’hypergamie ont tout sans jamais lever le petit doigt (sauf pour boire du champagne). Pourtant de l’autre côté des paillettes et de cette vie flambeuse se trame un tout autre scénario, moins rutilant. Cette pratique, aussi vénale soit-elle, induit d’office une dépendance financière.
Elle s’établit sur des valeurs matérialistes et une vision utilitariste des relations. Or, ce confort paradisiaque à un prix : il vous coûte votre liberté. Vous avez une sorte de fil invisible à la jambe qui vous attache à votre mari. Il peut donc exercer un contrôle sur vous et menacer de vous couper les vivres pour vous garder précieusement sous son aile. Avec l’hypergamie, il y a forcément un rapport de force, un schéma « dominant-dominé », ce qui présage une relation déséquilibrée et superficielle. Votre partenaire vous tient avec son compte en banque. Vous avez peut-être la richesse à vos pieds, mais vous êtes faite « prisonnière » par celui qui en est le propriétaire.
L’hypergamie, une vision sexiste du mariage ?
L’hypergamie s’inscrit jusque dans les Disney. Cendrillon semble d’ailleurs taillée pour définir cette pratique. Rangée derrière son tablier usé et son balai défraîchi, elle passe son temps à lustrer la demeure de sa belle-mère du sol au plafond. Au début présentée en souillon, elle finit par se délivrer de ce titre de soubrette dans les bras du Prince charmant. L’hypergamie revient inlassablement à cette fresque de l’homme « sauveur », capable de transformer l’avenir de sa dulcinée, à condition qu’elle reste docile et malléable. Elle renvoie au cliché de la femme « passive » qui ne s’épanouit que dans les yeux de son époux et qui ne peut se satisfaire d’elle-même.
L’hypergamie cultive aussi cette idée de la femme « pêcheresse » qui joue avec les coeurs pour mieux vider les poches de ces messieurs. Elle conforte ce cliché de la femme manipulatrice qui use de ses charmes pour dépouiller ses proies masculines. Toutefois, l’hypergamie du 21e siècle semble avoir une tout autre teneur. Même si elle dresse encore une vilaine caricature de la femme, elle prétend les aider. Pour certaines fidèles du concept, l’hypergamie est un moyen détourné d’accéder au pouvoir et de se créer un empire à soi.
Si l’hypergamie divise les avis, la pratique séduit de plus en plus de jeunes. Cependant, ce type de relation qui convertit les sentiments en monnaies ne vaut pas les idylles sincères et authentiques.
