L’amour donne des ailes, mais aussi des cornes et une queue de diablotin. Si, dans les Disney, toutes les romances se concluent sur un « ils vécurent heureux jusqu’à la fin de leur jour », en pratique, c’est moins scintillant. Un couple se dispute d’ailleurs en moyenne 312 fois par an. Les joutes verbales sont donc plus courantes que les déclarations à l’eau de rose. Mais cette colère peut-elle se transformer en haine, sentiment négatif ultime ? Peut-on haïr une personne que l’on aime ? Derrière les cœurs tendres se cache aussi un mur de pierre. La preuve.
Haine et colère : deux sentiments bien distincts
La colère se définit comme un « état affectif violent et passager ». Dans un couple, elle est assez récurrente et provoque souvent des accrocs. Qu’elle survienne à cause d’un comportement abusif ou une phrase « rentre-dedans » comme le fameux « à l’époque de mon ex », elle se solde généralement sur une note positive entre un mea-culpa et un câlin.
La colère fait partie du décor. C’est compris dans le starter-pack « vie à deux ». Des vêtements qui traînent, une critique sur maman ou un gros trou « PS5 » dans le compte commun et ça bouillonne. La colère, si elle prend plusieurs degrés, reste gentillette. À l’inverse, la haine est plus violente. C’est justement là toute la nuance.
Le dictionnaire Larousse la qualifie comme un « sentiment qui porte une personne à souhaiter ou à faire du mal à une autre ou à se réjouir de tout ce qui lui arrive de fâcheux ». Si, sur le papier, elle semble être l’antithèse même de l’amour, la haine s’invite dans le nid conjugal plus souvent qu’on ne le croit. Entre le « je t’aime » et le « je te déteste », il n y a qu’un pas. Haïr une personne que l’on aime peut paraître déroutant, mais cette sensation résume parfaitement l’ambivalence humaine.
Haine et amour peuvent-ils faire bon ménage ?
« Je t’aime moi non plus ». En 1970 déjà, Serge Gainsbourg visait juste avec son film au titre particulièrement explicite. La haine et l’amour flirtent régulièrement ensemble. Ces deux sentiments que tout oppose ont ce point commun d’être intenses. Mais en pratique, difficile de les imaginer cohabiter sous un même toit.
Pourtant, certains actes peuvent laisser quartier libre à la haine. Par exemple, lorsque l’être aimé touche une corde sensible ou frôle l’impardonnable, ce sentiment si extrême intervient un peu comme un « gilet par-balles ». C’est une réponse naturelle qui permet d’amortir le choc. Il n’est pas forcément question d’une haine viscérale ou impulsive, elle est d’ailleurs plutôt « raisonnable ».
En fait, cette haine révèle tout l’intérêt accordé à l’autre. Sans ce sentiment amoureux, nous resterions totalement impassibles, qu’importe la trahison. Haïr une personne que l’on aime, c’est avant tout une réaction instinctive qui renvoie à une blessure de l’affect. Hormis ce postulat, cette haine résulte aussi d’une perception trop lisse du couple.
Dans l’imaginaire collectif, l’amour est un sentiment sacré, hermétique aux « coups durs ». Mais qui veut la rose doit aussi se frotter aux épines. En plaçant trop d’espoir dans l’amour, on prend le périlleux risque des désillusions. Ces déceptions, parsemées çà et là au milieu des chandelles, donnent forcément lieu à des émotions excessives, voire hors-normes. La haine en fait partie. Haïr une personne que l’on aime est un juste revers de « l’idéal ».
Comment aborder cette haine dans le couple ?
Si la haine survient en riposte à une infidélité ou une autre bavure conjugale, la relation est alors vouée à la rupture. C’est un point de non-retour. Aimer après avoir haï l’autre du plus profond de ses tripes est quasiment impossible. Dans ce cas de figure, la haine peut prendre des proportions inouïes.
L’autre, qui a pourtant fait virevolter les papillons, devient la « bête à abattre ». Le ménage à deux mue rapidement en ring, où se confrontent vérités acerbes et rancœurs. Cependant, si cette haine est plutôt dans le « sur-jeu », c’est-à-dire sans réels motifs, mieux vaut l’accueillir avec franchise.
Les émotions négatives ne doivent pas se cantonner au « je », mais se conjuguer au « nous ». Certes, elles contredisent le côté fleur bleue de l’amour, mais elles ont toute leur place dans un tête-à-tête. Communiquer à l’autre son ressenti de façon sincère, c’est aussi ça la clé de l’équilibre. Accepter de haïr une personne que l’on aime et lui avouer est plus salvateur que de laisser ce ressenti en suspens.
Haine et amour ne font qu’un. Ces deux ressentis se contredisent, mais se complètent en même temps. C’est là tout le paradoxe du langage sentimental. Haïr une personne que l’on aime est presque une « belle attention ». Cependant, gare à la dépendance affective qui peut brouiller les pistes entre amour et mainmise.