Selon les estimations, un couple se dispute en moyenne 312 fois par an. Lorsque les scènes de ménage éclatent, il y a les partenaires qui vont au clash sans prendre de détour et celleux qui se lancent dans une terrible guerre silencieuse. Ce mutisme « post-dispute » porte un nom : le stonewalling. L’autre en face devient alors un « mur de pierre », infranchissable et insensible aux sollicitations extérieures. C’est comme si une fermeture éclair s’était greffée sur sa bouche.
Cette technique, à la limite du « ghosting », est sans bruits, mais elle retentit très fort sur le nid conjugal. Éclairage sur ce comportement toxique qui insonorise volontairement les conflits.
Comment définir le stonewalling ?
Chaque couple gère les conflits à sa manière. Certains vont tenter d’apaiser la situation sous la couette tandis que d’autres vont préférer s’enfermer dans le silence. La deuxième attitude, certainement la plus commune, se fait appeler « stonewalling » dans le jargon du cœur. Il ne s’agit pas de bouder dans son coin et de revenir réclamer de l’affection dix minutes plus tard, mais bien de faire comme si l’autre n’existait pas.
Ce comportement, qui s’apparente à une « fuite déguisée » va au-delà de l’effet « tête de mule ». Au lieu de céder au dialogue et d’essayer de trouver un terrain d’entente, la personne qui pratique le « stonewalling » se retire du conflit sans décrocher un mot. Plus qu’une phase passagère, ce jeu du silence peut durer longtemps. Cette parade sourde prend fin seulement lorsque l’autre arrête de ressasser la dispute. Ce n’est donc pas un simple caprice inoffensif, c’est une véritable tactique de répression.
Le mode opératoire des personnes qui usent du stonewalling est affûté. Détourner les regards, mépriser les paroles de l’autre par l’ignorance, dénigrer la présence de l’autre en changeant de pièce… Voilà les ingrédients qui font toute la gravité du stonewalling. Opposé polaire de la discussion ouverte et constructive, cette fâcheuse habitude ne fait que tonifier les problèmes.
« Une communication saine répare et restaure les fractures relationnelles, tandis que le silence peut être assourdissant dans sa destruction de l’intimité interpersonnelle et de la confiance », explique ainsi Wendy L. Patrick dans un article publié par Psychology Today
Pourquoi le stonewalling conduit le couple à sa propre perte ?
En plus de créer une ambiance pesante au sein du nid conjugal, le stonewalling donne lieu à un « langage de sourd » frustrant et épuisant. L’autre gâche sa salive, son temps et son énergie pour récolter un seul soupir en échange. Même si les partisan.e.s du stonewalling ne sont pas toujours mal intentionné.e.s, iels ne font qu’attiser les incompréhensions. Selon le Docteur John Gottman, chercheur américain spécialisé dans les relations conjugales, le stonewalling fait le carburant des divorces et forge au manque d’empathie.
Il affirme que cette pratique, silencieuse, mais rugissante à la fois, est encore plus préjudiciable que la critique, le mépris et la défense. D’après une étude menée par son institut éponyme, 85 % des personnes qui répondent par le stonewalling sont des hommes. Quoi qu’il en soit, ce comportement ne se contente pas d’émousser le couple, il enfonce aussi la personne qui le subit. Voici les sombres revers de ce mutisme délibéré.
Il minimise les conflits
Le stonewalling anesthésie l’ampleur des conflits en prônant une approche distante et désintéressée. La personne qui l’applique se dédouane de ses responsabilités en désertant tout contact avec l’autre. Ce silence revient à faire une amnésie des disputes, comme si elles n’avaient pas besoin de trouver d’explications ni de solutions.
En réalité, le stonewalling traduit une certaine immaturité émotionnelle. Autrement dit, cette attitude, enfantine, semble inappropriée par rapport à l’âge de la personne. Le silence, quoique réducteur, est le seul moyen d’échapper à cette condition d’adultes.
Il entretient une certaine ambiguïté
Selon les spécialistes, le stonewalling sculpte une « ambiguïté stratégique ». En scellant ses lèvres, l’autre devient impénétrable et prend un malin plaisir à cultiver cette incertitude. Contrairement aux réactions plus tempétueuses qui matérialisent clairement les ressentis de l’interlocuteur.ice, le stonewalling est indéchiffrable. Et c’est justement ce qui fait sa résonance.
Cette froideur, généralement appliquée en cas de bêtises, incite inexorablement à l’introspection. L’autre, pourtant pas en tort, va alors se remettre en question et revivre la scène en boucle jusqu’à trouver l’inconnu à cette équation. Le stonewalling, dada des pervers narcissiques, inverse les rôles et place l’autre dans une posture désavantageuse. Wendy L. Patrick confirme qu’il s’agit d’une « dynamique de pouvoir », un produit dérivé de la domination.
Il a pour but de frustrer l’autre
Le stonewalling est vicieux. Il attaque l’autre dans la discrétion et l’éloignement affectif. Ce comportement feutré force la personne qui s’y frotte à surréagir et à se laisser dépasser par ses pensées, ce qui ne joue pas en sa faveur. Là encore, tout est question de « stratégie ». En misant sur cette « défense tranquille », les fidèles du stonewalling vont pousser l’autre dans ses retranchements.
À titre comparatif, ce comportement génère une frustration plus intense que celle du fameux « vu » sans réponses. En adoptant cette conduite quasi « spectrale », l’autre fait planer le doute sur ses sentiments post-disputes.
Comment faire face au stonewalling ?
Dans la plupart des cas, le stonewalling est un mécanisme inconscient qui résulte d’une faille émotionnelle ou d’un instinct de défense un peu trop sensible. Il est donc totalement probable que la personne qui l’utilise soit elle-même aveuglée par le mal qu’elle inflige autour d’elle. Profitez d’une accalmie pour entamer la discussion sur le sujet et éclairer votre partenaire. S’iel reconnaît ses fautes et engage les efforts nécessaires pour éviter de reproduire ce schéma, vous pouvez instaurer un « safe word ».
Ce « nom de code », inspiré des pratiques BDSM, intervient également hors du lit et peut limiter les « déroutes » après une dispute. C’est d’ailleurs ce que soutient le Gottman Institute. Ce signal indique au/à la partenaire que vous avez besoin de prendre du recul, de faire un break avant que la situation ne dégénère. Un « temps mort » qui permet aux personnes en proie au stonewalling de rétablir sainement la connexion et d’alléger le poids des émotions.
En revanche, si la personne refuse d’admettre la toxicité de son comportement, méfiance. C’est sûrement le coup d’un disciple de la manipulation. Si le stonewalling n’est pas forcément malveillant, il peut se glisser dans les armes du pervers narcissique, ni vu, ni connu.
Le stonewalling est, certes, un comportement de pierre, mais il ne veut pas dire que votre partenaire a un cœur en béton. Cette attitude qui brandit le « motus » au moindre accroc trahit d’ailleurs des traumatismes plus subtils.
