Dans un monde mouvementé où près de 3 milliards d’individus sont confinés, une toile de créativité n’a cessé de se tisser. Pour pallier l’ennui de la quarantaine, les esprits artistiques se déchaînent tant dans l’Hexagone que dans d’autres régions du globe. D’un coup de crayon, ils s’inspirent de leur quotidien et de l’actualité pour donner vie à leurs idées. Une imagination débordante et presque enivrante, qui nous invite à plonger dans leur univers si singulier. À chaque personnalité, sa particularité.
1 – Jean Jullien, l’illustrateur prodigieux
Jean Jullien est un dessinateur français de 37 ans. Il se distingue par son oeil aiguisé et son goût prononcé pour les oeuvres engagées. Ce trentenaire inventif s’est notamment fait connaître en illustrant la chanson mythique Imagine de John Lennon. Pénétrer dans son monde s’apparente à un voyage festif. Dans sa mosaïque de dessins aux couleurs vives, il parvient à chatouiller notre humour. Les petits bonshommes qu’il met en scène sont en réalité le reflet de nos vies assez monotones.
En ajoutant sa touche personnelle, Jean Jullien rend les situations cocasses et voire même rocambolesques. Il a, par exemple, mêlé fiction et réalité dans cette adaptation d’Inspecteur Gadget version 2.0. Les confinés en visioconférence y sont surveillés par le méchant Docteur Gang de la série d’animation. Un contraste qui oppose la douceur presque enfantine des illustrations et la profondeur de leur signification. Il esquisse notre monde contemporain avec justesse et tendresse.
2 – Lorraine Sorlet, un pêle-mêle d’amour
Jeune diplômée de l’école des Gobelins (Paris), cette artiste vogue entre douceur et sentiments dans son univers apaisant. Comme une sorte de Cupidon au féminin, Lorraine Sorlet plante la flèche de l’amour dans chacun de ses dessins. À travers des mises en scène romantiques, elle nous immerge dans une sphère idyllique. Elle aiguise des histoires qui mêlent passion et plaisirs charnels dans des décors aux couleurs vives.
On retrouve des interprétations multiples de la douceur. Une femme et un homme échangent depuis leur fenêtre respective perché sur les toits parisien, distance de sécurité oblige. Ou plus subjectivement on admire la métaphore de l’enfermement : une bouteille représente nos vies confinées mais un couple parvient à y échapper pour enfin se retrouver. Grâce à son goût pour les décors bucoliques et joyeux, cette surdouée du pinceau nous embarque dans l’intimité de ses personnages, qui poursuivent leurs aventures malgré la quarantaine.
3 – Henn Kim, illusions à profusion
Ces créations ont un brin de ressemblance avec les oeuvres de l’avant-gardiste peintre Magritte. La jeune Sud-Coréenne nous happe littéralement dans un amas de métaphores artistiques. Toutes font écho à nos vies et aux sentiments universels que sont l’amour, la tristesse, la solitude. Dans un tourbillon de fantaisie ponctué de traits noir et blanc, elle donne un double sens aux objets, aux personnages. Avec délicatesse, elle explore les profondeurs de notre société en jonglant entre obscurité et clarté.
Dotée d’une imagination débordante, Henn Kim s’est emparée du confinement pour le revisiter avec inventivité. On peut croiser un fauteuil à mi-chemin entre l’objet décoratif et l’humain, qui sonne comme un reflet des confinés enfoncés dans leur canapé. On peut aussi tomber nez à nez avec cette femme qui a des robinets à la place des yeux, serait-ce un écho à notre obsession de sans cesse nous laver les mains ? Chacun se forge son interprétation selon ses croyances et selon sa personnalité. Tous les scénarios sont possibles.
4 – Théo Grosjean, la bande dessinée comique d’un angoissé
Théo Grosjean est un auteur de BD de 24 ans. Il s’attèle à créer une série de planches au doux nom de « L’homme le plus flippé du monde » pour que nous surfions sur une vague d’émotions. Dans un décor orangé, son personnage clef traverse moult embûches plus cocasses les unes que les autres. Comme un trait d’union entre réalité et fiction, il trace les contours de notre société mouvementée. Bien avant l’instauration de la quarantaine cet as du crayon dépeignait ses craintes vis-à-vis des petites choses de la vie. Il scénarise la peur du vide pendant ses temps libres ou encore l’angoisse du premier rendez-vous amoureux.
De cette vision tumultueuse du quotidien émerge depuis le 19 mars une série de dessin spéciale « confinement ». Date significative qui apparaît comme un abreuvoir d’inspiration pour le jeune artiste. Au coeur de son introspection, il nous livre une interprétation personnelle de cette phase de huis clos. Aussi prenant qu’une série télévisée, les épisodes de « l’homme le plus flippé du monde » version confinement transpire de situation comico-tragique. On gravit les paliers de ses sentiments : de la déprime à la nostalgie en passant par le malade imaginaire.
5 – Les caractères, un compte aux mille personnalités
Lison Daniel, scénariste et comédienne de 27 ans, se cache derrière ce temple des 1001 facettes. C’est un Split version 2.0 avec à chaque filtre, sa personnalité. Dans son théâtre numérique, elle interprète des rôles multiples allant de la bourgeoise baroque, au psychologue bavard en passant par le coach sportif hyperactif. Dotée d’un esprit inventif et imprégnée de notes comiques, Lison capte en réalité les travers de l’être humain.
Chacune de ses interprétations nous lie cependant d’amitié à ces quelques morceaux de personnalités. Improvisation ou répétition préalable, le spectacle est véritablement bluffant. Et depuis le début du confinement, ses anti héros ont quelque peu vu leur vie chamboulée pour le plus grand plaisir de nos zygomatiques. On pleure de rire devant Isabelle qui est tourmentée par la répartition des résidences secondaires et on tente de déchiffrer les analyses du psychologue Yvan qui écoute les rêves troublants de ses patients. Une pluralité d’autres petites personnes sont à découvrir sur son compte Instagram, si vous êtes en quête de rire.
6 – Le Baba au Rhum, l’ivresse de la vie
Une pincée de douceurs, une cuillerée de talent et une bonne dose d’humour est la recette savoureuse que l’on peut déchiffrer dans le compte Baba au Rhum. En référence à la célèbre pâtisserie, cette artiste anonyme partage des illustrations du quotidien aussi douces que la chantilly et aussi euphorisantes que l’alcool. Dans cette véritable caverne d’Ali Baba, elle met en scène sur fond blanc une femme à la bouille ronde. La créatrice nous propose un catalogue humoristique et minimaliste des actions courantes de son personnage.
En ces temps troublés, le confinement lui monte à la tête et laisse entrevoir une douce folie plâner dans sa vie. Ce petit personnage au caractère bien trempé fait par exemple subir le #quarantinepillowchallenge à son conjoint. Véritable pile électrique ce petit bout de femme version cartoon enchaîne les activités confinées. Serpillère entre les mains, elle combine aussi danse et ménage, comme beaucoup d’entre nous. On pénètre dans la vie intime de ce personnage qui nous ressemble, et auquel nous pouvons facilement nous identifier.
7 – La quarantaine tmtc, confiné décomplexé
Masquée derrière un pseudo à double signification, cette artiste se saisit de questions existentielles de façon décomplexée. Sur son compte Instagram elle propose une fresque sans tabou de nos comportements en société ou confinés. Ses illustrations très simples, voire presque candides, dissimulent en réalité des sujets pleins de maturité. Dénués de toute superficialités, ses dessins s’imposent comme un reflet de la réalité. Blanc immaculé en toile de fond, elle slalome entre constats véridiques et vision du monde intimiste en un coup de crayon.
Chaque illustration s’accompagne d’un texte à la fois mignon et sans filtre. Véritable perle du web en plein confinement, elle nous fait rire et nous invite à réfléchir. Sur ce compte, pas de pression, on parle volontiers de sextoys, de plaisir solitaire, de fierté et même d’hypocrisie tout en finesse. Sujets sensibles comme thèmes universels sont revisités comme le réchauffement climatique, les relations d’un soir ou encore la peur de vieillir. Les caricatures, elles, s’enchaînent mais ne prennent pas une ride. Et pour le confinement, mention spéciale ce lapin de Pâques 2020 élaboré en version plus coquine.
Inspiré.e.s, les dessinateur.rice.s rivalisent d’imagination pour illustrer le confinement des Français. Il faut dire qu’un peu d’humour et de poésie pendant cette période, on ne dit pas non !